Les équations vous effraient et vous ne comprenez rien aux probabilités ? Sous forme de leçons « joyeuses », d’ouvrages graphiques et même d’almanach, plusieurs ouvrages ambitionnent de faire découvrir autrement les mathématiques, mal-aimées de la vulgarisation scientifique.
N’importe quel mathématicien vous le confiera : quand il parle de sa profession, on lui répond systématiquement: +Moi, j’étais nul en maths!+. « Comme le dit Cédric Villani, ce n’est statistiquement pas possible qu’il y ait autant de gens nuls », sourit auprès de l’AFP Denis van Waerebeke, qui publie avec l’illustrateur Damien Pelletier, « Voyages au pays des maths » (Hoëbeke/Arte éditions), tiré de la série éponyme d’Arte.
« Beaucoup de gens ont des souvenirs un peu traumatisants » parce que les maths « sont utilisées comme un moyen de sélection à l’école, ce qui ne leur a pas fait du bien », remarque-t-il. Résultat, cette discipline est « souvent oubliée de la vulgarisation scientifique : tout le monde se dit ‘oh, là, là, c’est trop abstrait, trop compliqué’ « .
« C’est plus facile de parler de physique quantique ou d’épigénétique, les gens sont prêts à accepter qu’ils n’en comprendront pas les subtilités », abonde Roger Mansuy, auteur du « Grand almanach mathématique » (Albin Michel). Les mathématiques ne sont pourtant « pas plus difficiles ou plus abstraites ». Et quand on comprend que ce ne sont pas juste des théories, « ça devient une vraie aventure », estime le docteur en mathématiques, qui enseigne en classes préparatoires.
Pour les vulgariser, il y a un « défi important », concède auprès de l’AFP Cédric Villani. « C’est la démonstration qui est l’élément central de la mathématique. Il ne suffit pas de parler des problèmes et de leurs solutions, il faut faire passer quelque chose du raisonnement », estime le mathématicien, qui publie « Leçons de mathématique joyeuse » (Le cherche midi).
Pour s’y plonger et (re)trouver le plaisir des maths, pas question donc de se lancer dans le calcul de dérivées ou de manipuler des nombres complexes. Mais plutôt de comprendre à quoi servent ces outils et comment ils ont été inventés.
Une façon de donner « un sens, une histoire » à la discipline, par exemple en suivant « les revirements et coups de théâtre » qui ont jalonné les tentatives de dater l’âge de la Terre, explique M. Villani.
« Les maths ont plus à voir avec la philosophie qu’avec la comptabilité. Pendant longtemps, il n’y avait pas de distinction très ferme entre philosophes et mathématiciens. Ce sont des choses qui ont vraiment à voir avec notre façon de voir le monde », rappelle M. van Waerebeke.
On peut aussi trouver « beaucoup de points concrets » pour illustrer le rôle des maths, souligne M. Mansuy, qui consacre une entrée de son almanach à l’histoire d’un expert ayant utilisé les probabilités pour convaincre un jury de la culpabilité d’une femme accusée de double homicide.
« Une fois qu’on a dédramatisé le fait que c’était un calcul, qu’on a expliqué toutes les étapes, les gens comprennent que les mathématiques apportent une lumière différente et permettent de ne pas croire instantanément la femme coupable », dit l’auteur, qui veut aussi montrer que mathématiciens et mathématiciennes « sont plus variés que ce qu’on imagine, ils ont des passions, s’engagent dans différents combats sociétaux ».
Parfois, il s’agit simplement « d’admirer le paysage » sans vouloir tout saisir, en se baladant dans la géométrie non-euclidienne en compagnie du mathématicien Henri Poincaré ou en se promenant au bord de l’infini avec Georg Kantor. « Il y a plein d’histoires fascinantes », s’enthousiasme M. van Waerebeke.
« Le point commun entre tous les gens qui font des maths, qu’ils soient chercheurs, enseignants ou fassent un sudoku avec leur café le matin, c’est qu’ils cherchent à comprendre quelque chose, à percer un peu de mystère », estime M. Mansuy.
« Qu’est-ce-que vous pouvez chercher de plus important par les temps qui courent ? Comprendre, apprendre, ça rend heureux et en bonne santé », ajoute M. Villani.