Interdit aux mineurs, par Baptiste Dericquebourg (Le Monde diplomatique, janvier 2025)


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Tomi Ungerer. – Dessin pour une carte de vœux, 2000

© Musées de la ville de Strasbourg – Diogenes Verlag, Zürich – Tomi Ungerer Estate

Le 17 juillet 2023, un ouvrage publié par les éditions Thierry Magnier dans une collection destinée aux adolescents se voit interdit de vente aux mineurs. Publié un an plus tôt, Bien trop petit, de Manu Causse, connaissait jusqu’alors une diffusion assez limitée. L’arrêté lui offre une publicité inattendue en déclenchant une vague d’indignation à laquelle le romancier Nicolas Mathieu donne de l’écho sur Instagram quand il appelle ses abonnés à raconter leurs émois de jeunes lecteurs. Des témoignages qui soulignent le rôle de la lecture et de l’écriture dans la découverte du fantasme et de la sexualité.

L’encadrement de la littérature à destination de la jeunesse relève des dispositions de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949. Lors de son vote, le texte fait l’unanimité au sein des diverses forces politiques, mais pour des raisons différentes. Les catholiques conservateurs entendent lutter contre la corruption des mœurs, dans le sillon tracé entre autres par l’abbé Louis Bethléem, auteur en 1904 du best-seller Romans à lire et romans à proscrire. Protestants et laïques entendent promouvoir la modernisation de l’éducation. Les communistes se préoccupent de l’influence culturelle américaine, notamment depuis l’arrivée en France du Journal de Mickey, en 1934. Il s’agit aussi de lutter contre l’importation de comics américains produits à bas coûts. Enfin, après les années noires de l’Occupation et dans une période de grande agitation sociale, on enregistre une forte augmentation des comparutions de mineurs en correctionnelle. L’heure est aux appels à protéger la jeunesse, mais aussi à se protéger de la jeunesse, voire à se protéger au nom de la jeunesse. Pour le meilleur et pour le pire.

La loi, modifiée à plusieurs reprises depuis sa promulgation, vise toutes les publications qui sont, « par leur caractère, leur présentation ou leur objet, principalement destinées aux enfants et aux adolescents » (article premier) et exige qu’elles ne comportent « aucune publicité ou (…)

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Baptiste Dericquebourg

Auteur du Deuil de la littérature, Allia, Paris, 2020.



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