• sam. Sep 21st, 2024

Les écolos radicaux allemands se présentent aux européennes


Berlin, correspondance

1er juin, à Leipzig. Quelques flûtistes ont interrompu le meeting du parti libéral (FDP), membre de la coalition gouvernementale. Même soulevés par les forces de police, une activiste continuait son interprétation de la célèbre chanson du film Titanic. « Nous sommes sur un bateau en perdition », a résumé le collectif d’écologistes allemands Letzte Generation (La Dernière génération), dans un communiqué. Quelques instants plus tard, c’est le chancelier Olaf Scholz, lui aussi de passage à Leipzig, qui faisait les frais de militants. Ces derniers l’ont « confronté » — un nouveau mode d’action du groupe, consistant à interpeller une personnalité avec banderoles et porte-voix — sur son inaction climatique, qui a poussé certains d’entre eux à entamer il y a plusieurs semaines une grève de la faim.

Depuis le début de l’année, le collectif est en plein chamboulement. Décision de taille : ils ont décidé de se présenter aux élections européennes. Letzte Generation, né lors de la campagne pour les législatives de 2021, est connu pour ses actions spectaculaires. Des jets de purée sur des œuvres d’art (protégées par une vitre), des blocages d’aéroports, des perturbations d’événements politiques sportifs ou culturels, et, surtout, de multiples barrages routiers réalisés en se collant la main sur le bitume.

Un ou deux militants au Parlement ?

« Letzte Generation a décidé de modifier ses interventions. Nous bloquerons toujours des routes et des aéroports, mais sans nous y coller et seulement dans des lieux symboliques. Nous voulons aussi confronter médiatiquement les dirigeants politiques et économiques qui freinent la lutte contre les énergies fossiles. Et nous avons décidé de participer aux élections européennes », résume Theodor Schnarr à Reporterre. Il est numéro 2 de la liste de Letzte Generation qui compte douze candidats. En Allemagne, l’absence du seuil de 5 % de voix nécessaires pour faire élire des candidats leur donne l’espoir de, peut-être, pouvoir faire élire un ou deux d’entre eux.

Juin 2023. Des militants interrompent un match pour dénoncer la « folie des énergies fossiles ».
David Block / Letzte Generation

Originaire de Greifswald, sur la côte baltique, ce doctorant en biochimie de 33 ans admet que l’organisation tâtonne encore pour son programme bruxellois. « Nous sommes en phase de recherches, d’échanges et de prises de contact. Attention, nous ne voulons pas aller à Bruxelles pour faire un travail politique classique mais pour porter la protestation au sein d’une assemblée pas très démocratique et où règne un certain niveau de corruption », précise-t-il sans en dire davantage. Tout juste promet-il de « belles surprises » en cas de succès.

Pourquoi ce changement de cap ? Theodor Schnarr évoque les réactions parfois très violentes d’automobilistes bloqués, et, surtout la criminalisation des activistes : « Il y a eu plusieurs milliers d’arrestations et de plaintes contre nos militants qui se retrouvent régulièrement devant les tribunaux. Trois parquets régionaux poursuivent même certains militants sur la base d’un “soupçon de constitution d’organisation criminelle”. Nos sociétés préfèrent encore attaquer la protestation légitime qui gêne un peu plutôt que les gros industriels et les politiques qui causent de gros dégâts », regrette-t-il.

Rejet des actions de blocage

Un sondage de l’ONG More in Common, réalisé en juillet 2023, a cependant montré que 85 % des personnes interrogées rejetaient la stratégie de blocage-collage du collectif. De même, entre 2021 et 2023, le niveau de soutien apporté à Letzte Generation s’effondrait en passant de 68 % à 34 %. Die Linke (gauche radicale) et les Grünen (Verts), qui partagent les objectifs climatiques de Letzte Generation, sont, eux aussi, sceptiques.

« Certains d’entre nous estiment qu’en plus des erreurs du gouvernement, la stratégie de Letzte Generation a renforcé le rejet des thématiques de la transformation écologique » dans la population allemande, dit Cindy Peters, directrice de campagne de l’activiste environnementale Carola Rackete, candidate sur la liste de Die Linke

Ces activistes sont connus pour se coller les mains lors de blocages.
Stefan Mueller / CC BY NC / Letzte Generation

Letzte Generation a-t-il des chances de tenter l’expérience bruxelloise ? Un petit groupe d’activistes de 16 à 19 ans a tagué, le 3 juin, la façade du Parlement européen d’un grand « Help — the Youth » en orange fluo (« À l’aide — la Jeunesse »). Les Allemands peuvent en effet voter dès 16 ans aux européennes.





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