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un texte pour détruire plus facilement la nature


7 juin 2024 à 09h02
Mis à jour le 7 juin 2024 à 11h33

Durée de lecture : 5 minutes

C’est un texte qui préoccupe. Examiné en séance publique par les sénateurs les 3, 4 et 5 juin, le projet de loi sur la simplification de la vie économique, qui entend « alléger la charge administrative des entrepreneurs » et « facilit[er] les projets industriels ou d’infrastructures », fera l’objet d’un « vote solennel » le 11 juin, avant un passage à l’Assemblée nationale en juillet. Alors que le droit environnemental ne cesse d’être détricoté — on peut aussi penser à la récente loi d’orientation agricole —, ce texte inquiète les associations écologistes. Et ce, à plus d’un titre.

L’article 18 du projet de loi propose en effet d’affaiblir l’encadrement des mesures de compensation environnementale pour les entreprises lorsque celles-ci veulent lancer un projet industriel. Celui-ci permet aux maîtres d’ouvrage de « décaler dans le temps la mise en œuvre des mesures de compensation environnementale » liées à l’artificialisation des terres. Si un amendement voté en commission par les sénateurs entend « mieux encadrer le dispositif proposé » en « précisant les motifs permettant de justifier un décalage dans le temps » — la « longueur » et la « complexité de la mise en œuvre des mesures de compensation » sont citées —, pas sûr que cela suffise à convaincre les associations environnementales.

« Priver d’habitat des espèces sans possibilité de les déplacer ailleurs, c’est les tuer. Sur des milliers de projets en France cumulés, cela risque d’avoir un impact drastique sur la biodiversité, que l’on ne pourra, en plus, même pas mesurer vu que les obligations de résultat sont supprimées », nous expliquait le 28 mai dernier Morgane Piederrière, responsable du plaidoyer et des relations institutionnelles pour France Nature Environnement (FNE).

Le Sénat a en effet validé la suppression de l’obligation de résultat liée aux mesures compensatoires. La chambre haute du Parlement a justifié sa décision en expliquant que cette mesure, qui figure au Code de l’environnement, « peut être source de rigidités et d’incertitudes pour les porteurs de projet ». Les Échos notent toutefois que le cabinet du ministre de l’Industrie, Roland Lescure, a prévu de « retravailler la rédaction [de l’article] d’ici [son] passage à l’Assemblée nationale afin de confirmer qu’il existe bien une obligation de résultat, tout en garantissant la souplesse introduite par cet article en termes de temporalité ».

Des projets exclus des quotas d’artificialisation des sols

Autre point inquiétant pour la biodiversité et pour l’objectif de Zéro artificialisation nette (ZAN), repéré par Contexte : les sénateurs ont adopté un amendement transpartisan qui propose, comme le souhaite le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, « d’exempter totalement les implantations industrielles et les projets d’intérêt national majeur du décompte des enveloppes d’artificialisation pour la période 2021-2031 » [1].

La catégorie des « projets d’intérêt national majeur » fait partie du Code de l’urbanisme depuis la loi Industrie verte de 2023. Ce statut permet de bénéficier de mesures d’accélération administratives mais, pour l’heure, n’exclut pas ces projets du décompte des enveloppes d’artificialisation. Un amendement similaire, déposé par le corapporteur de la loi, Yves Bleunven (Union centriste), a été également adopté.

Chantier au niveau du ring des Ulis, en Essonne.
© Mathieu Génon / Reporterre

Le même Yves Bleunven a d’ailleurs proposé que les centres de données « de grande envergure » puissent être « qualifiés de projets d’intérêt national majeur » de façon à ce que ces datacenters soient eux aussi exemptés des quotas d’artificialisation des sols (un amendement transpartisan similaire a lui aussi été adopté). « Ce dispositif s’appliquera aux centres de données d’une puissance d’au moins 400 MW et dont l’emprise foncière est comprise entre 30 et 50 hectares, sachant qu’aujourd’hui les centres de données les plus importants installés en France ont plutôt une puissance de 100 MW pour une emprise foncière de 10 hectares environ », peut-on lire dans cet amendement, qui a été adopté par le Sénat.

Les sénateurs ont en outre voté en commission spéciale un amendement déposé par Patrick Chaize (Les Républicains). Comme le rapporte Contexte, celui-ci permet aux maires des communes littorales d’autoriser l’installation d’antennes relais à titre expérimental, jusqu’en 2029. Et ce, pas n’importe où : dans des « zones d’urbanisation diffuse » ou sur des sites « qui ne sont pas en continuité des espaces urbanisés ». À rebours, donc, de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral de 1986.

Et, plus généralement, bien loin d’une politique environnementale ambitieuse, comme le notait fin mai Morgane Piederrière à propos de l’action globale du gouvernement : « Il y a une tendance globale à la régression du droit environnemental depuis douze ans […]. Le gouvernement réutilise les éléments de langage des lobbies sur la simplification normative qui accusent l’écologie de ralentir l’économie […]. Ce narratif occulte le fait que si les normes existent aujourd’hui, c’est pour une bonne raison : elles défendent l’intérêt général, la santé et les écosystèmes. »



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