Désarroi des agriculteurs, les barrages ne sont « pas près de se lever »


Les barrages des agriculteurs ne sont « pas près de se lever », au lendemain de la visite de la ministre de l’Agriculture Annie Genevard en Occitanie, la mobilisation contre la gestion de l’épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) se poursuit mardi, au 7ᵉ jour consécutif, avec plusieurs axes routiers et ferroviaires bloqués dans le Sud-Ouest.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu tient depuis 10H30 à Matignon une réunion sur l’agriculture, avec les ministres et les préfets concernés par ce mouvement de protestation, qui concerne la DNC mais aussi la signature du traité de libre échange UE-Mercosur qui doit intervenir cette semaine.

La patronne du Rassemblement national Marine Le Pen a appelé Emmanuel Macron à « dire non » à cet accord, « non parce qu’il en va de la survie de notre agriculture et donc de la souveraineté de notre pays », plutôt qu’un report en 2026 du vote prévu à Bruxelles cette semaine. Emmanuel Macron a de son côté redit aux dirigeants de l’UE son opposition à la signature de l’accord.

Une mobilisation nationale

Entre la Haute-Garonne et les Pyrénées Atlantiques, l’autoroute A64 est toujours coupée sur 180 km. Tracteurs et bottes de paille obstruent encore cette autoroute à Carbonne, près de Toulouse, où les agriculteurs ont passé une quatrième nuit.

L’axe ferroviaire Bordeaux-Marseille est bloqué entre Toulouse et Narbonne sur un passage à niveau à Villefranche-de-Lauragais (Haute-Garonne), a indiqué à l’AFP SNCF Réseau.

Environ 200 agriculteurs empêchent toute circulation avec palettes et bottes de foin, tandis que de gros feux ont été allumés au niveau des routes à proximité mais pas directement sur les voies ferrées.

Ce blocage devrait perdurer « au moins pour la journée », a précisé Baptiste Marquié, 38 ans, exploitant céréalier à Monesrol, présent en solidarité des éleveurs. « On détruit plus que des élevages, on détruit des familles et des générations de travail », a-t-il déploré.

En Gironde, l’A63 est toujours fermée à la circulation au niveau de Cestas, près de Bordeaux, où s’est produit lundi soir un accident faisant un blessé grave lorsque deux voitures ont tenté de rejoindre un tronçon fermé, a indiqué la préfecture.

En Ariège, d’où est partie la mobilisation mercredi contre l’abattage de 207 vaches survenu à Bordes-sur-Arize, le principal accès routier à l’Andorre est bloqué depuis vendredi. Les commerces de produits détaxés du Pas de la Case, habituellement pris d’assaut avant Noël, sont fortement impactés, déplore le gouvernement andorran.

Dans le Gard, la mobilisation s’est intensifiée tôt ce matin avec 80 tracteurs et 220 manifestants dès 6H00 selon la préfecture. Plusieurs échangeurs sont fermés dans le département et autour de Nîmes, a indiqué Vinci Autoroutes.

Une centaine d’agriculteurs étaient également présents sur l’A75, au niveau de Béziers (Hérault), en début de matinée, a constaté un correspondant de l’AFP. Plusieurs bretelles de cette autoroute sont par ailleurs toujours fermées en Lozère et dans l’Aveyron.

Un gouvernement hors sol

Depuis le début de l’épidémie, en Savoie cet été, l’État tente sans succès de contenir la propagation du virus en se basant sur « trois piliers » bancales, l’abattage systématique du troupeaux dès la détection d’un cas, la vaccination et la restriction de mouvement.

Cette stratégie a été réaffirmée par Annie Genevard lundi, alors que la Coordination rurale, la Confédération paysanne et plus localement la FNSEA demandent la fin de l’abattage total et un élargissement de la zone vaccinale.

L’élargissement du territoire de vaccination dans le Sud-Ouest, visant 600 000 à un million de bovins, est « un premier infléchissement du protocole », a estimé la ministre lundi, laissant les agriculteurs non convaincus et amers du peu d’écoute.

« Au vu des annonces de la ministre » Genevard, lundi, les blocages « ne sont pas près de se lever », a déclaré Guillaume Bénazet, secrétaire départemental Haute-Garonne des Jeunes Agriculteurs (JA). « Tout ce qu’on avait proposé, notamment la fin de l’abattage total, rien n’a été étudié. Donc on continue », a-t-il poursuivi.

« Elle n’est pas venue avec de bonnes nouvelles, elle méprise les agriculteurs, elle est déconnectée, elle n’y comprend rien », a assuré Lionel Candelon, président de la Chambre d’agriculture du Gers et leader régional de la Coordination rurale.

« DNC/Mercosur, même combat ! », ont affirmé mardi matin des agriculteurs au niveau de Méré, dans les Yvelines, où ils ont bloqué la N12 en direction de Paris.

« Pour l’instant, nous ne sommes pas impactés (par la dermatose nodulaire contagieuse, DNC) mais à la vitesse à laquelle ça se propage, ça risque d’arriver et il faut traiter ce sujet en priorité, en même temps que le Mercosur, pour moi tout est lié », a assuré Vincent Thoumieux, secrétaire général des Jeunes agriculteurs des Yvelines, à l’origine de la mobilisation.

