
Depuis sa réélection, Donald Trump a multiplié les attaques contre les droits fondamentaux des personnes transgenres, dans un contexte d’hostilité croissante à l’égard des minorités. Cette situation fait écho à la montée des idées réactionnaires en France.
La stigmatisation des personnes trans est explosive ; y compris au sein de certains courants soit disant féministes qui incitent à l’exclusion des personnes déjà marginalisées. On fait le point.

La transphobie de l’institution Trump
Ces dernières semaines, le président américain a intensifié les mesures régressives visant les personnes transgenres, remettant en cause plusieurs acquis récents en matière de droits civiques. Par exemple, un décret exige désormais que les documents d’identité fédéraux reflètent le sexe assigné à la naissance, excluant l’identité de genre.
Cette mesure d’atteinte aux droits humains fondamentaux risque de priver de nombreux individus trans et non-binaires de l’accès à leurs documents officiels, avec des conséquences majeures sur leur vie quotidienne.
L’administration américaine a également entrepris de supprimer des sites web fédéraux tout contenu lié aux communautés LGBTQI+, affectant des milliers de pages. Cette initiative a entraîné la disparition de ressources essentielles pour ces communautés, notamment des informations sur la santé, des guides de soutien et des données sur les droits civiques. En outre, une proposition de loi en Arizona vise à interdire l’utilisation de pronoms par les étudiants transgenres, sauf autorisation écrite des parents. Une mesure qui va les mettre en danger, dans un contexte déjà hostile.
Les personnes trans sont désormais également interdites de rejoindre l’armée, mesure que les organisations de défense des droits humains dénoncent comme une purge. Elle est actuellement contestée en justice, pour violation des droits constitutionnels des personnes concernées.
Violences et discriminations transphobes : des chiffres alarmants
Les personnes trans font partie des catégories de population les plus opprimées alors qu’elles sont moins de 1 % à l’échelle mondiale. Selon des études menées par diverses organisations, les taux de violence, de harcèlement et de meurtre sont alarmants. Aux États-Unis, par exemple, le National Coalition of Anti-Violence Programs (NCAVP) rapporte que les personnes transgenres, et particulièrement les femmes trans racisées, sont victimes d’agressions physiques et de meurtres bien plus fréquemment que la population cisgenre. Et au regard des meurtres anti-LGBTQI+, la fraction d’assassinats de personnes trans est complètement disproportionnée par rapport à leur population. Dans le cas des violences sexuelles, les femmes trans rencontrent encore plus d’obstacles que les femmes cisgenres au regard de la justice.
De plus, une étude de 2015 menée par le National Center for Transgender Equality a révélé que 47 % des personnes transgenres aux États-Unis avaient été agressées physiquement ou sexuellement au cours de leur vie, et près de 1 personne trans sur 10 avait été victime de violences graves, comme des violences policières ou des attaques.
En Europe, les statistiques sont tout aussi inquiétantes, bien que la collecte de données sur la violence à l’égard des personnes trans reste insuffisante. Ces chiffres montrent une réalité particulièrement violente, notamment pour les personnes trans racisées, les femmes trans, et celles vivant en situation de précarité. Le manque de reconnaissance des violences spécifiques subies par les personnes trans dans de nombreuses législations, ainsi que la stigmatisation généralisée, aggravent d’autant plus cette situation tragique. La première cause de mortalité chez les hommes transgenres est le suicide, en lien étroit avec la transphobie dont ils sont victimes.
Mensonges et préjugés transphobes
Les personnes trans sont confrontées à une hostilité croissante, nourrie par des discours désinformés et malveillants. Et pour justifier leur haine, les détracteurs de la transidentité se servent généralement de cas isolés et de caricatures pour propager des discours truffés de contre-vérités. Voici quelques mythes et préjugés infondés concernant la transidentité :
1. « La transidentité est une maladie mentale »
FAUX. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a retiré la transidentité de la liste des maladies mentales en 2019. Elle est aujourd’hui reconnue comme une variation naturelle de l’identité de genre. La détresse ressentie par certaines personnes trans (dysphorie de genre) est principalement due à la transphobie et aux obstacles sociétaux, plutôt qu’à leur identité elle-même. Il est également prouvé que les transitions améliorent considérablement le bien-être des personnes transgenres.
