«Horribles menaces» : le Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidzé a dénoncé ce 23 mai l’attitude d’un commissaire européen à son égard, à l’approche d’un nouveau vote du Parlement géorgien de la loi sur les agents de l’étranger. Des propos sortis de leur contexte selon le Commissaire en charge de l’élargissement de l’UE Oliver Varhelyi.
«Vous avez vu ce qui est arrivé à Fico, faites très attention.» Selon le Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidzé, un «commissaire européen», qu’il n’a pas nommé, l’a menacé en évoquant lors d’un appel téléphonique la tentative d’assassinat à l’encontre du chef du gouvernement slovaque advenue il y a quelques jours.
Le commissaire a énuméré avant cela les mesures que les Occidentaux pourraient prendre si la loi sur les agents de l’étranger était définitivement adoptée en Géorgie.
Irakli Kobakhidzé a dénoncé dans son communiqué le «chantage insultant à l’encontre du peuple géorgien et de son gouvernement démocratiquement élu» mené par «des politiciens étrangers de haut rang».
Des propos sortis de leur contexte selon le Commissaire européen Varhelyi
«Je regrette sincèrement qu’une certaine partie de ma conversation téléphonique ait été sortie de son contexte», a déclaré dans un communiqué le commissaire en charge de l’élargissement de l’UE, le Hongrois Oliver Varhelyi. «Pleinement conscient du sentiment pro-européen très profond de la société géorgienne, j’ai ressenti le besoin, lors de ma conversation téléphonique, d’attirer l’attention du Premier ministre sur l’importance de ne pas enflammer davantage une situation déjà fragile» en adoptant cette loi controversée, s’est justifié le commissaire européen. Ce dernier a précisé avoir mentionné le «tragique» attentat contre Fico comme un exemple de ce que un «haut niveau de polarisation peut provoquer dans une société, y compris en Europe».
Malgré des manifestations de l’opposition pro-européenne et les pressions de l’UE et de Washington, le Parlement géorgien a adopté le 14 mai un projet de loi sur les agents de l’étranger. Cette loi entend obliger les médias et les ONG recevant plus de 20% de leur financement de l’étranger à s’enregistrer comme étant sous influence étrangère.
A Bruxelles, la loi est jugée contraire aux aspirations d’adhésion de Tbilissi au bloc européen. La Géorgie a déposé une candidature pour entrer dans l’UE en 2022 mais n’a pas obtenu le statut de candidat comme l’Ukraine, car Bruxelles demande des réformes en échange.
Kobakhidzé dénonce la volonté d’«ukrainiser» son pays
Les détracteurs de la loi affirment qu’elle s’inspire de la législation adoptée par Moscou en 2012, et reflète un tournant pro-russe du gouvernement. Mais le parti au pouvoir, Rêve géorgien, assure s’être inspiré de la loi américaine sur l’enregistrement des agents étrangers de 1938 (Foreign Agents Registration Act), dans une version bien moins stricte.
Le 22 mai à la télévision publique géorgienne, le Premier ministre Kobakhidzé a dénoncé la volonté de lancer un «Maïdan géorgien» et d’«ukrainiser» son pays, évoquant le coup d’État de 2014 à Kiev, soutenu par l’Occident. «La seule chose qui préoccupait [les Occidentaux] était l’affaiblissement de la Russie», a-t-il expliqué. «Dès le début de 2022, il y a eu un intérêt pour la Géorgie, afin d’ouvrir un deuxième front, ce qui, bien sûr, aurait nui gravement à la Russie. Mais tout cela détruirait notre pays», a-t-il encore déclaré. Selon lui, la politique mondiale est dirigée par le «parti de la guerre mondiale», qui veut à tout prix affaiblir la Russie, quitte à sacrifier la Géorgie.
Menaces américaines de sanctions
«J’ai été très clair sur le fait qu’il y aurait des conséquences si la loi était appliquée telle qu’elle est actuellement», a menacé le 14 mai devant la presse, à Tbilissi, le secrétaire d’État américain adjoint aux Affaires européennes et eurasiennes, James O’Brien. «Si la loi est adoptée sans être conforme aux normes de l’UE et qu’il y a ici une atteinte à la démocratie et des violences contre des manifestants pacifiques, alors nous verrons des restrictions venir des États-Unis», a-t-il ajouté.