EDITO – La question à laquelle il faut répondre pour traiter ce sujet convenablement est celle-ci : « L’application de la loi prime-t-elle sur le respect du contrat social ? »
Ou, en d’autres termes, la propreté juridique exigée d’un État dit « de droit », veut-elle que le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et l’autorité judiciaire de la Nation, fassent toujours obligatoirement bon ménage avec le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs ? Sous l’œil attentif du quatrième pouvoir censé être totalement autonome et indépendant : la presse !
Je fais partie de ceux qui pensent résolument que « NON » est la réponse qu’il convient d’apporter à cette question. Que le respect du contrat social prime sur tout. Et qu’en cela, il passe avant la notion d’État de droit. Ce concept politique qui veut que, quel que soit le contenu d’un texte normatif, ce texte doit être appliqué par l’administration en général et par la justice en particulier, principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs oblige. J’avais déjà touché ce sujet dans un édito précédent « l’étatisation des droits ».
Cependant, le respect de ce concept peut s’avérer contraire au contrat social, à savoir la justification de l’État en tant qu’entité détentrice de la violence légitime, c’est-à-dire le droit d’user de coercitions : à savoir, pour la protection de l’intégrité du territoire (coercition militaire), pour le maintien de l’ordre (coercition policière), pour la tranquillité, la santé et la salubrité publiques (coercition sociale), pour la protection des faibles contre les méfaits des forts (coercition judiciaire), pour la détermination des règles à suivre (coercition normative), et pour l’application de la loi (coercition administrative).
En effet, c’est sur cela que repose cet accord tacite qu’on appelle « contrat social. » Le contrat réputé avoir été passé entre la population du pays et « l’état », la personne morale (création intellectuelle), qui a en charge d’assurer l’effectivité de cette communauté humaine en tant que Nation. Ce contrat consiste en ceci. Afin que l’état puisse assurer cette effectivité, la population concède à l’état l’usage de cette violence légitime. Mais avec ceci pour limite : l’État doit faire usage de cette violence légitime, uniquement pour garantir la protection de l’intégrité du territoire, le maintien de l’ordre, la tranquillité, la santé et la salubrité publiques, la protection des faibles contre les méfaits des forts, l’édiction des règles à suivre et l’application de la loi.
À cet égard, dès lors qu’un texte de loi dessert ou va à l’encontre d’un ou plusieurs des éléments, listés ci-dessus, que l’État doit garantir, ce texte de loi trahit le contrat social.
Et il en est de même quand une décision de police, une décision administrative ou une décision judiciaire va à l’encontre d’un de ces éléments que l’État doit garantir, à savoir quand cette décision opère une violation des règles adoptées par l’État pour garantir la protection de ces éléments.
Nombreux sont les juristes qui estiment que le contrat social a été trahi de la sorte, par la décision de la Cour de justice de la République, qui, le 29 novembre 2023, a déclaré Éric Dupont-Moretti non-coupable, en l’occurrence par le truchement d’une violation de la règle appelée « loi pénale. » (Ou même la décision de la même CJR de débouter la plainte déposée à l’encontre du ministre de la Santé Aurélien Rousseau qui avait déclaré les vaccins covid sûrs et efficaces et « sans effets secondaires »).
Pourquoi ? Parce que pour déclarer Éric Dupont-Moretti non-coupable, alors qu’il a reconnu avoir commis les faits qui matérialisent le délit de prise illégale d’intérêts qui lui était reproché, la Cour de justice de la République a fait sienne l’argumentation de la défense qui a consisté à affirmer ceci : Éric Dupont-Moretti avait conscience de violer l’interdiction que la loi fait au ministre de la Justice d’intervenir dans une affaire en cours, mais qu’il n’avait pas la volonté de commettre ce délit.
Et quelle est la justification, retenue par la Cour de justice de la République, que les avocats d’Éric Dupont-Moretti ont donnée de sa soi-disant absence de volonté de commettre ce délit pénal ?
Son manque d’expérience dans ce domaine précis de la loi pénale : la prise illégale d’intérêts. Ah mince alors !?!
