• ven. Sep 20th, 2024

Cette asso sauve des milliers d’animaux de l’abattoir et les propose à l’adoption


Mazinghien (Nord), reportage

À peine adolescentes, les poules entament dès leurs 6 mois une courte, mais intense, carrière dédiée à la production d’œufs. Mais lorsqu’elles atteignent l’âge de 18 mois, la cadence de ponte commence à décliner. C’est le moment choisi pour effectuer le « vide sanitaire », afin de nettoyer le poulailler de toutes les fientes accumulées. Le hic, c’est que ce nettoyage concerne aussi les occupantes du poulailler, destinées à l’abattoir, car plus assez rentables.

À moins de se faire la malle comme dans le film « Chicken Run ». Ou encore mieux, si ces poules habitent dans le Nord, de faire un « Ch’ticken Run » grâce à deux malicieux complices : Nadège et Pierre Pauwels, fondateurs de l’association Les Ch’tites Cocottes & Cie, à Mazinghien (Nord), qui rachète des poules aux éleveurs pour ensuite leur trouver une nouvelle famille.

« Il faut avoir le cœur bien attaché »

Tout a commencé avec deux poules. Six ans plus tard, Nadège et Pierre Pauwels en ont sauvé 25 000, entre les Hauts-de-France et la Belgique. Avec leur fourgon, Les Ch’tites Cocottes peuvent sauver jusqu’à 500 gallinacées par trajet.

Parfois, certains sauvetages témoignent des conditions extrêmes dans lesquelles vivent les animaux. « Certains ne veulent pas qu’on voie les conditions dans lesquelles vivent les poules, les portes sont vite fermées pour ne pas montrer l’intérieur du poulailler. Il faut avoir le cœur bien attaché, par rapport à l’odeur », souffle Pierre Pauwels.

Les poules sauvées sont rachetées 1 euro aux éleveurs, puis revendues 4 euros à des familles contre de bons soins.
© Stéphane Dubromel / Reporterre

Contrairement aux idées reçues, il n’y aurait pas toujours une différence notable entre le bio et le conventionnel. « On peut aller sur un élevage bio et retrouver des poules très légères, complètement déplumées », complète Nadège Pauwels.

Changer les mentalités

Les poules sauvées sont rachetées 1 euro aux éleveurs, puis revendues 4 euros à des familles contre de bons soins : il faut avoir un terrain adapté, en adopter au moins deux, et s’assurer que les poules ne finiront pas dans un four avec du thym, du romarin et des petites patates…

Après quoi l’animal peut espérer avoir une fin de vie paisible, et récompenser l’amour de ses hôtes par quelques œufs. Au demeurant, la poule fait figure d’excellente compagnonne. « Certaines personnes nous ont appelés en pleurant quand la poule est morte, explique Nadège Pauwels. Ils avaient emmené leurs poules chez le vétérinaire, ce qui ne se faisait pas avant. Pendant longtemps, on a vu l’animal comme du bétail. Les choses évoluent quand même. »

« La majorité des éleveurs préfère mettre les poules à l’abattoir. Dans les grandes exploitations, le côté humain n’existe pas », se désole Pierre Pauwels.
© Stéphane Dubromel / Reporterre

Preuve en est le succès des opérations de sauvetage. « Quand on met une publication [sur les réseaux sociaux], on peut être complets au bout de deux jours pour un sauvetage de 450 poules », révèle Pierre Pauwels.

Un petit bout de chemin semble avoir également été fait chez les éleveurs : s’ils ne sont pas tous à mettre dans le même panier, certaines prises de conscience ont pu avoir lieu. « La majorité des éleveurs préfère mettre les poules à l’abattoir. Dans les grandes exploitations, le côté humain n’existe pas. »

Sanctuaire pour animaux différents

Parfois, les poules sont trop abîmées pour être adoptées. « Lorsqu’on va chercher les poules, on a une infirmerie avec nous. On garde celles qui sont en trop mauvaise santé », précise Pierre Pauwels. Ainsi, vivent à Mazinghien une poule au bec sectionné, ou une autre, atteinte de troubles neurologiques. Mais on comprend très vite, en arrivant sur les lieux, que l’action des Ch’tites Cocottes ne se limite pas aux volatiles. « Après le lancement de l’association, on a eu très vite des demandes pour d’autres animaux. Alors, on a déménagé ici pour créer notre sanctuaire », se souvient Nadège Pauwels.

Au fond du grand jardin fleurant bon le pétrichor — l’odeur caractéristique de la terre mouillée après une averse —, Michel, agneau fraîchement arrivé, dévore l’herbe tendre avec sa petite bouche. Une malformation des pattes arrières l’empêche de se déplacer correctement.

Rejetés pour leur différence ou violentés, ces animaux ont retrouvé de la dignité et de l’amour dans leur nouvelle maison.
© Stéphane Dubromel / Reporterre

Un vétérinaire arrive pour la petite piqûre du jour : Michel se débat, puis accepte son sort avant de vaquer à ses occupations. « On vient de le récupérer, le propriétaire était parti pour l’euthanasier », révèle Nadège.

Pour se faire des copains, l’agneau aura l’embarras du choix : ici vivent environ quatre-vingts animaux. On y trouve pêle-mêle des chats aveugles, des lapins, des cochons d’Inde, des boucs à trois pattes ou des chèvres au sourire peu commun.

Rejetés pour leur différence ou violentés, ces animaux ont retrouvé de la dignité et de l’amour dans leur nouvelle maison. « Bella [une chèvre] a une malformation, elle vivait dans une ferme éducative où elle se faisait appeler “la moche”. C’est un peu comme un bec-de-lièvre, mais ça fait tout son charme. On a Billy, un petit bouc, il avait 6 mois quand il est arrivé. Il avait peur des bâtons, se sauvait dès qu’on balayait », raconte Pierre.

Animaux médiateurs

Pour financer l’association, les dons constituent une ressource importante, mais non suffisante : il faut nourrir et soigner les bêtes. « Par exemple, un chat a eu besoin d’un scanner, ça nous a coûté 900 euros, c’est un sacré budget. »

L’action des Ch’tites Cocottes ne se limite pas aux volatiles : l’association recueille tous types de petits animaux dans son sanctuaire.
© Stéphane Dubromel / Reporterre

Nadège Pauwels — éducatrice spécialisée de formation — dirige donc des séances de médiation animale, avec quelques-uns de ces animaux atypiques, mais tout aussi attachants que les valides, si ce n’est plus. « Je vais dans les Ehpad, dans les crèches. Ce sont de bons moments où les personnes disent merci, elles peuvent avoir les larmes aux yeux », sourit Nadège Pauwels.

Végane convaincue et amoureuse de longue date des animaux, elle a décidé de s’engager corps et âme. Malgré le challenge financier permanent, malgré la douleur ressentie lorsque les pensionnaires des Ch’tites Cocottes s’en vont vers d’autres cieux.

« Je suis bénévole de l’association, on vit avec un salaire. Beaucoup de personnes qui aiment les animaux disent “On adorerait faire ce que vous faites”, mais c’est un choix de vie. Nous n’avons plus de vacances, plus de week-ends. C’est quelque part se priver pour eux, mais c’est un choix que je ne regrette pas du tout. »




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