21 mars 2025 à 09h55
Mis à jour le 22 mars 2025 à 09h53
Durée de lecture : 4 minutes
Des canicules s’étendant de mi-mai à mi-septembre, et pouvant durer deux mois continus ; des épisodes de sécheresse durant des années ; une multiplication par dix des jours de vagues de chaleur et de nuits tropicales ; des montagnes privées de neige pendant la majorité de l’hiver…
Dans un rapport publié jeudi 20 mars, Météo-France décrit le climat d’une France à +4 °C. Il s’agit de la hausse du thermomètre attendue en 2100 (par rapport à l’ère préindustrielle) si les politiques climatiques poursuivent leur trajectoire actuelle. La France se réchauffe plus vite que le reste du monde. Sans changement majeur de l’action climatique internationale, la température moyenne devrait y être supérieure de 2 °C aux moyennes préindustrielles en 2030, et de 2,7 °C en 2050. Les États qui ont signé l’Accord de Paris s’étaient pourtant engagés, en 2015, à limiter le réchauffement à 1,5 °C.
« Il ne s’agira plus de vivre mais de survivre à de tels bouleversements »
« C’est un autre pays qui nous est raconté. Les extrêmes seront tellement intenses et fréquents qu’il ne s’agira plus de vivre mais de survivre à de tels bouleversements », a décrit le climatologue et directeur de recherche au CNRS Davide Faranda aux journalistes du Monde. « Dans de nombreux cas, les moyennes du futur pourront ressembler aux extrêmes des dernières années », ajoute Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint à la climatologie à Météo-France et auteur principal de l’étude, qui appelle à se préparer « dès maintenant ».
Records de chaleur jusqu’à 50 °C
Ainsi, à la fin du siècle, une année telle que 2022 — la plus chaude jamais enregistrée en France — pourrait sembler exceptionnellement fraiche. Des records de chaleur jusqu’à 50 °C seraient possibles localement dès l’horizon 2050 et deviendraient « probables » lors des canicules en 2100. Les habitants du sud de la France, mais aussi du centre, de l’est et de la région parisienne seraient touchées par ces chaleurs extrêmes, dont les conséquences sanitaires peuvent aller jusqu’à la mort.
La ressource en eau s’amenuiserait drastiquement, ce qui promet d’augmenter le nombre et l’intensité des incendies. En 2100, les sols de la moitié nord du pays pourraient rester secs pendant quatre à cinq mois, et ceux des régions méditerranéennes et de l’Occitanie, plus de sept mois. Les épisodes de pluie intense devraient néanmoins s’aggraver, entraînant inondations et pertes agricoles. La neige, elle, deviendra de moins en moins présente dans notre paysage. Les Alpes du Sud, à 1 800 mètres d’altitude, ne seraient par exemple plus enneigées que 52 jours par an, contre 132 jours dans les années 1990.
Notre santé, notre économie, nos activités sociales, touristiques et culturelles… Tous les domaines promettent d’être bouleversés par cette modification rapide du climat.
Parmi les secteurs les plus affectés : l’agriculture. « Aucune culture française ne survit à des températures [de 45-50 °C] », réagit Serge Zaka sur le réseau social Linkedin. Selon l’agroclimatologue, de telles chaleurs réduiraient à néant les champs de maïs et de tournesol, tueraient massivement les vaches laitières, brûleraient les cultures maraîchères. « Quelqu’un a une solution ? fait mine de s’interroger le chercheur. Je veux bien proposer des stratégies d’adaptation, mais à +4 °C, il n’y en a plus. »
Inaction gouvernementale
Le gouvernement a justement présenté son troisième plan d’adaptation le 10 mars dernier. Malgré quelques maigres avancées, le texte « reste un brouillon inabouti, un assemblage de mesures floues », selon Oxfam. « En plus d’être dépourvu d’objectifs ambitieux, le plan national d’adaptation au changement climatique prévoit de financer ces politiques avec des fonds que [le gouvernement] vient tout juste de supprimer, comme la coupe dans le fonds vert », soulignait également l’ONG, en dénonçant un « bricolage budgétaire aberrant ».
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Seule solution : diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, insiste Météo-France dans son rapport. Or, au fur et à mesure que les pouvoirs publics mettent l’accent sur l’adaptation, la lutte contre le changement climatique — afin d’éviter une hausse du thermomètre de 4 °C — paraît reléguée à l’arrière-plan.
Un paradoxe souligné par le chercheur Thierry Ribault : « Le gouvernement déclare que nous devons nous adapter à 4 °C supplémentaires en 2100, mais dans le même temps, il continue, voire accélère, l’industrialisation de l’agriculture, l’extractivisme et tous les délires technophiles responsables de la catastrophe, analysait-il sur Reporterre. Il nous dit de nous préparer au pire et à un futur catastrophique, mais il ne fait absolument rien ici et maintenant. »
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