• ven. Sep 20th, 2024

10 opposants à l’A69 placés en garde à vue


Castres (Tarn), reportage

« Joyeux anniversaire Michel ! » Pour ses 79 ans, Michel Costadau, membre du collectif d’opposants à l’A69 La Voie est libre et de la Confédération paysanne, a eu droit à une sacrée surprise. Une journée en garde à vue. Comme dix de ses camarades, il était convoqué jeudi 30 mai à 8 h 30 à la gendarmerie de Castres pour répondre de plusieurs infractions, dont « complicité de dégradation de biens » et « violence sur gendarmes ». Seules 10 des 11 personnes convoquées étaient présentes, une des militantes n’ayant pas pu se présenter.

Ces infractions auraient été relevées lors de la manifestation du 9 décembre 2023 dans le Tarn, qui visait à alerter sur les dangers des usines à bitume pour les populations locales. Lors de ce rassemblement, des militants avaient pénétré sur le site de l’une de ces usines et un algeco avait été incendié.

Michel Costadau, militant de La Voie est libre et de la Confédération paysanne, était convoqué le jour de ses 79 ans.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Accompagnés par une cinquantaine de soutiens, qui chantaient et applaudissaient sous la pluie matinale, les convoqués sont tous entrés un à un dans les locaux de la gendarmerie. « Nous sommes auditionnés aujourd’hui parce qu’on a été codéclarants ou participants à cette manifestation », dit Annick Makala, militante d’Attac Tarn, qui était convoquée avec un autre membre de l’association.

« Vous vous rendez compte, cela veut dire qu’on nous tient responsables des débordements qui ont eu lieu. C’est une atteinte à la liberté de manifestation », s’indigne-t-elle sous son parapluie, peu avant de pénétrer dans la gendarmerie de Castres.

Les dix militants des collectifs La Voie est libre, Attac et GNSA qui se sont présentés à la gendarmerie nationale de Castres pour leur implication dans la lutte contre l’autoroute A69.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Thomas Brail, fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), connu pour ses « lives » sur les réseaux sociaux et sa grève de la faim, était également convoqué. « On me reproche d’être complice de violence sur un gendarme, mais tout le monde sait qu’on est non-violents, c’est nous qui nous faisons taper dessus ! Ce qu’ils veulent à travers ces convocations, c’est casser le mouvement, mais ils auront tout le contraire, ils rechargent les batteries et personnellement cela me donne encore plus envie de me battre », déclare-t-il, avant de reprendre une vidéo pour expliquer la situation à ses abonnés.

« Leurs dossiers sont vides »

Pour l’avocate des opposants, Maître Claire Dujardin, « les infractions visées sont vraiment tirées par les cheveux. Tout participant ou déclarant d’une manifestation serait en réalité complice de ce qui s’y passe, c’est extrêmement grave et on a déjà vu cela à Sainte-Soline [lors de la mobilisation contre les mégabassines en mars 2023]. On s’interroge également sur le timing de ces interrogatoires, une semaine avant une grande mobilisation contre l’A69 ». L’avocate fait référence au week-end du 8 et 9 juin coorganisé par Les Soulèvements de la Terre.

Et d’ajouter : « Je pense que ces convocations ne visent pas à obtenir réellement des éléments constitutifs des infractions qu’on leur reproche, mais surtout à intimider et à mettre les opposants sous pression. En réalité, on est sur des constats déjà posés par le rapporteur des Nations unies Michel Forst. L’État devrait entendre les militants écologistes plutôt que de les réprimer. »

Une douzaine de policiers ont encadré le rassemblement devant la gendarmerie nationale.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Joint par téléphone, le parquet de Castres n’a pas répondu aux sollicitations de Reporterre. Geoffrey Tarroux, instituteur et membre du collectif La Voie est libre, qui a dû abandonner ses élèves pour cette convocation, était serein, peu avant son audition. « Ils veulent cibler des personnes en particulier, mais c’est un mouvement populaire et horizontal. Ils essayent de faire tomber les têtes du mouvement mais il n’y en a pas, on est tous interchangeables. S’ils veulent couper un micro, ce sont cinquante mégaphones qui prendront le relais », dit l’habitant de Montcabrier, dans le Tarn.

Peu de temps après avoir honoré leur convocation à la gendarmerie, à 8 h 30, les dix opposants ont été placés en garde à vue et répartis dans des commissariats du Tarn, pour finalement être relâchés sans convocation un peu avant 18 heures. « Ils n’avaient strictement rien, leurs dossiers sont vides, c’était juste un coup de pression », déclare Geoffrey Tarroux.

Un militant présente sa convocation sur laquelle il est soupçonné de complicité pour dégradation ou destruction de biens.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Depuis le début de la contestation contre l’A69, la répression ne cesse de s’accentuer et vise aussi bien les membres des collectifs que les militants autonomes qui occupent les zad. « Les amendes, les contrôles, ils tentent de nous faire peser une pression quotidienne, souffle une zadiste. Il n’y a aucun chef, ils ne peuvent pas arrêter le mouvement. Malgré cette répression féroce, l’opposition à l’autoroute se renforce. »

En tout, plus de 110 personnes ont déjà été convoquées par la justice selon les opposants, 24 ont été placées sous contrôle judiciaire et 2 militants sont actuellement en prison pour des jets de projectiles contre des forces de l’ordre.




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