Le Centre Spatial Guyanais est un symbole français, un moteur économique et un site de visite unique en Amazonie. En bus sécurisé, nous avons parcouru les coulisses de cette “ville spatiale” où s’activent les équipes d’Ariane 6. Entre histoire méconnue, héritage algérien, expropriations locales et petit musée passionnant, Kourou dévoile un visage que peu imaginent.
À l’entrée, l’atmosphère est posée. Contrôle d’identité, détecteur de métaux, vigiles, caméras. « Vous n’imaginez pas l’étendue du CSG tant que vous n’avez pas fait le tour », prévient Philippe Lier, directeur du Cnes et du Centre Spatial Guyanais. Le site, immense, impose la visite en bus sécurisé.
Dès le premier virage, la maquette monumentale d’Ariane 5 se dresse comme un repère. Le bus franchit successivement plusieurs check-points. Chaque barrière s’ouvre, puis se referme aussitôt derrière nous.
En bus, au cœur d’un site ultrasécurisé au cœur de la forêt
« C’est une vraie ville dans la ville », explique Renata Bragance, guide officielle, qui accompagne les visiteurs dans ce dédale industriel perdu dans le vert amazonien. Le commentaire défile au rythme des routes rectilignes, des antennes paraboliques et des hangars blancs où transitent les éléments du lanceur. Les silhouettes des bâtiments surgissent puis disparaissent derrière les palmiers, comme des mirages techniques au milieu de la forêt.
Depuis les vitres, on aperçoit des clairières parfaitement taillées, coupées de zones de végétation dense. Renata détaille, en pointant une caméra orientée vers un sous-bois : « Ces caméras enregistrent tout. Elles ont déjà capté des félins, notamment des jaguars. Ils traversent parfois les pistes la nuit. » On ne voit pas d’animaux ce jour-là, mais la simple idée qu’un jaguar circule dans l’ombre des installations suffit à rappeler que le CSG est littéralement posé dans la forêt.
Dans le bus, les visiteurs lèvent souvent la tête lorsque Renata évoque la faune. Plus loin, une zone grillagée signale un secteur sensible. Elle en sourit : « Si vous voyez un convoi satellite sur la route entre Cayenne et Kourou, prenez votre journée. Le convoi roule à 5 km/h, escorté du début à la fin. » La guide rappelle aussi l’arrivée, il y a peu, d’un navire hybride unique au monde, combinant voiles et moteurs, pour transporter les éléments d’Ariane 6.
Le parcours mène ensuite aux pas de tir, immenses structures métalliques posées à l’horizontale du littoral. Derrière la vitre du bâtiment principal, on observe la salle Jupiter, centre nerveux du CSG. C’est ici que, le jour J, le Directeur des opérations prononce le fameux « TOP H0 ». Un rituel millimétré que le public peut seulement entrevoir à la télévision.
Le circuit se termine devant un pavillon discret : le Musée de l’Espace du CSG. On y découvre maquettes Ariane, moteurs exposés, films d’archives et documents retraçant la transition d’Hammaguir en Algérie vers la Guyane. L’ensemble est clair, pédagogique et complète parfaitement la visite de terrain.
De Hammaguir à Kourou : une décision stratégique
Jusqu’en 1962, la France lançait ses fusées depuis Hammaguir, en Algérie. L’indépendance rend ce site inaccessible. En 1964, le général de Gaulle choisit Kourou. La décision est stratégique : climat stable, bord de mer dégagé, proximité de l’équateur.
Mais ce choix n’a pas été neutre. Sur les zones retenues pour la construction du CSG vivaient des familles amérindiennes et bushinenguées. Certaines ont été déplacées, parfois loin de leurs terres. Une dimension longtemps peu racontée, aujourd’hui évoquée dans les travaux historiques et dans certains panneaux du musée.
L’installation du CSG transforme profondément la région. L’activité représente aujourd’hui une part importante du PIB guyanais et soutient plusieurs milliers d’emplois. Une force économique, mais aussi un territoire où coexistent ambition spatiale, mémoire coloniale et réalités sociales contrastées.
Depuis les bus de visite, le contraste est lumineux : installations modernes, zones interdites, routes neuves, et juste derrière la forêt amazonienne, dense et omniprésente.

Le CSG, vitrine touristique de la Guyane
Contrairement à l’image d’un lieu ultra-fermé, le CSG se visite gratuitement. Les réservations affichent souvent complet.
Le public y découvre une vue spectaculaire sur les pas de tir, les bâtiments d’intégration des satellites, et l’organisation strictement millimétrée d’un site stratégique.
Le musée finalise l’ensemble avec des affiches vintage d’Ariane, des objets originaux et un récit clair de la conquête spatiale européenne.
Kourou capitalise doucement sur cet attrait. Les hôtels et gîtes affichent complet les semaines de lancement. Les visiteurs combinent souvent la visite spatiale avec une excursion aux îles du Salut, à vingt minutes de bateau.
En Guyane, la découverte du CSG n’est pas qu’un détour technique : c’est un récit, une histoire, un point de bascule entre l’Europe et l’Amazonie.
CARNET PRATIQUE – VISITER LE CENTRE SPATIAL GUYANAIS
Réserver la visite
– Visites gratuites mais obligatoirement sur réservation.
– Pièce d’identité exigée à l’entrée.
– Visite uniquement en bus sécurisé.
Site officiel des visites du Centre Spatial Guyanais
– Maquettes Ariane, moteurs, vidéos d’archives, documentation historique.
Assister à un lancement – Observation possible depuis :
* la plage de la Cocoteraie,
* le carbet public d’observation du CSG.
Autour de Kourou
Les îles du Salut (ancien bagne)
– Traversée de 20 minutes en bateau.
Musée de Kourou
– Histoire amérindienne, archives locales.
Office du tourisme de Kourou
– Activités, excursions, événements.
Comité du Tourisme de la Guyane (CTG)
– Informations générales, idées de séjours, agenda culturel, activités nature.