L’héritage occulté de Messali Hadj, par Selim Derkaoui (Le Monde diplomatique, décembre 2024)


Soixante-dix ans après la « guerre entre Algériens »

La France vient d’admettre sa responsabilité dans l’assassinat, en mars 1957, du chef indépendantiste Larbi Ben M’hidi lors de la bataille d’Alger. Si cette reconnaissance lève le voile sur certains non-dits de la guerre d’Algérie, il reste aussi à explorer d’autres épisodes, dont celui du conflit fratricide qui opposa le Front de libération nationale (FLN) et le Mouvement national algérien (MNA).

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Dalila Dalléas Bouzar. – « Vichy Era in Algeria #2 » (L’ère de Vichy en Algérie 82), de la série « Algérie année 0 », 2012

© ADAGP, Paris, 2024 – Galerie Cécile Fakhoury, Abidjan, Dakar, Paris

L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Le célèbre adage n’épargne pas les protagonistes du combat indépendantiste algérien. En 1962, à la suite des accords d’Évian, le pays s’affranchit du joug colonial français grâce au Front de libération nationale (FLN). Dès l’indépendance, ce parti interdit son rival, qu’il affrontait en pleine guerre d’Algérie (1954-1962) : le Mouvement national algérien (MNA). Messali Hadj, figure révolutionnaire d’une indépendance qu’il réclama dès 1927, en fut le fondateur et le dirigeant jusqu’à sa mort en exil, en 1974. Marginalisé pendant le conflit, interdit ensuite de retour dans son pays natal par les régimes respectifs d’Ahmed Ben Bella et Houari Boumediène, il est encore la source de vives tensions, et son nom menace de réveiller à chaque instant des plaies jamais cicatrisées. « Pourquoi occulte-t-on la mémoire du MNA ?, interroge l’historien et petit-fils de partisan du MNA Nedjib Sidi Moussa, auteur d’un ouvrage de référence sur le mouvement messaliste. Ce parti reste aujourd’hui associé à une compétition violente avec le FLN, sans prendre en considération sa contribution positive au mouvement nationaliste et indépendantiste. Pour nombre d’Algériens, les messalistes ont joué le même rôle que les harkis. » Cette confusion avec ceux que la majorité des Algériens considèrent comme des traîtres parce qu’ils ont servi dans l’armée française pèse encore très lourd dans la manière dont sont appréhendés les messalistes.

Âgé de 93 ans, M. Idir Boudjemil est un ancien fidèle de Messali Hadj. Arrivé en France en 1953, il cotisait au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), prédécesseur du MNA, et travaillait à l’usine en région parisienne puis dans le nord de la France, deux creusets d’importance pour le parti. À l’époque, de nombreux ouvriers algériens travaillaient dans des usines comme celles de Renault ou de Citroën implantées dans le Nord, dans l’Est ou encore dans le bassin lyonnais. Ils nouaient alors des liens avec la Confédération (…)

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