Apparition des mystères, par Philippe Pataud Célérier (Le Monde diplomatique, mars 2023)


Mettre « la logique du visible au service de l’invisible » répétait Odilon Redon (1840-1916), un artiste secret aux œuvres énigmatiques que ce somptueux livre éclaire à la lueur d’un nouveau fond d’archives (1). Ouvert à la recherche par les ayants droit de Gustave Fayet, grand collectionneur et ami de Redon, ce monumental ensemble composé de photographies et d’œuvres graphiques inédites (comme les deux carnets de dessins reproduits dans l’édition) dévoile l’abondante correspondance que cette figure majeure du symbolisme entretint avec son cercle familial et professionnel. Analysée par une demi-douzaine d’historiens de l’art, cette mine d’informations permet de mieux cerner la riche personnalité de ce créateur méprisé par l’académisme des salons. Et qui, après avoir manié fusain et charbon au service d’un clair-obscur peuplé d’étranges créatures, « épousa la couleur » pour mieux incarner ses rêves, déroulant un imaginaire du vivant qui résonne grandement aujourd’hui. À l’image de cette détrempe sur toile, La Nuit (1911), où vivent en totale harmonie humains, non humains, esprits, animaux, arbres, plantes, avec une vitalité chromatique qui nous irradie.

(1Dario Gamboni, Laurent Houssais et Pierre Pinchon (sous la dir. de), Redon retrouvé. Œuvres et documents inédits, Cohen & Cohen, Paris, 2022, 480 pages, 95 euros. Signalons aussi Dario Gamboni et Merel van Tilburg (sous la dir. de), Sans adieu. Correspondance Andries Bonger — Odilon Redon 1894-1916, Cohen & Cohen, 2022, 872 pages, 85 euros.



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