Le chantier de l’A69 suspendu à une nouvelle décision de justice


14 janvier 2025 à 16h20

Durée de lecture : 4 minutes

Les juges oseront-ils mettre en pause le chantier de l’A69 ? Lundi 13 janvier s’est tenue une audience sur le dossier de l’A69 au tribunal administratif de Toulouse. Une dizaine d’associations écologistes réclamaient la suspension du chantier de l’autoroute en attendant le jugement sur la légalité du projet, prévu au plus tôt fin février. Le juge rendra sa décision d’ici vendredi 17 janvier.

Ce n’est qu’une étape supplémentaire dans l’histoire contentieuse de l’A69. Elle intervient dans un contexte bouleversé depuis le 25 novembre 2024. Ce jour-là, la rapporteuse publique

— un magistrat dont l’avis est souvent suivi par le juge — a émis un avis défavorable sur la légalité des autorisations environnementales du projet.

Un coup de théâtre, car cela revenait à déclarer l’A69 illégale. Les juges n’ont pas totalement suivi sa démonstration, et ont préféré botter en touche. Ils ont rouvert l’instruction, permettant aux travaux de se poursuivre pendant que la justice enquête.

Un chantier néfaste pour des espèces protégées

« On a été très étonné de cette décision », assure Thomas Digard, membre du collectif La Voix est libre (LVEL). « On a tout de suite demandé à ce que les travaux soient suspendus le temps que le jugement arrive, pour espérer sauver ce qu’il reste à sauver. »

L’audience de lundi 13 janvier passée, certains militants gardent un goût amer. « La bataille se joue sur la notion d’urgence », explique l’activiste. Pour son collectif, le chantier est attentatoire aux espèces protégées et à leurs habitats, avec une trentaine d’ouvrages en cours de réalisation (ponts, déviations de cours d’eau). Il y a urgence à préserver la faune et la flore au plus vite.

En face, les concessionnaires et l’État estiment que « les destructions qui menaceraient les espèces sous protection ont déjà été faites, en grande partie », rapporte Gilles Garric, membre de LVEL, présent au tribunal. Autrement dit, puisque tout a déjà été détruit, il n’y a plus d’urgence à protéger…


À gauche, le chantier de l’autoroute A69  ; à droite, le projet alternatif «  Une autre voie  », réutilisant les terrassements pour une piste cyclable.
© Karim Lahiani / Montage Reporterre

Les porteurs de l’A69 ont même avancé que l’arrêt des travaux aurait des conséquences négatives sur l’environnement car certaines constructions visent à mettre en place des mesures compensatoires.

Intérêt économique avant tout

Il aurait aussi d’importantes incidences économiques : des emplois en moins, des contrats à enrayer, une obligation coûteuse de sécuriser les ouvrages d’art rendus inutiles… C’est cet impératif monétaire avancé par les aménageurs qui inquiète le plus les opposants à l’autoroute.

« II y a un vrai risque que l’intérêt économique prévale sur l’intérêt écologique », s’inquiète l’avocate des opposants, Alice Terrasse. « Les aménageurs emploient souvent la même stratégie : ils vont très vite et loin dans les travaux. » Sachant que le juge ne pourra pas ignorer les conséquences, ici financières, que peuvent avoir sa décision. Elle ajoute : « Le juge n’a pas à s’immiscer dans des considérations économiques ou politiques. C’est pourtant ce qu’on lui demande de faire. »

Lire aussi : Le groupe Pierre Fabre reconnaît avoir financé l’A69

Le militant Thomas Brail, notamment connu pour s’être mis en grève de la faim et de la soif contre l’A69, a même quitté l’audience avant sa fin, agacé. « L’ombre des laboratoires Pierre Fabre plane », dit-il, énigmatique. Une manière de signaler que l’entreprise et ses soutiens dans le monde économique local pèsent sur ce contentieux. « La plupart du temps, la justice suit l’avis du rapporteur public, et là non… », argue-t-il.

Les espoirs des militants opposés à l’A69 restent suspendus à décision de la fin de semaine comme l’explique Gilles Garric : « Si on est débouté, cela laissera à penser que le recours sur la légalité sera, lui aussi, rejeté. Au contraire, si la suspension du chantier est actée, il y a de réelles raisons de penser que la “raison impérative d’intérêt public majeur”, qui protège pour le moment l’A69, soit écartée. »


La destruction du bois de la Crémade à Saïx, dans le Tarn, avait été repoussée car des mésanges bleues étaient en pleine nidification.
Viggo Danielsen / Unsplash

Quoi qu’il en soit, il n’y a toujours pas de date exacte pour l’audience sur le fond. Ce rendez-vous cristallisera toutes les tensions autour de l’A69. Et si certains craignent un A355 bis — le GCO, Grand contournement ouest de Strasbourg, déclaré illégal après la fin du chantier — l’avocate Alice Terrasse garde une once d’optimisme.

Qui sait, le dossier de l’A69 pourrait-être l’occasion de repenser le droit de l’environnement dans le sens de la « démocratie environnementale » ?

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