2. « Être trans, c’est une mode »
FAUX. Les identités transgenres existent depuis toujours, dans toutes les cultures. La seule chose qui a changé ces dernières années est la visibilité et la reconnaissance accrue de leurs droits, même si ceux-ci sont de nouveau menacés par la désinformation propagée par l’extrême droite.
Dans de nombreuses cultures anciennes, les personnes transgenres ou à genre non-binaire étaient reconnues et parfois même vénérées. Par exemple, en Amérique du Nord autochtone, les « Two Spirit » (« deux-esprits ») incarnaient à la fois des expressions masculines et féminines de genre. Ces personnes occupaient souvent des rôles importants au sein de leurs communautés et étaient perçues comme une bénédiction. Bien entendu, cette diversité des genres ne correspondait pas aux normes imposées par les colons européens, qui ont rapidement cherché à l’effacer.
En Inde, les Hijras – généralement des personnes assignées hommes à la naissance qui s’identifient et vivent en tant que femmes – sont présentes dans la culture et la religion depuis des siècles, notamment en tant que figures spirituelles. Elles sont à la fois respectées et marginalisées, dans une dualité complexe qui témoigne des contradictions sociétales autour de la diversité de genre.
L’ère coloniale et l’essor du christianisme principalement (mais aussi d’autres religions monothéistes) ont entraîné une répression brutale des identités de genre « non conformes ». Dans le même temps, ces systèmes ont tenté d’éradiquer les spiritualités et croyances païennes, souvent en harmonie avec la nature et la diversité des genres. En Europe, pendant des siècles, les personnes trans étaient perçues comme des individus anormaux, des pécheurs, et ont été sujets de moqueries et de violences.
Pourtant, la diversité sexuelle et de genre existe depuis la nuit des temps. L’histoire de la transidentité est une histoire de résistance, de résilience et de quête de reconnaissance. Malgré leur existence millénaire, les personnes trans ont longtemps été invisibilisées, stigmatisées et discriminées. Aujourd’hui, grâce aux luttes menées par plusieurs générations d’activistes, la transidentité est de plus en plus reconnue et englobe une diversité d’expressions de genre légitimes.
Cependant, le chemin vers l’égalité est encore semé d’embûches. Les parcours de transition restent extrêmement complexes à tous les niveaux : personnel, social, professionnel, médical et administratif. Rien que pour changer d’état civil, une personne trans doit répondre à des critères stricts. Si elle s’écarte des normes de genre imposées (par exemple, une femme trans jugée « pas assez féminine »), son changement peut lui être refusé.
Contrairement à certains préjugés, ce ne sont pas les personnes trans qui renforcent les stéréotypes de genre : c’est la société qui les leur impose. Pour avoir accès à des droits fondamentaux, elles sont souvent contraintes de s’y conformer. Cette lutte est indissociable du féminisme : notre corps, notre choix.
3. « Les femmes trans ne sont pas de « vraies » femmes » (et inversement pour les hommes trans)
FAUX. Le genre ne se limite pas à la biologie. La notion de « vraie femme » ou de « vrai homme » repose sur des critères arbitraires et évolutifs. Réduire les femmes à des organes reproducteurs est une vision sexiste qui va à l’encontre même de la lutte féministe, puisque c’est précisément cette réduction qui a historiquement servi de justification à leur oppression.
Mais alors, qu’est-ce qu’une « vraie femme » ? Une personne qui a ses règles ? Alors les personnes ménopausées ne seraient pas des femmes ? Une personnes capable d’enfanter ? Cela exclurait donc les femmes stériles ? Ces critères sont absurdes et reflètent des stéréotypes oppressifs. Le féminisme combat ces étiquettes restrictives, qui enferment les femmes dans des rôles déterminés par leur biologie. Son but est de traiter chaque personne comme un être humain à part entière, indépendamment de son sexe et de son genre.
Par ailleurs, même le sexe biologique est un concept multifactoriel, qui ne se réduit pas simplement aux chromosomes ou aux organes génitaux. Il inclut des dimensions génétiques, hormonales, anatomiques et morphologiques.
Quelle différence entre le sexe et le genre ?
Le sexe est une caractéristique biologique déterminée à la naissance en fonction des chromosomes (XX, XY ou variations intersexes), des organes génitaux et des caractéristiques hormonales. On parle généralement de sexe féminin et masculin, mais il existe des variations naturelles qui ne rentrent pas strictement dans ces catégories. Ainsi, même en biologie, le sexe est une réalité complexe. Selon les spécialistes, environ 2 % de la population naît avec des caractéristiques intersexuées, soit un chiffre plus élevé que celui des personnes transgenres (moins de 1 % de la population).
