Les mignons. Ils et elles sont jeunes, élégants, et généralement brillants pour ce qui est de l’élocution. Et pour la plupart d’entre eux, ils sont loyaux, toujours, jusqu’à l’aveuglement.
NOTA : j’ai proscrit ici l’écriture inclusive. La justification à cela figure à la toute fin de cet article (1).
Dorlotés par le Prince qui les couvre de titres, d’argent public et de responsabilités démesurées, ces novices ou anciennes gloires étatiques (novices elles aussi quand elles furent intronisées initialement, et qui sont remises ainsi en lumière postérieurement), reçoivent les plus hautes charges sans avoir l’expérience requise. En échange, ces jeunes loups et jeunes louves aux dents longues ; et vieilles gloires aux canines qui rayent le parquet ; vouent au Prince un culte exclusif et démesuré. Et sans pitié, ni scrupules, ni remords qu’ils sont, ils écartent brutalement toute personne qui pourrait peu ou prou leur faire de l’ombre.
On appelle ces messieurs et dames de la cour, les mignons et les mignonnes.
Mais attention ! Le terme n’a rien de gentil ni d’innocent. Depuis près de cinq siècles, il désigne en politique française les favorites du souverain. Ces hommes et ces femmes politiques qui doivent tout à la proximité affective (et parfois plus) avec le maître, et rien au mérite collectif ou aux corps constitués. Historiquement masculin, le terme s’est féminisé avec le temps, intégrant les « mignonnes » – ces favorites qui, comme leurs homologues masculins, usent de séduction, d’influence et de fidélité pour gravir les échelons du pouvoir.
La matrice originelle : les mignons d’Henri III (1574-1589)
Tout commence avec Henri III, dernier roi Valois, monté sur le trône à 23 ans après avoir fui la Pologne. Il ramène avec lui à Paris une bande de jeunes nobles ultra-élégants : cheveux frisés, boucles d’oreilles, pourpoints moulants, parfums capiteux, collerettes gigantesques. Ils dorment dans les appartements royaux. Ils reçoivent des duchés et des pensions folles, et bien qu’ils n’aient aucune expérience ni compétence dans ce domaine, ils commandent des armées. Bien que le cercle soit majoritairement masculin, des favorites féminines gravitent autour, influençant le roi par des voies disons « plus discrètes » (à savoir pour ne pas dire « intimes »).
Parmi ces mignons les plus célèbres, on compte, Anne de Joyeuse. Cet homme fut fait duc et pair à seulement 24 ans, amiral de France, et marié en fastes payés par le Trésor royal (400 000 écus d’or, une fortune astronomique à l’époque).

Il y a aussi Jean-Louis de Nogaret de La Valette. Fait duc d’Épernon, gouverneur de provinces entières et colonel général de l’infanterie, il est devenu immensément riche grâce aux largesses royales. Enfin, on peut lister également François d’O, Louis de Maugiron, Jacques de Lévis de Caylus, Saint-Mégrin dont le principal fait d’armes commun à tous est qu’ils sont tous morts jeunes, souvent en duel pour défendre l’honneur du roi.
Le rôle des mignons était clair : ces hommes et ces femmes formaient un bouclier humain autour du souverain, influençant ses décisions quotidiennes, écartant les rivaux du Conseil royal, et servant de relais pour des intrigues de cour. En échange, le roi les protégeait farouchement, ignorant les plaintes des grands seigneurs ou du peuple.
Leurs abus étaient légendaires et systématiques. Ils comprennent entre-autres des détournements massifs. Les mignons s’enrichissaient personnellement via des pensions exorbitantes, des terres confisquées, et des monopoles sur des taxes ou des offices. Anne de Joyeuse, par exemple, accumula une dette publique colossale pour financer ses extravagances.
Un népotisme effréné assorti de promotions fulgurantes sans mérite militaire ou administratif caractérisait les mignons. Par exemple, Épernon devint l’un des hommes les plus puissants de France sans avoir jamais gagné une bataille majeure. L’influence des mignons est répertoriée « toxique » : ils poussaient le roi à des politiques impopulaires, comme des taxes supplémentaires pour financer leurs luxes, aggravant la misère populaire pendant les guerres de Religion.