Je pensais qu’en tant que ministre de la Justice et avocat pénal chevronné pratiquant depuis plus de trente ans, il avait eu tout le temps d’appréhender la loi pénale dans son entièreté. Éric Dupont-Moretti, qui en outre, se targue souvent de la connaître sur le bout des doigts, notamment, lorsqu’il est face à des béotiens en droit, « Môôssieuh » s’amuse à jouer les ténors… en cette matière, précise qu’est justement la loi pénale.
Loin de moi, ne serait-ce que l’idée, et donc encore moins la volonté de commettre l’infraction pénale, de discrédit publiquement jeté sur une décision de justice en disant cela, mais fichtre ! Ça sentirait un peu la collusion et la connivence entre sachants et affiliés assujettis, tout ça ne m’étonnerait guère.
J’emploie le conditionnel, d’abord parce que n’étant pas juriste, je pense que si certes, il existe des cas où la méconnaissance de la loi par ceux en charge de son application que sont les magistrats, constitue une forfaiture, il existe également des cas où, à l’inverse, méconnaître la loi est quelque chose qui s’impose aux magistrats.
Voyons quels sont ces deux types de cas l’un après l’autre, et à travers deux exemples très simples, ceci afin que mon raisonnement vous apparaisse au mieux comme étant parfaitement explicite.
Exemple numéro 1 : Avant qu’en 2007 Jacques Chirac ne fît inscrire l’abolition de la peine de mort dans la Constitution, afin de rendre sa remise en cause plus difficile, celle-ci avait été institutionnalisée en ces termes-ci par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 (article 1) : « La peine de mort est abolie. »
Ce texte de loi est on ne peut plus clair. Il ne souffre d’aucune ambiguïté et il n’édicte aucun cas où l’interdiction que le pouvoir exécutif fait à la justice de condamner quelqu’un à mort, peut être méconnue par la justice.
En conséquence, il serait une forfaiture absolue pour la justice, d’avoir une interprétation non stricte de cet article de « la loi pénale » que le pouvoir législatif a décidé « d’interprétation stricte » (2), qui consisterait à soutenir qu’il existe des cas où la peine de mort peut être prononcée par la justice.
À l’inverse, il est des circonstances dans lesquelles, paradoxalement, le contrat social exige de la justice étatique qu’elle n’applique pas un texte de loi, à savoir quand, tel qu’il a été formulé, ce texte de loi s’oppose à la mission de la justice étatique : assurer la cohésion sociale de la Nation, en protégeant les faibles contre les méfaits des forts.
Pourquoi ? Parce qu’en cette occurrence, ce texte de loi opère, de fait, une violation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Eh oui !
Voilà qui nous amène à l’exemple numéro 2 que j’ai sélectionné pour expliquer mon raisonnement.
En matière de viol, le consentement est présumé. Il en est ainsi depuis la loi dite « Schiappa », (Marlène), membre du Gouvernement « grâce auquel » elle a été introduite dans la norme.
C’est génial ! Ah si ! Quelle formidable avancée pour l’institutionnalisation du brassage ethnique « grâce auquel », là aussi, des étrangers d’une culture totalement différente de la nôtre, notamment s’agissant des mœurs sexuelles, vont pourvoir s’introduire dans cette nouvelle normalité juridique.
La raison officielle donnée par les membres éminents de la Macronie qui ont imposé ce changement radical, c’est le renforcement du principe constitutionnel de la présomption d’innocence.
Ça paraît quelque peu incongru. Néanmoins, je les comprends : la liste des membres éminents de la Macronie accusés de viol, est aussi longue ou presque que la liste des membres éminents de la Macronie tout court.
Cela mis à part, concrètement, quelles sont les conséquences de ce changement radical de position ?
C’est simple. Avant cette « fameuse » loi, en matière de viol, c’était le non-consentement qui était présumé.
