5 arguments anti-réac pour survivre aux fêtes


C’est la période des fêtes de fin d’année, et de multiples repas de famille s’organisent. À cette occasion, il peut arriver qu’un florilège de propos réactionnaires rythme le cours des retrouvailles. Mr Mondialisation vous offre cinq arguments pour les contrecarrer.

En 2022, Mr Mondialisation expliquait déjà comment répondre à des discours climatosceptiques, pro-chasse, sexistes, anti-végane et anti-écolo. Trois ans plus tard, voici une nouvelle salve de sujets, avec cette fois-ci : l’immigration, le passéisme, la liberté d’expression, les « assistés » et le Rassemblement National.

1. « En France, on est submergés par les immigrés et les musulmans »

Véritable lubie de l’extrême droite, l’immigration et l’islam reviennent inévitablement sur la table, comme s’ils étaient coupables de tous les maux du pays. L’étranger volerait les emplois (tout en refusant de travailler pour toucher les aides…), serait responsable de la délinquance et voudrait imposer sa religion.

Or, il est factuellement faux de dire que la France est submergée par l’immigration. Depuis 2017, l’immigration est stable et équivaut à environ 25 à 30 personnes en plus par an pour 10 000 habitants. Cela représente une moyenne de moins de six résidents supplémentaire par commune française.

Et contrairement à certaines croyances, l’immigration rapporte de l’argent. Se fier à des rumeurs, c’est tout sauf scientifique. Aussi, une situation particulière n’est pas la réalité du pays. Toutes les études démographiques réfutent d’ailleurs la théorie raciste et complotiste du « grand remplacement ».

Deux articles pour approfondir :
Musulmans, boucs émissaires de la « République »
Sortir de la haine : 5 préjugés infondés sur l’immigration

2. « C’était mieux avant »

Qui n’a jamais entendu quelqu’un affirmer que « tout allait mieux avant », que ce soit sur l’école, le travail, la sécurité ou les relations sociales ? Cet argument revient de génération en génération, souvent sans jamais préciser quand était ce fameux « avant », ni pour qui il était réellement meilleur.

 

Le « c’était mieux avant » repose à la fois sur un biais de mémoire bien documenté et sur une nostalgie d’un ordre social ancien, dans lequel certaines catégories dominaient davantage qu’aujourd’hui.

D’un côté, les sciences cognitives ont mis en évidence ce que les psychologues appellent la rosy retrospection (biais de rétrospection positive) : nous avons tendance à mieux nous souvenir des aspects positifs du passé que des négatifs, tandis que le présent est perçu à travers ses difficultés immédiates. Ce mécanisme est largement étudié en psychologie (notamment par Daniel Kahneman et Endel Tulving) et explique pourquoi chaque génération a le sentiment que « son époque » était plus simple ou plus agréable.

Mais réduire cet argument à un simple biais psychologique serait insuffisant. Car lorsque certaines personnes disent que « c’était mieux avant », elles regrettent souvent un rapport de domination aujourd’hui remis en question. Dans le passé, de nombreux groupes — femmes, personnes racisées, classes populaires, personnes LGBTQIA+ — disposaient de moins de droits, moins de visibilité et moins de moyens de contestation. Ce qui est vécu comme un « déclin » par certains correspond en réalité à une perte de privilèges : davantage d’égalité, de droits et de voix pour celles et ceux qui en étaient privés.

Autrement dit, si « avant » semblait plus confortable, c’est souvent parce que l’ordre social profitait davantage à une minorité, au détriment du reste de la société. Le progrès social n’est ni linéaire ni parfait, mais il a permis des avancées majeures en matière de droits, de santé, d’éducation et de libertés individuelles — avancées que le discours passéiste tend à invisibiliser.

Un article pour approndir : C’était mieux avant ? Décryptage d’un mythe

3. « On peut plus rien dire ! »

Lorsque quelqu’un osera reprendre une personne qui profère des propos discriminants, l’inévitable « on peut plus rien dire » reviendra immanquablement sur le devant de la scène. Ainsi, en se cachant derrière la liberté d’expression, chacun serait libre de faire ce qu’il souhaite.