Le genre, quant à lui, est une construction sociale et culturelle. Il définit les rôles, attentes et comportements associés aux identités masculines et féminines dans une société donnée. Il n’est ni figé, ni universel : il varie selon les époques, les cultures et les contextes sociaux. Le genre inclut également les identités non binaires ou fluides, qui ne se reconnaissent pas forcément dans la stricte dichotomie homme/femme.
Non, les personnes trans ne sont pas des « hommes déguisés en femmes » (ou inversement)
L’identité de genre ne se réduit pas aux apparences. Être trans ne signifie pas « faire semblant » : c’est un profond ressenti d’inadéquation entre l’identité et le sexe assigné à la naissance. La transition (sociale, hormonale ou chirurgicale) est un parcours personnel, que chacun·e vit différemment.
Certains mettent en avant les cas de personnes ayant regretté leur transition pour discréditer l’ensemble des parcours trans. Toutefois, si ce taux peut aller jusqu’à 14,4 % (voire 20 % pour les arthroplasties totales du genou selon une étude), il inclut principalement les regrets dus à la pression sociale et à la transphobie engendrée par la transition. En revanche, le taux de regrets résultant du doute concernant l’identité de genre varie seulement entre 0,09 % et 2,4 % selon les études. C’est complètement dérisoire. Mais bien sûr, l’extrême droite, qui adore mettre en avant des exceptions pour décrédibiliser toute idée de tolérance, s’en sert d’épouvantail.
Par ailleurs, à titre de comparaison, selon une enquête européenne, entre 9 et 16 % des parents regrettent avoir eu des enfants. Et ici, il ne s’agit pas seulement d’un choix personnel qui concerne son propre corps, mais d’une décision qui implique la vie et le bien-être d’autres êtres humains. Pourtant, personne ne milite pour empêcher les gens d’avoir des enfants sous prétexte qu’une minorité d’entre eux pourraient le regretter. Ce parallèle met en évidence l’incohérence et la malhonnêteté intellectuelle des discours transphobes : ils ne visent pas à protéger les individus d’un potentiel regret, mais bien à entraver le droit des personnes trans à disposer d’elles-mêmes.
4. « La transidentité met en danger les enfants »
Pour ne rien changer, une nouvelle panique morale propagée par l’extrême droite : « Attention, ils s’attaquent aux enfants ! » Évidemment, tout le monde veut protéger les enfants, donc comment ne pas tomber dans le piège ? Avez-vous remarqué que l’extrême droite utilise systématiquement l’argument de la « protection des enfants » pour discréditer tout mouvement prônant l’égalité ou la tolérance ? Une technique vieille comme le monde.
En matière de malhonnêteté intellectuelle, ils n’en sont pas à leur coup d’essai. Exploiter l’émotion et notre instinct primaire de protection pour manipuler l’opinion publique est une méthode bien rodée, permettant d’infuser la haine de l’autre et de justifier la mise en place de politiques discriminatoires. Un paradoxe, quand on y pense.
En réalité, cette idée alarmiste selon laquelle la transidentité mettrait les enfants en danger ne repose sur aucun fondement sérieux. Elle véhicule la peur et la confusion en insinuant que reconnaître l’identité des enfants transgenres pourrait leur nuire, alors que cette reconnaissance contribue au contraire à leur bien-être. Un site qui démonte avec brio ces arguments est « Toutes des femmes », qui propose une analyse approfondie des enjeux liés à la transidentité chez les mineurs.
La médicalisation précoce : un mythe
La prise en charge médicale des enfants trans est un processus long et progressif, débutant par une exploration de l’identité de genre avec un suivi psychologique et médical pluridisciplinaire (psychologues, médecins, etc.). Aucun enfant ne subit une transition médicale (hormonale ou chirurgicale) avant d’avoir atteint une maturité suffisante. Ces parcours sont soumis à des protocoles médicaux stricts et nécessitent un suivi approfondi.
Les bloqueurs de puberté, souvent diabolisés, sont en réalité un traitement réversible reconnu par la communauté scientifique pour aider les enfants trans à éviter les souffrances liées aux transformations corporelles non désirées.