Lorsqu’une personne accusée de viol niait le caractère forcé du coït (fellation, pénétration sexuée anale ou vaginale, ou introduction d’un objet, et plus si affinités), mais reconnaissait avoir participé au coït incriminé, elle devait, pour s’innocenter, rapporter la preuve que la personne désignée comme ayant subi ce coït, en réalité était consentante. Qu’elle avait participé à ce coït volontairement, et non pas sous la contrainte ou sous l’emprise d’une substance, médicale ou autre, lui ayant fait perdre son discernement au moment des faits.
Et bien, dorénavant, c’est l’inverse.
Depuis cette nouvelle loi, c’est la personne qui accuse de viol qui doit prouver qu’elle n’était pas consentante au coït incriminé. Et de plus, elle doit également rapporter la preuve qu’elle a exprimé son non-consentement à son violeur, expressément, sans équivoque et avant l’intervention du coït.
Ah mince alors !?!
En outre, comme si cela ne suffisait pas déjà outrageusement, à ce que cette nouvelle loi fasse hurler dans les chaumières tout autant furieusement que légitimement, ces fanatiques LGBTQQIAAP (1) et Cie de la libéralisation des coïts « en tous genres », ont ajouté ceci concernant cette présomption de participation volontaire au coït : qu’importe la raison à cela, si la preuve du non-consentement exprimé comme susdit n’est pas rapportée, le consentement est réputé avoir été effectif.
Or, il existe des cas où il est impossible de rapporter la preuve d’un non-consentement de la personne, exprimé à son violeur expressément, sans équivoque et avant l’intervention du coït.
- Premier cas, celui de la personne qui était endormie, dans le coma ou morte au moment des faits. Étant endormie, dans le coma ou morte au moment des faits, cette personne ne peut pas s’être pliée à l’obligation, pour qu’il n’y ait pas viol, d’avoir exprimé son non-consentement à son violeur, expressément, sans équivoque et avant l’intervention du coït.
- Deuxième cas, l’enfant en très bas-âge (nourrisson et autre enfant disons « de moins de trois ans »). Trop jeune, pour avoir les capacités intellectuelles pour savoir ce qu’est un coït, cette personne a encore moins la faculté de décider de son plein gré de participer, d’être consentante ou pas à un coït, et encore-encore moins la possibilité physique d’exprimer son non-consentement à son violeur, expressément, sans équivoque et avant l’intervention du coït.
- Troisième cas, le mongolien. Pas l’électeur qui soutient mordicus l’envoi de troupes en Ukraine, non. Arrêtez ! Le trisomique.
- Quatrième cas, la personne atteinte de démence au moment des faits.
- Cinquième cas, le vieillard complètement sénile.
- Et sixième cas, la personne consciente au moment des faits, mais tétraplégique à 100%.
Parce qu’elles n’ont jamais acquis ou ont totalement perdu les capacités intellectuelles pour savoir ce qu’est un coït, et donc pour avoir la faculté de décider de leur plein gré de participer à un coït, ou parce qu’elles sont dans l’impossibilité physique de s’exprimer (tétraplégiques), les personnes concernées par ces quatre derniers cas sont peu ou prou comme l’enfant en très bas-âge, à savoir dans l’impossibilité d’exprimer leur non-consentement à leur violeur, expressément, sans équivoque et avant l’intervention du coït.
Ainsi, quand la justice traite une affaire de viol dans un des six cas dont je viens de vous faire état, la justice devrait faire cette application de la loi pénale, nonobstant qu’elle est d’application stricte : dire qu’il y a viol. Qu’évidemment il y avait non-consentement de la victime, puisque la personne qui a subi le coït n’avait pas, au moment des faits, ni la possibilité intellectuelle d’être consentante, ni la possibilité physique de l’exprimer (cas de l’enfant en très bas-âge, cas de la personne endormie, dans le coma ou morte, et cas du tétraplégique).
Pardi !
La logique, la morale et le minimum de décence intellectuelle qui normalement devrait être requise pour officier en tant que magistrat, font qu’il est une « évidence » (« preuve » en anglais) manifeste pour tout être humain non-pervers sexuel, que lorsqu’une personne est dans l’impossibilité d’exprimer son non-consentement à celle qui se livre sur elle à un coït, l’hypothèse du consentement de la personne qui subit ce coït doit être écartée, exclue.