L’idée selon laquelle « on ne peut plus rien dire » est souvent utilisée comme une formule passe-partout pour justifier des propos blessants ou discriminatoires. En réalité, la liberté d’expression n’est pas un droit absolu : elle connaît des limites prévues par la loi lorsqu’elle porte atteinte à la dignité d’autrui ou incite à la haine.

En droit français, la liberté d’expression est consacrée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et protégée par la Convention européenne des droits de l’homme, mais cet exercice comporte aussi des devoirs et des responsabilités ; des restrictions sont jugées nécessaires pour protéger d’autres droits fondamentaux et l’ordre public.

Concrètement, les propos racistes, xénophobes, antisémites ou discriminatoires ne sont pas considérés comme de simples opinions protégées, mais peuvent constituer des délits. La loi française — notamment la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse — punit la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, l’injure et la diffamation à caractère raciste ou discriminatoire, ainsi que d’autres infractions connexes lorsqu’ils sont exprimés publiquement.

La jurisprudence française montre que ces limites à la liberté d’expression sont appliquées en tenant compte de leur caractère proportionné, conformément à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme qui autorise des restrictions « nécessaires dans une société démocratique ».

Un article pour approfondir : Non, chacun ne fait pas « bien ce qu’il veut »

4. « Vivement le RN au pouvoir ! »

Certains sondages et médias le proclament, le Rassemblement National serait bientôt au pouvoir présidentiel. Les réacs s’en réjouissent car selon eux « Jordan Bardella ou Marine Le Pen régleront très vite les problèmes de la France ».

 

Si le caractère raciste et discriminatoire du Rassemblement national peut être établi sans difficulté, cet argument peut être inopérant si votre cousin, tonton, tata, belle-soeur ou autre réacs adhèrent eux-même à l’idéologie raciste.

En revanche, établir la nature antisociale du parti peut fonctionner. Rien de plus simple que rappeler les votes du RN à l’Assemblée : contre la retraite à 60 ans, l’augmentation du SMIC, la taxation des plus riches et pour la destruction des services publics et des droits des travailleurs.

Trois articles pour approfondir :
« Le RN, on n’a jamais essayé » Vraiment ?
8 preuves que le RN est toujours d’extrême droite
Smic, chômage, retraite : le visage antisocial des droites identitaires

5.« Laissez les riches tranquilles, c’est la faute des assistés ! »

Tout irait mal en France à cause des « assistés », ces fameuses personnes qui « profiteraient du système » pendant que les honnêtes travailleurs se tueraient à la tâche. Et il ne faudrait surtout pas s’attaquer aux plus riches, qui, eux, mériteraient leurs revenus, obtenus à la sueur de leur front.

 

Or, les gens qui perçoivent des aides sociales vivent dans des conditions extrêmement précaires, et ce n’est pas du tout un luxe. Ces aides sociales pèsent relativement peu dans les dépenses publiques. Le RSA coûte, par exemple, 12 milliards par an, bien peu en comparaison des 100 milliards de fraudes fiscales ou des 211 milliards d’aides aux entreprises.

La réussite économique ne repose pas uniquement sur le travail individuel. Elle dépend aussi de mécanismes structurels et de politiques publiques dont profitent y compris les plus grandes fortunes, certaines bénéficiant de soutiens financiers publics malgré des niveaux de richesse sans équivalent.

Quatre articles pour approfondir :
« France des assistés » : 9 arguments contre ce préjugé
Pourquoi la méritocratie n’est qu’une illusion
Syndrome du larbin : les pauvres qui défendent les bourgeois
Et si on arrêtait de sanctifier les ultra-riches ? 5 mythes à déconstruire

De quoi passer les fêtes plus sereinement !

Simon Verdière


Photo de couverture de Nicole Michalou. Pexels.

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