En dépit d’un nouveau cas de DNC détecté dimanche dans une petite ferme de l’Aude, où les dix bovins du foyer ont été euthanasiés, la ministre a souligné plus tôt lundi que tous les cas étaient désormais éradiqués et que la situation était « sous contrôle ».

Convergence de tous les syndicats pour soutenir les paysans

« Le virus ne choisit pas s’il touche un syndicat ou un autre »: qu’il s’agisse de la Coordination rurale, de la Confédération paysanne ou encore de la FNSEA, les principaux syndicats agricoles, aux vues habituellement divergentes, semblent cette fois-ci unir leurs forces localement, comme en Haute-Garonne ou en Ariège, pour que l’État revoie sa copie sur la lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

À Muret, au sud de Toulouse, alors qu’un feu de paille allumé sur les voies de l’A64 propulse des panaches de fumée blanche dans les airs, Jonathan Kirchner, secrétaire général de la Confédération paysanne de la Haute-Garonne, se réjouit de cette convergence « assez unique ».

L’autoroute a été bloquée lundi à l’appel des antennes départementales de la Confédération paysanne et de la Coordination rurale, ainsi que de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs. Une convergence entre des organisations très opposées au niveau national sur des sujets comme le stockage de l’eau, le libre-échange ou la gestion sanitaire.

« Le virus, lui, il ne choisit pas s’il touche un syndicat ou un autre. Là, c’est l’ensemble du monde agricole qui est touché. Et donc, l’ensemble du monde agricole se mobilise de façon à faire bouger les choses », dit-il à l’AFP.

Les quatre formations syndicales de Haute-Garonne ont signé dès dimanche soir un communiqué commun pour appeler à trouver des alternatives à « l’abattage total imposé par l’État ».

Une mobilisation commune dans le « prolongement » de ce qui s’est fait la semaine dernière en Ariège, lorsque plusieurs centaines d’agriculteurs se sont rassemblés autour d’une ferme des Bordes-sur-Arize pour tenter d’empêcher, en vain, l’abattage d’un troupeau de 207 vaches en raison d’un cas de DNC, explique Luc Mesbah, secrétaire général de la FDSEA 31.

« On était ensemble, unis. Il y a une logique de terrain qui est plus importante que les affrontements syndicaux », affirme le syndicaliste.

Quelques kilomètres plus au sud, les agriculteurs tiennent depuis vendredi un campement sur l’autoroute à hauteur de Carbonne, là où la colère agricole s’était cristallisée à l’hiver 2024 sous le coup de la maladie hémorragique épizootique (MHE), des lourdeurs administratives et de la menace de l’accord avec des pays du Mercosur.

« L’union fait la force », insiste Jérôme Bayle, figure de ce mouvement de 2024 qui a depuis lancé une association, les Ultras de l’A64.

« Est-ce qu’aujourd’hui un syndicat seul peut défendre l’agriculture française? Je ne pense pas. Tout simplement parce que seulement 30 % des agriculteurs français sont syndiqués. Répartis sur 4-5 syndicats, ça ne fait pas beaucoup », déclare l’éleveur haut-garonnais, devenu porte-voix de la colère agricole.

En Ariège aussi, cette convergence locale était bien visible à Bordes-sur-Arize la semaine dernière. Les bonnets jaunes de la Coordination rurale de droite ont cohabité pendant deux jours avec les drapeaux de la Confédération paysanne, classée à gauche.

Au-delà des convergences sur le terrain, les représentants ariégeois des différents syndicats ont proposé mercredi dernier un protocole expérimental au ministère de l’Agriculture, demandant notamment que seules les vaches contaminées soient abattues et qu’une campagne de vaccination massive soit lancée.

Une demande notamment signée par les responsables locaux de la FNSEA qui, comme leurs voisins de Haute-Garonne, ont rallié la position de la CR et de la Confédération paysanne, à rebours de celle de leur syndicat au niveau national.

Pour la FNSEA, c’est « le terrain qui commande », a finalement reconnu lundi son président Arnaud Rousseau, venu dans le pays toulousain pour rencontrer les référents élevage, d’un syndicat en perte de vitesse, et trop proche du pouvoir.

Au-delà de la question de la DNC, « sujet majeur » de leur mobilisation, les syndicats haut-garonnais ont élargi leur concorde à d’autres problématiques comme l’accès à l’eau ou encore l’opposition à l’accord UE-Mercosur.

« Tout ça, ça rajoute des charges sur tous les agriculteurs, peu importe le syndicat », souligne Tristan Fava d’Albert, co-secrétaire général des Jeunes agriculteurs 31, qui se réjouit : « On se réunit sur plein de sujets et c’est un plaisir de travailler dans l’intersyndicalité ».

Une colère qui touche toute la société

En parallèle, la population se mobilise derrière les agriculteurs et partage la carte des points de mobilisation en France, les pêcheurs ou encore la fédération du BTP rejoignent le mouvement, une pétition officielle a été lancée sur le site de l’Assemblée Nationale pour demander l’arrêt de l’abattage des troupeaux en cas de Dermatose. 





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