Après 38 ans de gestation, la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française est enfin là… et déjà obsolète. Remise entre les mains d’Emmanuel Macron le 14 novembre dernier, saluée pour son travail historique, elle est vivement critiquée par des linguistes qui dénoncent un décalage frappant entre l’usage réel et les choix des « Immortels ».
Rien de nouveau dans le dico. « Il est à peine terminé et il ne sert pas à grand-chose », tranche Médéric Gasquet-Cyrus, linguiste et co-auteur de Va voir dans le dico si j’y suis. Malgré son accessibilité gratuite – grâce à l’argent public –, cet ouvrage pèche par son archaïsme : des mots courants comme « web » et « mail » en sont absents, tandis que des termes dépassés, comme le « franc » toujours décrit comme unité monétaire française, subsistent. Pendant ce temps, des alternatives comme le Wiktionnaire, gratuit et collaboratif, comptent plus de 400 000 entrées et évoluent au rythme du langage.
Le mode de fabrication du dictionnaire est lui aussi sous le feu des critiques. « C’est une poignée de personnes qui se réunissent, qui regardent les fiches faites par les agrégés et qui disent oui ou non », déplore Gasquet-Cyrus auprès de France Info. Les bizarreries s’accumulent : « vibromasseur » est là, mais pas « godemiché », « fellation », mais pas « cunnilingus » et le mot « stylé » conserve une définition des années 1950. France Info rappelle que l’Académie s’était longtemps opposée à la féminisation des noms de métiers, aujourd’hui intégrée du bout des lèvres.
Faut-il continuer à produire un tel dictionnaire ? Selon l’interrogé, l’Académie ferait mieux de se concentrer sur la modernisation des outils d’amélioration de l’orthographe, souvent critiquée pour son incohérence.