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« Les assurances-vie alimentent le dérèglement climatique »


6 juin 2024 à 17h19
Mis à jour le 7 juin 2024 à 17h05

Durée de lecture : 4 minutes

Saviez-vous que votre argent placé en épargne servait à financer des projets destructeurs de l’environnement ? Comme le très décrié projet pétrolier de TotalEnergies en Ouganga et Tanzanie, ou encore l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis ? C’est cette triste réalité que financent en partie les assurances-vie, utilisées par 1 ménage français sur 2 en 2022 chez des assureurs (Matmut, Axa, Allianz, etc.) ou des banques (HSBC, Société générale, Crédit agricole, etc.).

Un comble, alors que ces contrats ont initialement pour but de garantir un avenir serein aux épargnants et leurs proches qui mettent de l’argent de côté pour une longue durée. Un paradoxe que dénonce Ariel Le Bourdonnec, chargé de campagne assurance chez l’ONG Reclaim Finance et auteur d’un rapport sur le sujet publié le 5 juin.

Reporterre — L’épargne est-elle une ressource essentielle dans le financement de la transition écologique ?

Ariel Le Bourdonnec — L’épargne stockée en assurance-vie, soit 1 900 milliards d’euros, pourrait servir à financer la transition écologique. Le souci, c’est qu’elle permet encore aujourd’hui d’investir dans des activités favorisant le développement des énergies fossiles. En souscrivant à ce type de contrat, les Français alimentent l’urgence climatique alors qu’ils pensent préparer leur avenir.

L’épargnant français recherche avant tout, avec l’assurance-vie, de la sécurité, de la liquidité et une fiscalité avantageuse sur le long terme. Ces conditions sont notamment offertes par le support en euro de l’assurance-vie ou « fonds euro ». Le fonds euro est à capital garanti et il investit dans des titres financiers peu risqués (des obligations d’État et d’entreprises). Si le fonds euro des assureurs-vie représente aujourd’hui environ 1 400 milliards d’euros, seule une partie serait nécessaire pour financer la transition, alors que le gouvernement recherche environ 35 milliards d’euros de fonds privés par an pour le financement de la transition énergétique en France.

Dans le rapport de Reclaim Finance, vous soulignez que deux tiers des épargnants sont sensibles aux conséquences environnementales et sociales de leurs placements. Pourquoi les assureurs persistent-ils à investir dans les énergies fossiles ?

Nombreux sont les assureurs-vie qui prétendent répondre à une demande de rentabilité des épargnants. Ce n’est en réalité pas le cas. En épluchant plusieurs études et sondages, on constate que les épargnants français attendent la sécurité et la disponibilité de leur épargne, avant sa rentabilité.

Dans 1 cas sur 2, un épargnant, quel que soit le type d’épargne, va préférer la sécurité à la rentabilité. On n’observe pas de comportement type de l’épargnant français souhaitant investir avec des niveaux de risques élevés. Ce cas n’est pas une généralité, encore moins sur un produit comme l’assurance-vie.

« Ne plus financer des entreprises aux stratégies d’expansion fossile climaticides »

Cette dernière est vendue aux épargnants comme un outil utile pour eux et leurs proches, leur garantissant une certaine sécurité dans leur avenir. N’est-il pas paradoxal de voir ses placements investis dans des entreprises aux projets favorisant la dégradation de l’environnement ? La communication faite autour de ces contrats montre souvent des parents tenant la main de leurs enfants. Mais en réalité, ce produit contribue à menacer leur avenir, parce qu’il alimente le dérèglement climatique et l’expansion des énergies fossiles.

Si l’on demandait à chaque épargnant s’il est d’accord que ses placements alimentent le réchauffement climatique, et ce, peu importe le niveau de rendement d’épargne, je ne suis pas certain qu’ils accepteraient.

En matière de régulation des assurances-vie, que préconise Reclaim Finance ?

Les assureurs-vie français, se disant engagés à viser la neutralité carbone ou à contribuer à l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, doivent mettre en place des mesures garantissant à leurs clients que leur épargne ne soutiendra pas le développement de nouveaux projets d’énergies fossiles.

Afin d’offrir plus de clarté et de lisibilité dans l’offre d’épargne en assurance-vie, nous demandons au ministère de l’Économie et des Finances de développer un cadre favorable à la labellisation ISR (Investissement socialement responsable) du fonds euro. Les produits d’investissements qui ont ce label, créé en 2016, ont depuis fin 2023 l’obligation de ne plus investir dans de nouveaux projets développant des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Seul ce label offre des garanties à l’épargnant de ne plus financer des entreprises aux stratégies d’expansion fossile climaticides.



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