Israël fait de la mort une miséricorde dans le nord de Gaza


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par Shahd Abusalama

Dans un élan théâtral en pleine élection américaine, Joe Biden a menacé de restreindre les livraisons militaires à Israël si davantage d’aide humanitaire n’entrait pas à Gaza dans un délai d’un mois.

Son délai expiré [après les élections], le blocus s’est poursuivi, exposant les Palestiniens à un risque de famine «imminente».

Pourtant, la Maison-Blanche a décidé de ne pas sanctionner Israël, le porte-parole du département d’État, Vedant Patel, affirmant qu’il y a eu «quelques progrès» dans l’acheminement de l’aide.

Pour avoir parlé à mes proches survivants dans le nord de Gaza, je sais que cette évaluation est à mille lieues de la réalité apocalyptique sur le terrain.

Le blocus suffocant d’Israël est entré dans son troisième mois, coupant Jabalia, Beit Lahia et Beit Hanoun du reste de la ville de Gaza, dans un contexte d’horribles scènes de massacres.

Près de 4000 personnes y ont été tuées depuis octobre 2024, Israël prenant pour cible toutes les concentrations restantes de Palestiniens, les forçant à partir ou à mourir, si ce n’est par les bombes, du moins par la famine.

Plus que jamais, nous avons peur de subir le même sort que la génération de la Nakba, dépossédée et déplacée en 1948 sans chance de retour.

Des robots tueurs

Notre maison familiale de cinq étages dans le nord de Gaza a été rasée. Un voisin a appris la nouvelle au prix d’un terrible sacrifice.

Pendant une phase de calme apparent, il a courageusement traversé la rue al-Saftawi, souvent bombardée, pour vérifier l’état de nos maisons et a confirmé qu’elles ont toutes été détruites.

À son retour, un quadcopter israélien lui a tiré une balle dans la tête et dans le dos, le clouant sur un lit d’hôpital entre la vie et la mort.

Le 10 décembre, un quadcopter israélien a assassiné mon cousin maternel Jaber Ali alors qu’il s’apprêtait à inspecter sa maison à Beit Lahia.

Le danger a contraint les voisins à enterrer Jaber là où se trouvait son corps, privant ainsi sa famille de toute chance de lui dire au revoir ou de lui offrir des funérailles dans la dignité.

En mars, au beau milieu des déplacements, des bombardements et des souffrances de la famine, Jaber était devenu papa d’un petit garçon prénommé Kamal.

Sa jeune veuve et son fils sont hébergés avec d’autres survivants de la famille dans une maison partiellement démolie à l’ouest de Gaza.

Le recours d’Israël aux quadcoptères est très répandu dans la bande de Gaza. Le matin du 12 décembre, l’un d’eux a abattu le dernier médecin orthopédiste du nord de Gaza, Said Jouda, et l’infirmier Kareem Jaradat, alors qu’ils se rendaient à l’hôpital Kamal Adwan.

Grâce à l’approvisionnement militaire ininterrompu des pays occidentaux et à leur couverture diplomatique, Israël commet des crimes de guerre à chaque instant, qu’il s’agisse d’intelligence artificielle, de robots armés, de tirs d’artillerie ou de frappes aériennes.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou terrorise les habitants en les chassant de chez eux, dans l’espoir d’annexer le nord de Gaza dans le cadre du fantasme colonial du «Grand Israël».

Netanyahou montrant la carte du «nouveau Moyen-Orient» sans la Palestine
à l’ONU le 22 septembre 2023. (UN Photo/© Cia Pak)

Endurer l’impensable

Âgé de 82 ans, Abu Osama est mon oncle paternel le plus âgé. Il est né à Beit Jerja – à une quinzaine de kilomètres de Gaza – en 1942, six ans avant qu’Israël ne procède au nettoyage ethnique de la Palestine, obligeant notre famille à fuir vers le camp de réfugiés de Jabalia.

Infirmier qualifié, il a été directeur d’une clinique des Nations unies à Jabalia pendant des décennies avant de prendre sa retraite.

Au cours du génocide actuel, son fauteuil roulant a été détruit dans une frappe aérienne, l’empêchant de suivre les ordres criminels d’«évacuation» d’Israël vers le sud.

Aux alentours du 20 mai, ma famille l’a aperçu sur des images diffusées en ligne par Al Jazeera, sauvé des décombres par deux voisins, couvert de poussière, une canne à la main.