Enfin et pas des moindres, leurs mœurs étaient, disons, controversées. Les pamphlétaires ligueurs (catholiques extrêmes) les accusaient d’orgies, de corruption morale et de sodomie (« mignons de cul », « gitons du roi »). Le mot « mignon » glissa ainsi d’un sens affectueux (« joli garçon chéri ») à une forme d’insulte politique chargée d’ambiguïté sexuelle.
Les faits marquants soulignent leur emprise
- Le duel des Mignons (27 avril 1578) : un combat sanglant entre mignons d’Henri III et partisans du duc de Guise, où six nobles meurent en une matinée – symbole de la violence interne que ces favoris engendraient.
- La fête des mignons (1577) : des bals extravagants où les mignons se travestissaient, alimentant les rumeurs et la haine populaire.
- L’assassinat d’Henri III (1589) : indirectement lié aux mignons, car leur influence avait exacerbé les tensions religieuses et politiques, menant à la chute du roi.
Le sort réservé aux mignons fut presque toujours tragique, illustrant le revers de la médaille du favoritisme. La plupart moururent violemment avant 30 ans dans des duels absurdes (comme Quélus, agonisant 33 jours après un combat), des assassinats (Saint-Mégrin tué par les Guise), ou des exécutions sommaires (Joyeuse décapité après la défaite de Coutras en 1587).

À la mort du roi, les survivants furent pourchassés, entraînant exil, emprisonnement, ou trahison forcée – Épernon seul s’en sortit en reniant Henri III et en s’alliant à Henri IV, mais il resta haï toute sa vie.
Les mignonnes, comme les dames de cour, subissaient un sort similaire – disgrâce rapide, pauvreté, ou mariage forcé pour les écarter. Leur chute soulignait la précarité du pouvoir basé sur la seule affection royale. Une leçon récurrente : quand le prince tombe, les favori·te·s paient l’addition en premier.
Ce schéma– ascension fulgurante, abus, scandales, puis chute brutale – se répète dans l’histoire française : les « roués » de Philippe d’Orléans (Régence), les favorites de Louis XV (Pompadour, Du Barry, enrichies scandaleusement et haïes par le Parlement), les « chers amis » de Napoléon III, jusqu’aux « visiteurs du soir » de Mitterrand ,ou aux énarques de promotion sous d’autres présidents.
2017-2025 : la macronie ou le retour assumé (et inclusif) du mignonisme
À 39 ans, Emmanuel Macron arrive au pouvoir avec la cour la plus jeune de l’histoire récente : une moyenne d’âge sous les 35 ans au début, avec une loyauté personnelle absolue et combinant expérience souvent mince ou inexistante.
Dès 2017, des éditorialistes (Zemmour, Duhamel) font le parallèle avec Henri III.
Le propre de la macronie ? Rendre le phénomène inclusif : des mignonnes comme Sibeth Ndiaye (porte-parole iconique) ou Marlène Schiappa (secrétaire d’État ultra-visible) jouent le même rôle que les mignons historiques, avec influence démesurée, protection élyséenne, et parfois scandales (affaires de cabinets de conseil, fond Marianne).
Et effectivement le schéma Henri III est respecté : enrichissement via des postes clés, fidélité aveugle, et quand le vent tourne… silence ou promotion ailleurs.

Dans les prochains épisodes de cette série, nous explorerons ces figures du XXIe siècle :
- Les mignons historiques,
- Les mignons de guerre,
- Les mignons de combat,
- Les mignons ralliés,
- Les mignons de l’opposition.
Et, le tout dernier mignon en date, spectaculaire : le général Fabien Mandon, passé en deux ans de chef d’état-major particulier du président (2023) à chef d’état-major des armées (septembre 2025), et individu qui ose déjà alerter sur la nécessité d’ « accepter de perdre nos enfants » face à la Russie (discours du 18 novembre 2025 au Congrès des maires)
À suivre. La cour est plus vivante que jamais, et l’histoire nous enseigne que les mignons finissent toujours par payer l’addition ou par la faire payer au pays entier.
J’en veux pour preuve la dette de 1.200 milliards supplémentaires sous Macron qui court toujours, et qui enchaîne les Français sur trois générations, à 52.000 euros par tête de pipe.