En conséquence, la véritable légitimité de la justice étatique (je le rappelle volontairement), étant d’assurer la cohésion sociale, en protégeant les faibles contre les méfaits des forts :
- qu’importe qu’à l’initiative du pouvoir exécutif le pouvoir législatif a décidé que la loi pénale est d’interprétation stricte ;
- qu’importe aussi qu’à l’initiative du pouvoir exécutif, le pouvoir législatif a décidé qu’en matière de viol, preuve doit être rapportée d’un non-consentement de la victime, et exprimé à la personne accusée de viol, expressément, sans équivoque et avant l’intervention du coït ;
- et qu’importe également qu’à l’initiative du pouvoir exécutif, le pouvoir législatif a décidé qu’en cas d’absence de cette preuve, le consentement est réputé avoir été effectif ;
voici ce que le pouvoir judiciaire doit faire, lorsque la personne qui a subi le coït n’avait pas, au moment des faits, la possibilité matérielle (intellectuelle ou physique) d’être consentante : ignorer le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Le violer délibérément.
Se l’appliquer « en suppositoire », pour dûment contrer l’application pareillement au plus profond de l’ignominie, que tous ceux qui ont concouru à l’adoption de cette loi « pro-violeurs », ont fait de la justification de la loi pénale, à savoir que le pouvoir législatif doit donner à la justice étatique, les moyens juridiques d’accomplir pleinement sa mission, qui est (je le redis une fois de plus) d’assurer la cohésion sociale, en protégeant les faibles contre les méfaits des forts.
Et que les magistrats n’aillent pas me dire qu’il leur est interdit, et donc impossible, de méconnaître le principe constitutionnel de la séparation. Diable !
Elles sont légion, les décisions de justice via lesquelles ce principe constitutionnel a été méconnu par la justice, à savoir les affaires où, en lieu et place de respecter l’interprétation stricte de la loi pénale qui a été décidée par le pouvoir législatif (2), la Cour de cassation a ajouté à la loi pénale, des cas non-prévus par elle ou en a écarté. Ou pire ! Il est fréquent que la Cour de cassation justifie sa position, par une argumentation expressément contraire aux termes mêmes de la loi pénale.
1) LGBT est le sigle de base, celui utilisé au plus succinct, pour désigner l’ensemble des personnes non-strictement hétérosexuelles et non-cisgenres. Il regroupe les lesbiennes (L), les gays (G), les bisexuel·les (B) et les trans (T). Le sigle LGBTQI intègre en plus les personnes se définissant comme queer (Q), et celles qui sont intersexuées (I). LGBTQQIAAP, lui, est le sigle le plus extensif actuellement. Outre donc le « Q » des « Queer », il inclut un deuxième « Q », pour « questionning » en anglais, à savoir le « Q » des personnes qui se posent des questions – une expectative les habite, et elle est énorme ! -, les asexuel-le.s (A), les allié.e.s (A), pour celles qui luttent auprès des LGBT contre l’homophobie, et les pansexuel.le.s (P), pour les personnes qui peuvent être attirées ou prises par toute autre personne qu’elles-mêmes, sans distinction de sexe ou de genre : femme, homme, non-binaire, etc., que cette autre personne soit cis, trans ou intersexuée.
Une occasion rêvée pour scander en guise de remerciement : Vive la Raie Publique ! Et Vive la Trance !
2) article 111-4 du Code pénal : « La loi pénale est d’interprétation stricte. »
Je traduis. La justice a interdiction d’ajouter à la loi pénale, une condition ou des faits non-prévus par la loi pénale, ou d’écarter une condition ou des faits prévus par la loi pénale. Cela tant s’agissant de l’élément dit « matériel » de l’infraction (les faits que la loi détermine comme matérialisant l’infraction), que de l’élément dit « intellectuel » (la volonté de commettre l’infraction).