Le coup d’État de la tech autoritaire, par Francesca Bria (Le Monde diplomatique, novembre 2025)


Des fonctions régaliennes capturées par le privé

Une nouvelle puissance se cristallise à Washington. Plus pressée, plus idéologisée, plus privatisée que tous les complexes militaro-industriels antérieurs, la tech autoritaire ébranle les fondations de la démocratie comme jamais cela ne s’était vu depuis les débuts du numérique. La Silicon Valley ne se contente plus de produire des applis ; elle bâtit des empires.

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Mehdi Ghadyanloo. – « New Sky » (Nouveau ciel). 2017

© Mehdi Ghadyanloo – Almine Rech, Paris, Bruxelles, Londres, New York

En juillet dernier, dans les tréfonds de la machine bureaucratique du Pentagone, l’armée américaine a tranquillement sacrifié un pan essentiel de sa souveraineté sous couvert de rationalisation administrative. Agrégation de soixante-quinze contrats distincts, l’accord de 10 milliards de dollars signé avec Palantir Technologies est l’un des plus ébouriffants de l’histoire du département de la défense. La transaction entérine le transfert de fonctions militaires cruciales à une entreprise privée dont le fondateur, M. Peter Thiel, déclare ouvertement que « liberté et démocratie ne sont plus compatibles ». Des décisions relatives à la détermination des cibles, aux mouvements de troupes et à l’analyse des renseignements seront ainsi de plus en plus fréquemment prises à l’aide d’algorithmes régis non par le commandement militaire mais par un conseil d’administration responsable devant ses actionnaires. L’armée n’achète pas ici un simple logiciel : elle cède son autonomie opérationnelle à une plate-forme dont elle ne pourra plus se passer.

Au-delà de Palantir, toute une coalition d’entreprises, d’investisseurs et d’idéologues réunis sous la bannière du « patriotisme » s’emploie à construire un système planétaire de contrôle techno-politique : la « stack autoritaire », par analogie avec la « stack technique », qui désigne l’ensemble des technologies utilisées pour construire une application. Ce système de contrôle est un empilement de plates-formes de serveurs distants, de modèles d’intelligence artificielle (IA), de rails de paiement, de réseaux de drones et de constellations de satellites. Là où l’autoritarisme traditionnel recourt à la mobilisation des masses et à la violence d’État, cette forme de pouvoir s’appuie sur l’infrastructure technologique et la coordination financière, rendant la résistance classique non seulement difficile, mais organiquement obsolète. On trouve aux commandes les figures les plus droitières de la Big (…)

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