À la COP29, la voix d’une autochtone étasunienne contre l’industrie fossile


19 novembre 2024 à 11h19

Durée de lecture : 3 minutes

Bakou (Azerbaïdjan), reportage

Une étoile solitaire, dans un océan de conformisme. Là où partout se frôlent, se bousculent et serpentent des tailleurs sombres et des cravates impeccables, Casey Camp-Horinek, elle, semble défier le temps et les modes. Vêtue d’une simple laine verte, elle porte à son cou un collier aux centaines de perles, dont elle tait le caractère sacré. De ses yeux sombres s’enfuient les traits rougeâtres d’un maquillage ancestral. L’activiste climatique arbore ses 76 années comme une couronne, tissée de plaies indélébiles. Elle incarne, dans le bain de modernité qu’est celui de la COP29, la résistance et la mémoire vivante d’une civilisation presque oubliée : la nation des Poncas.

Il y a bientôt 150 ans, cette tribu de l’ethnie Sioux a été chassée de force par les autorités étasuniennes. Contraint d’abandonner leurs terres natales de l’actuel Nebraska, ce peuple a été déplacé vers l’Oklahoma. En 1879, leur chef Standing bear — « l’ours debout » en français — est entré dans l’Histoire en obtenant lors d’un procès la reconnaissance inédite par la Cour de justice étasunienne qu’« un Indien est une personne ».


«  L’industrie des hydrocarbures détruit la terre, l’air et l’eau, déplore Casey Camp-Horinek, élue autochtone. Et comme nous en dépendons, elle nous tue avec.  »
© Emmanuel Clévenot / Reporterre

Aujourd’hui, une autre menace pèse sur les quelques milliers d’âmes de cette communauté : l’extraction d’énergies fossiles. « L’industrie des hydrocarbures détruit la terre, l’air et l’eau, déplore Casey Camp-Horinek, élue autochtone. Et comme nous en dépendons, elle nous tue avec. »

Appel à la rébellion

À Ponca City, une raffinerie du géant Phillips 66 transforme du pétrole brut en essence, diesel et autres carburants, que des camions, trains et pipelines acheminent dès lors vers le Midwest. « Avec les fuites de méthane, la rivière est souillée et pleure d’observer les poissons mourir, poursuit la femme dont quelques plumes blanches ornent la chevelure. Les cerfs aussi meurent d’avoir bu son eau. » Elle décrit aussi les répercussions sur la santé des siens, l’immunodéficience, les cancers et la mortalité infantile.

Les dégâts ne s’arrêtent pas là. Afin d’extraire du pétrole de schiste contenu dans les formations géologiques, l’entreprise creuse des puits de plus d’1 kilomètre de profondeur avant d’y injecter un fluide sous haute pression. Cette technique, appelée fracturation hydraulique (ou fracking), vise à fissurer la roche. Elle provoque aussi des tremblements de terre à répétition en surface, assure Casey Camp-Horinek : « Nous souffrons d’un génocide environnemental », ajoute-t-elle.

« Nous souffrons d’un génocide environnemental »

« Puis-je vous photographier ? » La question l’amuse. Bien qu’elle dénote dans ce théâtre aseptisé de la diplomatie internationale, la militante n’en est pas moins habituée des projecteurs. Actrice, elle compte à son actif six apparitions au cinéma et a doublé un personnage de la série animée à succès Avatar, le dernier maître de l’air.

Malheureusement, Bakou n’est pas la tribune qu’elle attendait : « Ici, nous sommes réduits au silence. Les diplomates n’en ont que faire de notre sort. Ouvrons les yeux un instant et soyons honnêtes : l’espèce humaine court à sa perte. Alors face à l’immobilisme des politiques, soyons aussi extrêmes que ne le deviennent la Terre mère et le père Soleil. » Un appel à la rébellion qu’elle précise en ces termes : « Les coups de colère vains des guerriers frustrés n’ont pas le pouvoir de la désobéissance civile, ni celui de la prière. »

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