Les remarques ci-après concernent le « vide » (ou, au choix, le silence, ou l’omission, ou l’absence de réaction) des Européens vis-à-vis de la politique extérieure de Donald Trump. Lorsque je dis « des Européens », j’entends aussi bien l’Union européenne comme institution et ceux qui la représentent (Ursula von der Leyen, Kaja Kallas) que chacun des gouvernements qui la composent, que les médias de grande diffusion.
De quoi s’agit-il ? De la politique de Donald Trump vis-à-vis du Venezuela et du Groenland.
1. Vis-à-vis du Venezuela. Depuis la fin du mois d’août, Donald Trump a fait monter d’un cran son hostilité envers le Venezuela. Il a attaqué, sans preuves, diverses embarcations (qui ne venaient pas toutes, d’ailleurs, du Venezuela), en prétendant qu’elles transportaient de la drogue vers les États-Unis, et ces attaques ont causé plus de 100 morts. Il a accusé Nicolas Maduro, le président du Venezuela, d’être à la tête d’un gang de narco-trafiquants, et le Venezuela d’avoir spolié des compagnies pétrolières étasuniennes. Il a intimé à Nicolas Maduro l’ordre de démissionner. Enfin, il a rassemblé une énorme flotte au large du Venezuela, en laissant planer la menace d’une guerre, et, depuis quelques jours, il a décrété un blocus pétrolier et arraisonné divers tankers, dont certains destinés à la Chine.
Et tout cela sans négociations bilatérales ou internationales, sans pourparlers préliminaires, sans démarches auprès de l’ONU, sans mandat de l’ONU, sans saisine du Conseil de sécurité. De la part des Européens (en corps ou individuellement) il n’y a rien eu, ni de la part des gouvernements, ni de la part des médias : les gouvernements n’ont entamé ni rupture des relations avec les États-Unis, ni rappels d’ambassadeurs, ni protestations, ni saisine de l’ONU ou des Cours de justice internationales. Les médias ne se sont pas enflammés, comme ils se sont enflammés contre un vulgaire Saddam Hussein ou un non moins vulgaire Milosevitch.
1bis. Pour se représenter ce qu’est ce silence, imaginons, par comparaison, que la Russie soumette l’Estonie à un blocus. L’Estonie est un petit pays, dont la capitale, Tallinn, est riveraine du golfe de Finlande. Celui-ci est large de 75 km à son embouchure, et il est facile de le miner, comme il est facile de miner les entrées du golfe de Riga, dont plusieurs villes estoniennes sont riveraines. Que dirait Emmanuel Macron ? Que dirait Bernard-Henri Lévy ? Que dirait Raphaël Enthoven ? Que dirait Pierre Haski ? Que diraient Le Figaro, Le Monde ou Libération ?
2. Vis-à-vis du Groenland. Donald Trump, après avoir temporairement cessé d’en parler, a réitéré son désir de posséder le Groenland, par n’importe quel moyen. Il fait fi de la volonté de ses habitants qui, à 85 %, y sont hostiles. Il fait fi de l’opposition du Danemark, auquel le Groenland appartient toujours officiellement. Il fait fi de l’Union européenne, dont le Danemark est un des membres. Et là aussi, l’Union européenne a brillé par son silence assourdissant.
2bis. Pour se représenter ce qu’est ce silence, imaginons, par comparaison, que Trump réclame la Guadeloupe et la Martinique à la France. Imaginons qu’il dise à Emmanuel Macron : « Il n’y a pas de sens que ces îles appartiennent à un pays situé à 7000 km de leurs côtes. Cela est contraire à la doctrine Monroe. Cela est aussi anormal que la possession de Cuba par l’Espagne avant 1898. Tu dois me céder la Guadeloupe et la Martinique. » La France ne serait-elle pas contente de voir l’Europe à ses côtés ?