(1) Justification plus que nécessaire du non usage de l’écriture inclusive
L’écriture inclusive est la transposition scripturale du volet sociétal du funeste « Parce que c’est notre projet ! » de la République des mignons : l’institutionnalisation du wokisme.
Macron & Cie souhaitaient donc ardemment que « son introduction dans la norme » fût officialisée. J’entends par là « validée par l’Académie française. »
Que nenni !
Tenant à ce que le français ne fût pas souillé de la sorte, les pensionnaires du Quai Conti s’y sont opposés catégoriquement. Fort heureusement pour la beauté de la langue française, et surtout pour sa pertinence. La pertinence totale que lui confère, notamment le respect des règles orthographiques fondamentales de l’accord en genre et en nombre. Cette pertinence totale dont le français aurait été de fait totalement dépouillé, si l’écriture inclusive avait été validée par les Immortels. Ç’eût été un crime de lèse-majesté. Le coup de grâce donné à l’aura que la France avait encore dans le monde… avant l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Une aura certes déjà fortement mise à mal par les deux Présidents qui l’ont précédé à l’Élysée, dont le français, comme langue, comptait pour beaucoup. À ce point que, pendant de nombreux siècles, le français fut la langue utilisée pour la rédaction des traités internationaux. Justement parce que sa pertinence totale, issue du respect de ces règles orthographiques fondamentales, permet d’éviter les erreurs d’interprétation, quiproquos et malentendus (en anglais les « missunderstanding »).
Or, en tant que journaliste, respecter les décisions de l’Académie française est un devoir, lorsque je m’exprime en français dans l’exercice de ma profession.
C’est la raison pour laquelle je refuse de céder aux exigences des fanatiques du wokisme, qui eux ne jurent que par l’écriture inclusive. Et ce sont d’ailleurs, notez-le, des dévoyés dans l’âme… et plus si affinités. À savoir si l’on s’aventure un peu plus profond dans l’analyse juridique. En l’occurrence jusqu’à atteindre la matière pénale. Car en utilisant l’écriture inclusive dans les textes officiels de la République, ces messieurs-dames et autres, mettent en échec l’exécution de la loi, précisément au sens des articles 432-1 et 432-2 du code pénal. En effet, l’article 2 de la Constitution établissant que « la langue de la République est le français », et la gestion du français, comme langue, ayant été confiée à l’Académie française, utiliser l’écriture inclusive dans un texte officiel de la République met en échec l’exécution des deux textes normatifs qui régissent le domaine. Le premier, c’est donc l’article 2 de la Constitution. Il revêt par nature davantage que la valeur législative (au sens cette fois des articles 3 et 34 de la Constitution) exigée par l’article 432-1 du Code pénal pour caractériser le délit défini par son article 432-2 : la valeur constitutionnelle. Quant au second, il revêt, lui, cette valeur législative, similaire par nature. Il s’agit de l’ordonnance du Roy du 22 février 1635. Cette décision écrite du souverain d’alors, regroupe les manuscrits qu’il a édictés à cet effet, et qui sont dénommés « les lettres patentes » (1).
Pourquoi ? Tout simplement parce que l’application de cette ordonnance de 1635, en tant que norme et avec la force d’une loi, n’a jamais été remise en cause par quiconque. Ni intellectuellement, ni juridiquement. Cette dernière voie est pourtant la seule et unique qui pourrait le faire. Et, il faudrait pour cela une loi votée par le Parlement ou adoptée par référendum, retirant expressément à l’Académie française la gestion du français. Une telle loi n’étant jamais intervenue ni moins encore promulguée par le Président de la République ni publiée au Journal officiel, je persiste et signe : l’écriture inclusive, niet !
J’ai donc sciemment intitulé cette série d’articles la République « des mignons » (c’est-à-dire en désignant ainsi à la fois les hommes et les femmes qui en sont les vedettes malgré eux), et non pas – quelle horreur ! – la République « des mignon·ne.s. »
1) « Les lettres patentes », pour l’établissement de l’Académie française. Signées du roi Louis XIII en janvier 1635 et enregistrée au Parlement le 10 juillet 1637, parchemin scellé, 1635. Archives de l’Académie française, A1.