Par ailleurs, les bloqueurs de puberté sont utilisés depuis des décennies pour traiter la puberté précoce chez les enfants cisgenres. Un traitement validé par les instances médicales et considéré comme sûr et réversible. Quant aux chirurgies de réassignation sexuelle, elles sont extrêmement rares chez les mineurs et généralement réservées à l’âge adulte après un long processus d’évaluation.
Quid des enfants intersexes mutilés sans leur consentement ?
Contrairement aux discours alarmistes sur les transitions médicales des enfants trans, il existe une autre réalité gravissime : les opérations imposées aux enfants intersexes dès la naissance pour leur assigner un sexe, sans leur consentement. Ces interventions irréversibles visent à conformer ces enfants aux attentes sociales et constituent une véritable mutilation.
Les bloqueurs de puberté sont également utilisés sur les enfants intersexes, souvent sans leur consentement, pour les conformer aux normes binaires de sexe, pour aligner leur développement sur une identité sexuelle assignée par les médecins ou les parents. Des interventions médicales vivement critiquées par des organisations de défense des droits humains étant donné qu’elles peuvent être réalisées sans le consentement des personnes concernées. Contrairement aux bloqueurs prescrits aux enfants trans ou aux enfants atteints de puberté précoce, ces traitements ne visent pas à offrir un choix, mais à imposer une trajectoire corporelle perçue comme « normale » par la médecine et la société. Rien qu’en 2016, la France a été condamnée à trois reprises par l’ONU pour des mutilations réalisées sur des enfants intersexes.
Or, les mêmes militants transphobes qui se réclament de la « biologie » pour refuser la reconnaissance des personnes trans ne dénoncent pas ces mutilations – et les soutiennent même souvent. Faut-il en conclure que, selon eux, les personnes nées intersexes ne seraient pas « naturelles » ? Une contradiction flagrante qui prouve que leur combat ne repose pas sur la science, mais sur un désir de contrôle des corps et des identités.
Les enfants trans existent bel et bien
Beaucoup de personnes transgenres témoignent avoir ressenti dès leur plus jeune âge une incongruence entre leur identité de genre et leur sexe assigné à la naissance. L’augmentation des témoignages de jeunes trans s’explique par une meilleure visibilité et une diminution de la stigmatisation, et non par un effet de mode. Si certains enfants explorent leur identité et évoluent avec le temps, d’autres sont très clairs sur leur genre dès leur plus jeune âge. L’essentiel n’est pas d’imposer une vision adulte, mais d’accompagner ces enfants avec bienveillance.
Les enfants transgenres qui sont soutenus dans leur parcours, qui peuvent s’exprimer librement sur leur genre et qui reçoivent l’amour et l’acceptation nécessaires, ont de bien meilleures chances de vivre une vie épanouie. En revanche, lorsqu’on leur impose de réprimer leur identité de genre ou qu’on les empêche d’exprimer qui ils sont, ils courent un risque accru de dépression, d’anxiété, et de pensées suicidaires.
Des travaux scientifiques montrent que l’accompagnement des enfants transgenres, loin de les « mettre en danger », est une des clés pour leur santé mentale et leur bien-être. D’après une étude notamment, le taux de pensées suicidaires diminue de 93 % chez les jeunes qui vivent dans une famille avec un soutien parental fort. Une autre étude a montré que les enfants trans qui sont soutenus dans leur identité de genre ont une santé mentale aussi favorable que les enfants cisgenres.
D’autres recherches ont mis en lumière le fait que l’absence de soutien familial adéquat chez les jeunes transgenres accroît considérablement leur risque de souffrir d’anxiété, de dépression, de faible estime de soi. L’absence de soutien parental est associée à un taux de tentatives de suicide 14 fois plus élevé chez les jeunes transgenres. Les soins d’affirmation de genre, combinés à un environnement familial favorable, contribuent à une trajectoire de santé mentale stable chez les jeunes transgenres.
Il n’y a pas d’« épidémie » de jeunes trans
L’idée d’une « épidémie » de jeunes trans est infondée scientifiquement. L’accroissement des coming out trans s’explique notamment par un meilleur accès à l’information et une sensibilisation accrue des professionnels de santé. Pourtant, faire son coming out en tant que personne trans reste une prise de risque énorme en raison du rejet familial et social. Imaginer que des enfants le font par effet de mode est extrêmement réducteur.
