Il y a trois ans, José Manço a fondé l’association “Les Fringues Store Associatif” dans le but de récupérer des produits invendus, comme des vêtements, du matériel scolaire et des produits d’hygiène, afin de les donner aux familles monoparentales en situation de précarité. Pour en savoir plus, nous avons échangé avec lui autour de ce projet solidaire et écologique.
José Manço, 51 ans, est marié et père de trois enfants. Depuis tout petit, il est passionné par la mode. Il a commencé sa carrière à l’âge de 16 ans, en décrochant un contrat d’apprentissage en qualité d’étalagiste décorateur pour la maison de luxe Mac Douglas.
Pendant six ans, il a évolué et gravi les échelons, avant de devenir responsable d’identité visuelle de plusieurs marques, comme Naf Naf, Chevignon et Kaporal. Aujourd’hui, José Manço enseigne la distribution et le merchandising à l’école P.P.A. (Paris Pôle Alternance) tout en continuant à se former dans la mode afin d’être diplômé dans l’économie sociale et solidaire.
Bien qu’il soit passionné par son métier, José Manço a connu les dérives de l’industrie textile avec l’arrivée de la fast-fashion, ce fléau qui pousse les consommateurs à surconsommer et à jeter davantage.
« j’en ai eu ras-le-bol de tout ce gâchis »
“Depuis tout petit, j’ai toujours voulu travailler dans la mode. Ma passion c’était la mode, j’avais trouvé ma voie. Mais au bout de toutes ces années, j’en ai eu ras-le-bol de tout ce gâchis. Cela fait 33 ans que je suis dans la mode donc j’ai connu l’arrivée de toutes ces marques de fast fashion comme Zara, Mango… Puis j’ai vécu l’arrivée de Primark, et j’ai été vraiment dégoûté”, nous a-t-il confié.
Lutter contre la surconsommation et la pauvreté
Chaque année, selon OXFAM, plus de 100 milliards de vêtements sont vendus dans le monde et en Europe, 4 millions de tonnes de déchets vestimentaires sont jetés. À contrario, selon les données de la Banque alimentaire, 71% des foyers bénéficiaires vivent sous le seuil de pauvreté. Un manque qui empêche les familles de trouver des vêtements et du matériel adaptés pour leurs enfants.
Face à ce constat, José Manço a eu une idée : celle de créer une association dans le but de récupérer les invendus et de les donner aux familles monoparentales dans le besoin. S’il a eu ce projet, c’est parce qu’il est lui-même issu d’une famille monoparentale et qu’il a connu la pauvreté dès son enfance.
“C’est un projet que j’ai depuis une dizaine d’années. Je suis issu d’une famille monoparentale très pauvre. Suite au décès de mon père, ma mère a dû s’occuper de mes frères et moi. Du jour au lendemain, nous sommes tombés dans la précarité. Ma mère a dû trouver un emploi mais elle n’avait personne pour nous garder et n’avait pas beaucoup d’argent”, nous a confié José Manço.

Mais José Manço n’est pas tombé amoureux de la mode par hasard. Sa mère, couturière de métier, lui a également transmis sa passion.
“Ma mère avait l’habitude de récupérer des vêtements dans les poubelles et de les réparer »
“Ma mère avait l’habitude de récupérer des vêtements dans les poubelles et de les réparer, ce qui faisait qu’on était toujours bien habillés. Il y a une cinquantaine d’années de cela, les vêtements n’étaient pas de la même qualité qu’aujourd’hui. C’étaient des vêtements faits avec des matières naturelles, qui perduraient dans le temps. Ils passaient de génération en génération, d’un enfant à l’autre. C’était ça à l’époque, on récupérait, on raccommodait.”
Des dons aux familles monoparentales
Suite à l’adoption de la loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire), qui interdit aux fabricants, distributeurs et sites de vente en ligne de détruire les textiles, José Manço a donc fondé “Les Fringues Store Associatif” située à Creil, dans l’Oise.
S’il s’est implanté à cet endroit, c’est avant tout parce que Creil est la 11ème ville la plus pauvre de France, et que son agglomération est la deuxième ville la plus pauvre du pays. Sur le territoire, 38% de la population vit sous le seuil de pauvreté et est confrontée à des difficultés pour se nourrir et s’habiller. Au total, 800 familles monoparentales sont recensées dans l’agglomération.
“Je me suis dit que j’allais monter un projet social, écologique et d’insertion professionnelle autour de cette loi. Il y a une tranche de la population qui est en grande précarité, qui est exactement la même depuis 50 ans : les familles monoparentales. Je me suis dit : “Comme on jette, moi je vais récupérer.” ”

