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Les talibans et l’épreuve du pouvoir, par Adam Baczko (Le Monde diplomatique, juin 2024)

ByVeritatis

Juin 10, 2024


Mis au ban par les Occidentaux, le régime se radicalise

Kaboul a annoncé fin mars le rétablissement de la lapidation publique pour les femmes adultères. Un recentrage du pouvoir sur sa base militante qu’explique largement le blocage des négociations par Washington. À quelques mois de la présidentielle aux États-Unis, des considérations de politique intérieure préoccupent davantage la Maison Blanche que la défense du droit des Afghanes.

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Manaz Raiszadeh. – « Moi, l’Afghane », 2024

© Manaz Raiszadeh – MostaManaz Art, San Diego

En août 2021, les talibans ont rétabli leur Émirat islamique en Afghani­stan, après avoir obtenu le retrait des forces occidentales et conquis les principales villes du pays. S’ils ont gagné la guerre grâce à une administration parallèle, caractérisée par une justice moins corrompue que celle du régime précédemment soutenu par la coalition occidentale, les institutions rudimentaires qu’ils ont créées ne répondent pas aux besoins d’une population de trente millions d’habitants en pleine croissance démographique et appauvrie par des décennies de conflit armé.

Avant leur accession à la tête de l’État, les talibans pouvaient se concentrer sur les questions de justice. Dans ce domaine, se contenter de faire mieux que les gouvernements de M. Hamid Karzaï, puis de M. Ashraf Ghani, dont l’incurie était manifeste, garantissait l’assentiment populaire. Mais la stratégie insurrectionnelle qui consistait à laisser de côté les nombreux problèmes politiques, sociaux et économiques auxquels ils n’avaient pas de réponse ne suffit plus. Désormais, les Afghans ne sollicitent pas uniquement les responsables du mouvement pour résoudre des conflits fonciers, dénoncer des vols ou des meurtres, ils les interpellent également pour subvenir à leurs besoins fondamentaux : nourrir leurs familles, scolariser leurs enfants, obtenir des soins médicaux ou trouver un emploi. Autant de dossiers que les dirigeants afghans avaient jusque-là délaissés. Il leur faut donc une nouvelle donne. Et ce d’autant plus qu’ils ne contrôlent plus uniquement les zones rurales, où leur idéologie conservatrice et patriarcale trouvait un écho favorable, mais également les espaces urbains et la région chiite du Hazarajat, particulièrement opposés à leur retour au pouvoir.

Or les talibans installent leur nouveau régime dans un pays exsangue après quarante-trois années de guerre et deux décennies de gouvernements népotiques et corrompus. L’intervention internationale la plus importante de l’histoire n’a produit que peu d’infrastructures, les trois (…)

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Adam Baczko

Chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS-CERI), auteur de La Guerre par le droit. Les tribunaux taliban en Afghanistan (CNRS Éditions, 2024), dont ce texte est extrait et adapté.



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