Le président Trump a effectué durant la dernière semaine d’octobre le 1er voyage en Asie de son second mandat, visitant la Malaisie, le Japon, ainsi que la Corée du Sud où s’est tenue une rencontre avec le président chinois Xi Jinping. Quel est le bilan de ce périple en matière économique et commerciale ?
Lors du sommet de l’ASEAN tenu en Malaisie à compter du 26 octobre, un accord de principe USA/Malaisie a été conclu sur l’exploitation de terres rares malaisiennes par des firmes américaines, apportant ainsi une contribution ‘amont’ aux efforts des USA pour se libérer d’une dépendance complète vis-à-vis de la Chine. En aval de l’exploitation minière, il reste le raffinage, l’étape la plus complexe, sur laquelle la Chine dispose de la position mondiale la plus forte : 90 %. Dans ce domaine des terres rares, la Malaisie a également conclu le 29 octobre un accord de joint-venture avec le Brésil, et signalé son intérêt général pour des investissements étrangers visant à valoriser ses minerais dans ce domaine amont des semiconducteurs : la Malaisie mise beaucoup sur ces composants électroniques dont elle est un producteur déjà significatif (6ᵉ exportateur mondial) et qui représentent 25 % de son PIB. Par ailleurs, la Malaisie demeure candidate aux BRICS (ce qui transformerait le détroit de Malacca en ‘mer intérieure BRICS’), et critique envers le soutien des USA à la politique israélienne à Gaza : ce n’est pas un pays docile !
Pendant ce temps, le 27 octobre, l’Indonésie emprunte en Yuan l’équivalent de $500 millions, avec garantie de la Chine. Les BRICS poursuivent leur processus progressif de dédollarisation.
Le même jour, l’Inde et la Russie annoncent un accord pour la construction sous licence en Inde de l’avion russe SJ 100, biréacteur de 100 places, dans une version nouvelle ‘souveraine’, 100 % russe, un moteur national PD8 ayant par exemple remplacé le moteur construit en joint-venture avec le français Safran. L’économiste français Jacques Sapir a indiqué que cet accord pourrait aussi concerner l’avion russe MS21 de 160-200 places, concurrent direct des Airbus 320 et Boeing 737 : est-ce l’amorce d’une forte concurrence en Asie pour ce type d’avion pilier des flottes des compagnies aériennes ?
Au Japon le 28 octobre, Trump rencontre la nouvelle Première ministre Takaichi. Un accord sur les terres rares est conclu, portant sur la coordination des efforts de chacun pour réduire la dépendance à la Chine, de même qu’un accord de principe sur l’énergie nucléaire. Mais Takaichi a refusé au nom de l’intérêt national japonais tout renoncement au pétrole et au gaz russes.
Le 31 octobre, en Corée du Sud se tient une rencontre des présidents chinois et étatsunien. C’est bien sûr le point central de la tournée de Trump en Asie, tant la confrontation commerciale entre les pays a pris de l’ampleur : Au renforcement du contrôle par les USA des exportations de semiconducteurs (dont l’effet s’amoindrit au fur et à mesure que la Chine se rend autonome) a répondu la mise en place de mesures similaires sur les terres rares par la Chine (dont les États-Unis dépendent quasi totalement) – dans les deux cas, les dispositifs annoncés couvraient les exportations primaires et secondaires, impactant ainsi tout le commerce mondial au long des chaines d’approvisionnement ; la mise en place de redevances portuaires pour les bateaux chinois aux USA a été suivie d’une mesure similaire pour les bateaux américains. Aux vagues successives de droits de douane américains (totalisant 145 %…) a répondu une hausse des droits chinois sur les produits agricoles et l’arrêt des importations de soja américains ($ 12 milliards). Il était temps que les deux ‘partenaires’ se parlent.
Il n’y a pas eu de point presse des présidents après la rencontre, ni de présentation officielle détaillée de ses résultats, mais un accord équilibré d’un an a été conclu, revenant sur une large part de l’escalade commerciale depuis le début de l’année. Voici une synthèse des informations partielles diffusées par chacune des parties :
– Réduction des contrôles à l’exportation :
- les USA suspendent leurs contrôles sur les exportations de biens technologiques vers 18 600 entités hors de Chine contrôlées à 50 % par la Chine ; (pour mémoire, cette « règle des 50 % » introduite par les USA en septembre dernier avait conduit les Pays-Bas à nationaliser du jour au lendemain Nexperia, une entreprise de composants électroniques automobiles détenue par des investisseurs chinois ; cette nationalisation avait abouti à interrompre de fait une production indispensable à l’industrie automobile européenne).
- La Chine suspend ses contrôles sur les exportations de terres rares.
– Frais d’accostage de bateaux : les deux dispositifs sont suspendus.
– Droits de douane
- Les USA réduisent leurs droits de douane totaux de 145 % à 47 % environ
- La Chine lève ses droits sur les produits agricoles US et importera une quantité importante de soja
Le dialogue se poursuivra : des visites de Xi aux USA et de Trump en Chine sont annoncées pour 2026 : au-delà des questions commerciales, la situation de Taïwan pourra mériter des discussions !
Au final, le périple de Trump en Asie devrait lui avoir fait toucher du doigt combien les grands pays d’Asie sont plus soucieux de leurs intérêts nationaux que de se conformer aux desiderata des USA.
Une leçon pour les Européens ?
Sources :
Trump signe avec la Malaisie un accord sur les terres rares | JDM
L’Inde s’associe à l’entreprise russe UAC pour produire des avions de ligne SJ-100 | Air Journal
Japan PM pushed back against US request to ban Russian energy imports, sources say | Reuters