À Gaza, nous perdons chaque jour une part de nous-mêmes — Enfant de la Société — Sott.net


De Jabaliya et Beit Lahiya nous parviennent les images de parents qui errent, hébétés, désespérés, portant leur enfant agonisant dans les bras, sans savoir où aller. Les hôpitaux sont assiégés, bombardés, évacués, les maisons, les abris, les écoles sont bombardées. Où aller, avec un enfant blessé dans les bras, que partout ailleurs au monde on pourrait sauver ?

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© Doaa Albaz / Activestills9 novembre 2024 – Les familles rassemblées à l’hôpital al-Nasser à Khan Yunis pour faire leurs adieux aux six personnes tuées lors d’une frappe aérienne israélienne tôt le matin sur des tentes abritant des familles déplacées à l’ouest de Khan Yunis dans le sud de la bande de Gaza. L’assaut génocidaire d’Israël à Gaza a tué au moins 43 314 Palestiniens, et des milliers d’autres sont toujours portés disparus

« Nous annonçons au monde », dit Eyad Zaqout, du ministère de la Santé de Gaza, « qu’il n’y a plus d’ambulances dans le nord. De nombreux blessés gisent dans leur sang dans les rues et les divers lieux ciblés, et il n’y a plus de personnel ni de matériel pour leur porter secours. » (1)

Ma gratitude et mon admiration vont vers ces personnes qui, à Gaza, au péril de leur vie, dans le viseur des snipers et des drones, vont chercher les blessés dans les rues, déblaient à main nue les gravats.

Francesca Albanese, dans son dernier rapport sur les Territoires occupés, montre la volonté d’Israël de nuire au groupe que constitue le peuple palestinien — pas aux individus en tant que tels, mais en tant que membres du groupe. (2)

À ce titre, pas un Palestinien sous occupation israélienne, à Gaza ou en Cisjordanie, n’est en sécurité — quoi qu’il fasse, où qu’il soit, quels que soient son âge et sa condition.

Le « Plan des Généraux » se poursuit dans le nord de Gaza, combinant blocage de toute denrée alimentaire et médicale et ciblage massif de toute vie. Pour Jonathan Whittall, de l’OCHA, les Palestiniens sont dans le « couloir de la mort’ ». (3)

Anas al-Sharif, journaliste, constate : « Nous sommes exterminés sous les yeux du monde ». (3)

Comment nomme-t-on ceux qui ciblent les civils, les blessés, les médecins, et refusent les soins aux malades ? Comment nomme-t-on ceux qui bloquent des milliers de camions de biens de première nécessité alors qu’à quelques kilomètres de là, les enfants meurent de faim — littéralement ?

Michael Fakhri, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, déclare n’avoir jamais vu une population civile subir la famine « aussi rapidement et aussi complètement ».

Trente camions par jour entrent à Gaza (dont aucun ne parvient au nord). Avant le 7 octobre 2023, 500 camions par jour y accédaient, et 50 % des Palestiniens de Gaza souffraient déjà de détresse alimentaire. (4)

Israël, dès le 7 octobre, a été on ne peut plus clair quant à ses intentions génocidaires. Or l’intention génocidaire constitue en soi une obligation d’intervenir pour les États tiers, selon l’article II de la Convention sur le Génocide. Mais le génocide a lieu, sous nos yeux, et le monde continue de laisser faire.

Heba Morayet, d’Amnesty International : « Le monde doit sortir de sa torpeur, alors qu’Israël utilise le siège, la famine et les atrocités criminelles pour déplacer de force et détruire des vies civiles. » (3)

Nous avons perdu la mesure. « Le monde s’est habitué à notre sang », constatent les Palestiniens de Gaza. (5) Laisser faire est devenu la norme. Assister silencieux au massacre de masse des enfants est devenu la norme. Des bébés amputés avant même d’avoir commencé à ramper ? La norme.

Comme l’a dit le Professeur Haim Bresheeth avant d’être arrêté à Londres :

« Le monde sait exactement ce qu’est Israël. Israël ne colonise pas seulement la Palestine. Israël colonise aussi chaque gouvernement occidental. Il colonise les esprits. » (6)

Plus nous laissons faire, plus il va de soi que nous laisserons faire. Nos molles protestations sont comprises comme autant d’encouragements à continuer le génocide. Israël ne s’arrêtera pas. Il faut le stopper maintenant. Israël poursuit sa politique du fait accompli colonial, fort de 76 ans d’impunité. D’impunité totale face aux violations des résolutions de l’ONU, de la 4ᵉ Convention de Genève, des décisions de la CIJ et de la CPI, du Statut de Rome, de la Conférence de Vienne, de la Convention sur l’Apartheid…

Ce n’est pas que les nations n’arrivent pas à stopper Israël : elles n’essaient pas. Le fait est qu’elles arrivent à ne pas stopper Israël, malgré l’obligation juridique qui leur incombe.

Tous les États, organisations, entreprises et individus sont concernés par la décision de la CIJ du 19 juillet et la résolution du 18 septembre rendant illégal tout soutien, direct ou indirect, à l’occupation, la colonisation et le génocide.

Nous perdons chaque jour quelque chose de nous à Gaza. Une part de notre humanité. Je voudrais terminer par une pensée pour cette mère, à Nuseirat, qui apprend l’assassinat de son fils à Beit Lahiya et lui fait ses adieux via smartphone.

Une pensée pour Rasha, 10 ans, qui pensait que son frère Ahmed, 11 ans, lui survivrait et à qui elle léguait, dans le testament qu’elle avait écrit, ses perles à enfiler et son argent de poche.

Rasha a été assassinée le 30 septembre, la moitié du visage arrachée par une bombe — qui a aussi assassiné son frère Ahmed. Ils sont morts ensemble après avoir vécu ensemble ces derniers mois, dans la terreur et la famine.

« Dans un autre monde, ce serait un crime qu’on n’oublie pas », écrit leur oncle. « Mais ici, à Gaza, ce ne sont que deux parmi des dizaines de milliers de victimes. » (7)

Notes :

* Marie Schwab milite au Collectif Palestine 12 (Aveyron). Ses textes, lus à l’occasion des rassemblements hebdomadaires dans la ville de Millau sont « des cris du coeur ! »



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