
Autant l’écrire d’emblée, on était au départ plus que réservé. Deux cent trente euros ? Redites-moi ça. Pour une anthologie des Contemplations, qu’on peut lire intégralement dans des dizaines d’éditions abordables, et des photographies plus ou moins d’époque (1) ? Tout pour déplaire. Cher, chic, vide.
Erreur, sauf pour le premier adjectif. Ce n’est pas vraiment du côté de Victor Hugo qu’on est saisi. Les Contemplations est un grand livre hanté, omniprésence d’une absence, celle de sa fille noyée, rayonnement noir du goût de ne plus vivre (« Au-dedans de moi le soir tombe »). C’est difficilement oubliable. Mais ne relève pas de la découverte. En revanche, ce que déclinent les 136 photographies, dont certaines sont inédites, peu à peu surprend, car, dans le désordre mais obstinément, l’imaginaire de la seconde moitié du XIXe siècle, et du même mouvement l’interrogation sur les moyens et la nécessité de reproduire le réel, apparaît. Merveille des inventions et bricolages techniques, clairement explicités. On salue Eadweard Muybridge et Julia Margaret Cameron, un flocon de neige ou des misérables à Glasgow… Plus que telle ou telle image, c’est l’ensemble qui propose comme le rêve inquiet et splendide d’une époque — en écho aux visions de Hugo, et en réverbération des tensions et consolations du temps.