Et M. Trump prit sa revanche, par Serge Halimi (Le Monde diplomatique, décembre 2024)


Bataille d’interprétations autour d’un scrutin

M. Donald Trump ne revient pas à la Maison Blanche tel un homme seul débarquant sur la scène politique sans trop savoir où il va. Huit ans après sa première victoire, sa base électorale est plus large, sa majorité parlementaire plus assurée. Et il s’est entouré d’une équipe de fidèles qui ne chercheront pas à endiguer ses élans, y compris diplomatiques.

En 2008, l’élection de M. Barack Obama à la Maison Blanche devait annoncer l’avènement d’une nouvelle Amérique, plus diverse, plus intelligente, plus juste. On jugea alors que cette victoire démocrate ne constituait pas une rupture idéologique ou politique — le premier président afro-américain de l’histoire de son pays étant un intellectuel qui détestait les affrontements — mais l’aboutissement d’une métamorphose démographique et sociologique. D’une part, l’arrivée de nouveaux migrants n’avait cessé de diluer la part d’électeurs blancs, majoritairement républicains. D’autre part et simultanément, de nouvelles générations plus instruites, donc plus éclairées, avaient remplacé les anciennes, attachées à des traditions dépassées.

L’annonce d’une telle félicité parut d’autant plus providentielle qu’elle ne réclamerait presque aucun effort ou combat, puisque la démographie était érigée au rang de destin politique. La bonne nouvelle enchanta donc la social-démocratie européenne, qui était à la peine. Et inspira en France la « stratégie Terra Nova », exposée en mai 2011 dans une note de cette fondation qui cherchait à aider M. Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du Fonds monétaire international (FMI), à remporter l’élection présidentielle de l’année suivante. L’ancien ministre socialiste de l’économie avait déjà longuement théorisé la perte par la gauche de son électorat ouvrier, en 2002. Et s’y était résigné. Terra Nova proposait donc qu’un nouveau bloc constitué des femmes, des jeunes, des diplômés, des « minorités et des quartiers populaires », c’est-à-dire l’équivalent français de la « coalition Obama », permette aux sociaux-démocrates européens de surmonter la désaffection de leur électorat populaire. « La coalition historique de la gauche centrée sur la classe ouvrière est en déclin, analysait Terra Nova. Une nouvelle coalition émerge : “la France de demain”, plus jeune, plus diverse, plus féminisée. » On sait ce qu’il advint.

Aujourd’hui, la désillusion est plus rude encore aux (…)

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