L’écrin bouddhiste mise sur les cryptoactifs
L’image d’Épinal associe le Bhoutan, petit pays enchâssé au cœur du massif himalayen, à la sérénité des cimes. Loin du chahut des métropoles occidentales, ses habitants cultiveraient un art de vivre ancestral, une disposition singulière à la félicité. Sur place, on découvre une autre réalité, qui mêle bouddhisme, cryptomonnaies et chômage. De sorte que beaucoup partent.

François Fontaine. — Pendant le festival annuel de la forteresse de Punakha, Bhoutan, 2014
© François Fontaine /Agence VU
Il y a cinquante ans, c’était un petit bourg d’altitude, entouré de champs ; aujourd’hui, l’urbanisation a gagné un fond de vallée dont les coteaux restent boisés. Thimphou demeure une ville calme. La capitale du Bhoutan, 150 000 habitants, n’a rien à voir avec les bouillonnantes métropoles asiatiques. Fraîchement sortis de terre, des immeubles de cinq étages absorbent sans difficulté les nouveaux habitants arrivant des campagnes et de l’est du pays. Leurs façades reprennent quelques éléments de l’architecture traditionnelle (boiseries aux fenêtres, peintures murales…). Aucune enseigne publicitaire tapageuse ne borde la quatre-voies qui traverse l’agglomération. Peu de franchises internationales ont obtenu l’autorisation de s’installer ici. Des panneaux vantent en revanche une journée de promotion des études en Australie organisée par l’une des principales sociétés de placement à l’étranger, un secteur d’activité en plein boom. Car le Bhoutan se vide de sa population.
En 2024, le roi Jigme Khesar Wangchuck effectue sa première visite officielle en Australie, dans l’espoir de faire revenir ses compatriotes d’un pays qui a attiré près de 1,5 % de la population bhoutanaise au cours de l’année précédente. Dans un stade de Perth, vingt mille Bhoutanais viennent l’écouter, revêtus du costume traditionnel : le gho, une robe arrivant aux genoux, pour les hommes ; une longue jupe chamarrée assortie d’une veste en soie, la kira, pour les femmes. Le driglam namzha, l’étiquette qui régit les comportements, reste ancré chez ces exilés. Répondront-ils pour autant à l’invitation royale ?
L’émigration bhoutanaise a connu une accélération depuis la pandémie de Covid-19 : ils seraient au moins cinquante mille à avoir quitté le royaume, soit un peu plus de 6 % de la population. Cela fait un siècle que des Bhoutanais partent se former à l’étranger — surtout en Inde, mais aussi au Bangladesh et au Sri Lanka — grâce à des bourses publiques (…)
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