On ne peut pas « guérir » la transidentité
La transidentité n’est pas une maladie, il n’y a rien à guérir. Les thérapies de conversion visant à « corriger » la transidentité sont inefficaces, dangereuses et scientifiquement discréditées. Les professionnels encouragent plutôt un accompagnement bienveillant, permettant aux jeunes d’explorer leur identité en toute sécurité. Rappelons que l’homosexualité a elle aussi été psychiatrisée et médicalisée, considérée auparavant comme une pathologie, une déviance. C’est en 1990 seulement que l’OMS a cessé de la considérer comme une maladie mentale. Des progrès récents et encore très fragiles.
L’éducation sexuelle et affective : un danger pour les enfants, vraiment ?
L’idée selon laquelle l’éducation scolaire au genre et à la sexualité « corrompt » les enfants repose sur une désinformation flagrante. Les cours d’éducation à la vie relationnelle, sexuelle et affective (EVRAS) ont pour but de sensibiliser les enfants à leurs droits, de leur apprendre à reconnaître les situations d’abus et de leur fournir des outils pour se protéger.
Il est important de rappeler que la majorité des agressions sexuelles sur mineurs sont des incestes (77%), se produisant dans le cadre familial et non sous l’influence d’un prétendu « endoctrinement scolaire ». Ces cours sont une mesure préventive essentielle pour lutter contre les violences faites aux enfants. Réserver l’éducation sexuelle au cadre familial est criminel.
Concernant l’identité de genre, elle n’apparaît dans le programme scolaire français qu’à partir du lycée et a pour but de sensibiliser au respect de la diversité. Ces enseignements visent à promouvoir le respect, la compréhension et l’inclusion. Il ne s’agit pas d’imposer une idéologie, mais de donner aux jeunes des clés pour comprendre le monde qui les entoure. Encore une fois, la diversité sexuelle et de genre existe. On ne peut pas la faire disparaître simplement parce qu’elle dérange certaines personnes.
5. « Les personnes trans veulent imposer leur idéologie »
FAUX. Revendiquer des droits fondamentaux (accès aux soins, respect, protection contre la discrimination) n’est pas « imposer une idéologie », mais simplement réclamer une égalité de traitement. Les personnes trans ne forcent personne à transitionner, elles demandent juste à exister librement. Personne ne vous force non plus à lire ou à visionner des contenus qui les concernent (en encore moins à les bombarder de commentaires haineux). De surcroît, la propagande anti-trans est bien plus virulente sur internet que les discours des personnes concernées. La désinformation et la haine a, comme pour de nombreux sujets, le monopole sur la toile.
6. « Les personnes transgenres sont toutes homosexuelles »
FAUX. L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont deux choses distinctes. Les personnes transgenres peuvent être hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles, asexuelles, etc.
7. « L’inclusion des personnes trans met en danger les femmes cisgenres »
FAUX. Ce mythe repose sur l’idée erronée que les femmes trans seraient une menace dans les espaces non mixtes (toilettes, vestiaires, sports). Or, aucune étude sérieuse ne prouve une augmentation des violences due à la présence de femmes trans. En revanche, les personnes trans elles-mêmes, tout en représentant un infime pourcentage de la population, sont bien plus exposées aux violences que les personnes cisgenres (quatre fois plus, selon une étude). Environ 80 % des personnes transgenres ont déjà subi des agressions dans l’espace public (physiques, verbales ou sexuelles).
Entre octobre 2022 et septembre 2023, 320 meurtres de personnes trans et non binaires ont été enregistrés dans 59 pays, selon le TGEU (Transgender Europe). Un chiffre toutefois sous-estimé en raison du manque de reconnaissance légale et de la sous-déclaration des crimes, et en même temps disproportionné en sachant que l’on parle ici de moins de 1 % de la population. L’espérance de vie moyenne des femmes trans en Amérique latine est estimée à 35 ans, en raison des violences systémiques, de l’exclusion sociale et de la précarité.
Les femmes trans subissent le sexisme, comme toutes les autres femmes, si ce n’est davantage : on parle de transmisogynie. Même si elles ont été perçues comme des hommes une partie de leur vie, elles ne conservent pas leurs privilèges masculins en transitionnant. De plus, n’ayant généralement pas respecté les normes de genre dès l’enfance, elles n’ont souvent jamais réellement eu accès à ces privilèges. Lorsqu’elles sont identifiées comme trans, elles sont d’autant plus vulnérables aux violences, car la société patriarcale punit bien plus sévèrement les femmes perçues comme ayant renoncé à être des hommes.