Le même jour, nous avons également appris que son fils Wajdi, resté sur place pour s’occuper de son père handicapé, a été tué dans un autre quartier de Jabalia alors qu’il cherchait de quoi manger.

Puis, vers le 18 novembre, Abu Osama a de nouveau miraculeusement survécu après que l’armée israélienne a utilisé des robots piégés pour raser la place résidentielle de Beit Lahia où il s’était réfugié avec sa fille Maha, son gendre Mousa et son petit-fils Ibrahim.

Cette nouvelle nous a plongés dans l’angoisse et nous avons tout tenté pour le joindre. Un jour plus tard, mon appel a abouti, et j’ai pu lui parler, ainsi qu’à d’autres parents survivants qui ont enduré l’impensable, et sont toujours en état de choc et endeuillés.

Lorsque je lui ai demandé si je pouvais faire quelque chose pour surmonter notre impuissance à distance, il m’a assuré qu’entendre notre voix représentait pour lui le cadeau qu’il attendait depuis longtemps, mais il a maudit Israël de nous avoir dispersés, et d’avoir coupé les liaisons de télécommunication.

Une carte de la bande de Gaza montrant les villes clés et les pays voisins, mise
à jour en 2023 pour inclure les checkpoints frontaliers nouvellement fermés.
(© Gringer, UN OCHA, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0)

J’ai aussi pu parler à Maha et Ibrahim. Quelques jours plus tôt, Maha hurlait de douleur, coincée sous un mur et une énorme masse de décombres pendant des heures.

Elle avait l’impression de ne plus rien sentir et s’est mise à prier inconsciemment, pensant qu’elle vivait ses derniers instants. «J’ai appelé mon père et lui ai demandé pardon, estimant qu’à ce stade, la mort serait plus clémente», m’a-t-elle raconté.

Le plus dur a été de parler à Ibrahim, qui a interrompu mon hommage à sa bravoure en disant : «Mon père est au ciel. Il y est mieux qu’en ce monde».

Comment réconforter un fils terrifié dont le père, Mousa, est toujours sous les décombres, séparé de sa mère blessée, après qu’elle a dû accompagner son frère, blessé lui aussi, dans l’ouest de la bande de Gaza ?

J’ai pleuré en répétant : «Qu’il repose en paix, habibi [mon amour]… Tu es un héros».

Ibrahim, 12 ans, est définitivement le héros de mon oncle. Juste après avoir repris conscience, il a réussi à se frayer un chemin parmi les gravats et à héler deux hommes qui se sont portés à leur secours.

Un homme sur une charrette tirée par un âne les a emmenés à l’hôpital avant de chercher une maison abandonnée pour leur permettre de s’abriter et de récupérer.

L’exode

Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant que certains membres de ma famille aient décidé de partir, le cœur lourd.

Au cours de la première semaine de décembre, mon oncle et d’autres membres de la famille ont brandi des drapeaux blancs dans le nord de Gaza, désormais méconnaissable, et ont fui vers la ville de Gaza sous la surveillance de quadcoptères et des fumées qui s’élevaient des explosions environnantes.

Mon oncle a été interrogé trois heures par l’armée israélienne en cours de route, mais il a heureusement été relâché. Beaucoup d’autres ont disparu.

Quelques semaines plus tôt, ma cousine maternelle Rana, ses beaux-parents et leurs enfants ont vécu un périple similaire.

Le beau-frère de Rana, Mohammed Ezzat Al-Salibi, père de cinq enfants, est toujours porté disparu depuis son enlèvement à un checkpoint israélien le 27 novembre.

Sa famille a fait appel à la Croix-Rouge à plusieurs reprises pour savoir où il se trouve, mais Israël impose le black-out sur les détenus.

Telle est la réalité de la vie dans le nord de la bande de Gaza, quoi qu’en dise la Maison-Blanche au sujet de l’«amélioration» des conditions.

La question n’est pas de savoir si Israël commet un génocide et un nettoyage ethnique, puisque cet État hors-la-loi le fait au vu et au su de tous.

Il ne s’agit pas non plus d’un manque de prise de conscience, car les Palestiniens et leurs alliés se battent depuis des décennies sur le plan culturel pour remettre en cause le récit dominant d’Israël dans le discours occidental.

Le problème est l’apathie politique vis-à-vis du quotidien des Palestiniens et de leurs droits à la liberté et à la justice dans un monde profondément raciste, immoral et axé sur le profit, dont l’objectif principal est la survie matérielle d’un avant-poste européen colonial en Palestine, quel qu’en soit le prix.

source : Consortium News via Spirit of Free Speech



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