Je vais vous conter une histoire que je dois à Brigitte Bardot, durant la guerre des Balkans, histoire qui se situait à l’aéroport de Sarajevo en 1993, dans le cadre de mon engagement humanitaire. Mon camion avait essuyé des tirs qui ricochaient sur la carlingue et la chaussée. C’était des snipers bosno-serbes qui nous signifiaient de ne pas aller plus loin, alors que nous nous trouvions à quelques centaines de mètres de l’entrée de l’aéroport de Sarajevo, gardé par des soldats français de la FORPRONU. Eux-mêmes, en alerte par ces tirs se tenaient sur leur garde, à l’approche de mon camion humanitaire.
Je leur demandais le droit de me réfugier dans la zone de l’aéroport, ce qui m’était refusé, car il s’y tenait une réunion militaire inter-ethnique en vue d’un cessez le feu de toutes les factions qui étaient en guerre. Après m’être fâché avec eux, devant leur manque de patriotisme, ils m’indiquaient le chemin pour sortir de cet enfer et retrouver le célèbre boulevard des snipers, bien qu’ils me déconseillent Chepnik et que Dieu nous vienne en aide». Je fermais ma caméra que je cachais sous le siège, tout en mettant le film dans la partie intime de mon pantalon. On nous parqua, entre plusieurs maisons bombardées, qui faisaient comme une cour fermée assez large. Les soldats entouraient notre camion, tout en nous pointant de leur kalachnikov, et je recommandais à mon jeune chauffeur « J’y vais, reste au volant et attends mes ordres. » Je ne voulais pas lui dire adieu, car vraiment je croyais que c’en était fini de nos vies et que tout allait s’arrêter, ici, au milieu des ruines de l’aéroport de Sarajevo.
Je sautais pieds joints, les bras en l’air, tout en prononçant d’une voix tremblante : «mi smo francuz, humanitarna pomoc» (nous sommes français, aide humanitaire). Le géant en noir, par des gestes brusques, me demandait sèchement d’ouvrir le camion pour vérifier le chargement. Un soldat posa son fusil et escaladait les cartons tout en les perçant sauvagement avec un énorme couteau. Je tremblais de tout mon corps mais je demeurais stable, face au géant chepnik qui me scrutait des pieds à la tête. Tout d’un coup, le géant se pencha et il retira une grosse boite de conserve (1,5 kg) du chargement et observait l’étiquette avec stupéfaction. En effet, c’était celle du portrait d’un chien de la marque « Canigou » aux carottes que la Fondation Brigitte Bardot avait donnée à l’association H.I., à ma demande, pour les chiens errants de Sarajevo.
Il sortit un énorme couteau, très tranchant, et ouvrit la boîte en deux coups de lame et s’empiffra d’une tranche du contenu de la boîte qu’il dégusta sans dédain « Oh mon Dieu, il mange le Canigou aux carottes de Brigitte Bardot», je fus pris d’un émoi lorsqu’il me demanda : «Sta je to ?» (qu’est-ce que c’est ?). J’urinais de peur dans mon pantalon et je lui répondais : «to je hrana za psa» (c’est de la nourriture pour chien). Aussitôt les soldats se mirent à rire, à se moquer de leur chef et je commençais à faire mes prières, car leur chef s’était ridiculisé face à eux. Mais lorsque j’ajoutais à haute voix «To je Brigitte Bardot» (C’est de Brigitte Bardot) alors là, la situation changea, car les soldats posaient leurs fusils et venaient me faire des tapes amicales sur mon épaule en mimant par des gestes vantant les formes corporelles sensuelles de B.B., en prononçant dans leur accent yougoslave : «Bigite Bardo, Bigite Bado». Sitôt, je baissais mes bras ankylosés et je répétais avec eux : «da, Bigit Bardo, da, da». J’allais voir mon chauffeur, tout ébahi, qui observait la scène, depuis le rétroviseur, et il me demandait encore très inquiet « Mais que se passe-t-il Bruno ? » et je lui répondais «Brigitte Bardot nous a sauvé la vie, viens je t’expliquerai plus tard».
Après quelques palabres, plutôt amicaux, ils décidèrent de nous laisser partir vers le boulevard des snipers en me signifiant qu’un cessez-le-feu avait été ordonné aux snipers de ne pas nous abattre. Sur le trajet, vers le centre de la capitale bosniaque j’expliquais à mon chauffeur l’effet Brigitte Bardot, un Miracle ! Nous traversâmes le boulevard des snipers, sans encombre comme une balade touristique, et quelle fut la stupéfaction des autorités, à Sarajevo, lorsque nous entrions dans le centre de la capitale.
Tous nous regardaient comme des extraterrestres qui tombaient du ciel. Ils me demandaient comment nous avions pu passer le boulevard des snipers, car depuis plusieurs jours, plus personnes ne passaient, il y avait eu plusieurs tués par des snipers, aussi bien que les soldats français de la FORPRONU.
Une conférence de presse fut organisée dans les bureaux du maire et tous les journalistes de PTT Building accouraient à l’annonce du nom de Brigitte Bardot, avec cet étrange convoi arrivé de nulle part. Lorsque je rentrais à Cannes, je téléphonais à la résidence de B.B., la Madrague de Saint-Tropez, et je lui racontais cette incroyable histoire. Je la remerciais de m’avoir sauvé la vie, à moi et mon chauffeur. Elle fut très émue et très surprise de sa notoriété en m’expliquant qu’on lui disait qu’elle n’était pas ou plus populaire. Je la rassurais car Brigitte Bardot c’était un nom Magique et je la porterai toujours dans mon cœur.
Plus tard, elle m’enverra une merveilleuse lettre d’encouragement pour l’action de mon association envers la cause animale, suite à la cabale organisée par les médias français qui a fait le tour du monde.
Bruno Leclercq, chef de convoi humanitaire