Une chaîne solidaire bien rodée
Les trois axes de l’association sont les suivants : aider, insérer et upcycler. Dans un premier temps, les membres de l’association récupèrent des vêtements, du matériel scolaire et des produits d’hygiène invendus afin de les redonner aux familles monoparentales dans une boutique baptisée “Le Store Associatif”.
Ces dons sont faits par des grandes enseignes comme Carrefour, Intermarché ou Decathlon. Les articles récupérés par l’association sont destinés aux enfants âgés de 0 à 12 ans. Chaque mois, plus d’une tonne d’invendus est récupérée par l’association, et 86% des vêtements récoltés sont redonnés aux familles.
Le « Store Associatif » est une boutique dédiée aux familles monoparentales, dans laquelle les mères de famille peuvent trouver tout ce qu’il faut pour répondre aux besoins de leurs enfants.
Elles peuvent également échanger avec des experts, comme des puéricultrices, des sages-femmes, des infirmières, des pédiatres et des assistantes sociales, pour recevoir des conseils. Si besoin, les membres de l’association aident les familles sur leurs difficultés au quotidien et les redirigent vers des structures sociales adaptées.
« Je voulais créer un endroit qui permettrait aux familles de reprendre de la dignité”
“Je ne voulais pas donner les vêtements dans un hangar, à même le sol. Je me suis dit que j’allais monter une boutique avec tous les codes : les petits cintres, les meubles, les mannequins… Je voulais créer un endroit qui permettrait aux familles de reprendre de la dignité”, a expliqué José Manço.

L’insertion professionnelle par la couture et la réparation
Les vêtements défectueux, auxquels il manque des boutons ou des fermetures, sont réparés et redonnés gratuitement par l’association. Ceux qui sont trop abîmés sont upcyclés, ce qui signifie que les pièces en bon état sont récupérées afin de créer un nouveau produit. C’est grâce à l’upcycling qu’un vieux jean trouvé peut être transformé en sac.
En plus de cela, des retouches peuvent être effectuées sur les vêtements comme des ourlets, des changements de fermeture éclair ou encore des broderies. Les produits upcyclés sont ensuite vendus dans la boutique des « Fringues Store Associatif », située dans le centre commercial de Saint-Maximin, et l’argent gagné revient entièrement à l’association.

Pour réparer ces vêtements, José Manço favorise le réemploi. Grâce à son agrément de chantier d’insertion, il aide les personnes très éloignées du marché du travail à se réinsérer socialement et professionnellement.
En partenariat avec l’école de la deuxième chance de Creil, il travaille avec des jeunes âgés de 16 à 25 ans en décrochage scolaire, en situation de handicap ou en sortie de prison, mais aussi des femmes SDF, en situation de précarité ou demandeuses d’asile.
« 100% des personnes insérées au sein de l’association ont réussi à retrouver un emploi ou une formation par la suite ».
Sur place, ces personnes apprennent à gérer une boutique (faire des vitrines, habiller des mannequins, ranger le magasin, réceptionner le stock, accueillir les clients), mais aussi les métiers de la couture.
En plus de cela, des ateliers sont organisés plusieurs fois par mois au sein du « Store Associatif » autour de la couture, la broderie, le dessin ou la cuisine, pour favoriser les rencontres.
Des ateliers de sensibilisation autour des déchets sont également disponibles dans la boutique du centre commercial. Gratuits et ouverts à tous, ces ateliers permettent au grand public d’apprendre à réparer les vêtements au lieu de les jeter, et de profiter d’un moment convivial autour de la réparation et de la couture.
Des projets pour l’association
Au fil du temps, José Manço a obtenu plusieurs labels : celui de “collecteur de textiles” et de “réparateur textile”.
De novembre 2023 à octobre 2024, 87% des textiles collectés ont été donnés à plus de 200 familles monoparentales en grande précarité et 4 680 pièces ont été fabriquées à partir de textiles défectueux.
Aujourd’hui, José Manço envisage l’avenir sereinement pour son association. Depuis début février, des ateliers gratuits sont organisés chaque jour dans la boutique, sur la réparation et l’upcycling, pour apprendre aux volontaires à créer un tote bag ou une pochette avec de vieux vêtements. Par la suite, José Manço aimerait déployer son association dans d’autres villes de France, notamment dans les zones où la précarité est importante, pour aider encore plus de familles dans le besoin.
Les suivre sur Instagram ou les soutenir sur leur site internet.
– Lisa Guinot