Penser qu’une personne puisse traverser un parcours aussi difficile, l’exposant à des violences démesurées, voire au meurtre, dans le seul but de nuire aux femmes, relève de l’absurde. Puisque le féminisme lutte contre le sexisme, les discriminations et les oppressions, il est donc logique d’unir nos forces entre celles et ceux qui subissent ces injustices.
8. « Les femmes trans dans les compétitions féminines sportives, c’est de la triche »
FAUX. L’idée que les femmes trans seraient « illégitimes » dans les compétitions sportives féminines repose sur des préjugés faux et discriminatoires. Tout d’abord, les performances en sport ne dépendent pas uniquement du sexe biologique. Elles sont influencées par une multitude de facteurs : l’entraînement, la technique, la motivation, et bien sûr, la génétique. Par ailleurs, de nombreuses athlètes cisgenres bénéficient également de prédispositions physiques naturelles, comme une taille ou une musculature plus avantageuse. Cela n’enlève rien à leur mérite, et cela ne les rend pas « moins légitimes ».
En outre, les femmes trans qui participent à des compétitions sportives féminines doivent souvent suivre un traitement hormonal pour aligner leur taux de testostérone sur celui des autres femmes. Ces régulations hormonales sont strictement contrôlées par les fédérations sportives, et les athlètes doivent respecter des seuils spécifiques pour garantir l’équité. Cette démarche vise à niveler les différences hormonales, afin d’assurer une compétition juste et équilibrée. Donc, aucun avantage de ce point de vue là en comparaison des autres compétitrices.
En réalité, les femmes trans sont régulièrement confrontées à des discriminations et des violences, y compris dans le monde du sport. Beaucoup ont dû surmonter des obstacles immenses pour se faire une place dans des disciplines desquelles elles étaient exclues, d’abord en raison de leur sexe assigné à la naissance. L’inclusion des femmes trans dans le sport n’est pas une tentative de « privilégier » certaines athlètes, mais plutôt de les reconnaître comme des femmes à part entière, avec des droits égaux à ceux des autres.
9. « Les femmes trans sont des hommes fétichistes de la féminité »
FAUX. Être une femme trans, ce n’est pas une « mascarade » ou une tentative de jouer à être une femme pour des raisons superficielles. Une femme trans est une personne dont l’identité de genre est féminine, mais qui a été assignée homme à la naissance. Cette identité est profondément ressentie et vécue au-delà de la simple apparence ou de l’orientation sexuelle. Le fétichisme, en revanche, se rapporte à l’attirance sexuelle pour des caractéristiques ou des objets spécifiques, ce qui n’a rien à voir avec l’expérience de vivre en tant que personne trans.
La transition n’est pas une quête de validation extérieure. Les personnes trans ne cherchent pas à « fétichiser » les genres ou à satisfaire des fantasmes. La transition est un processus profond et personnel qui vise à aligner leur corps avec leur identité de genre. Il ne s’agit pas d’une performance pour les autres, mais d’un chemin de bien-être et de reconnaissance de soi.
Par ailleurs, beaucoup de femmes trans ont dû affronter des obstacles immenses pour être acceptées dans leur genre et vivre en accord avec leur identité. Réduire leur existence à des stéréotypes erronés comme le fétichisme est non seulement inexact, mais également cruel.
Peur, haine et désinformation, les ressorts de la transphobie
En fin de compte, la transphobie ne repose sur aucun fondement scientifique ou logique : elle est nourrie par la peur, l’ignorance et une volonté politique de désigner des boucs émissaires. Si l’homophobie est aujourd’hui moins « acceptable », ce sont les trans qui prennent pour leur grade, comme s’iels étaient responsables de tous les maux de la société. Les médias et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la propagation de discours haineux, qui trouvent un écho dans les groupes conservateurs et réactionnaires.
Défendre les droits des personnes trans, c’est défendre le droit de chacun·e à exister librement, sans peur et sans honte. Il est temps d’arrêter de débattre de leur existence et de se concentrer sur l’urgence de leur protection, à l’heure où leurs droits les plus fondamentaux sont plus que jamais menacés.
– Elena Meilune