• jeu. Juin 8th, 2023

la victoire des écolos à l’Assemblée


7 avril 2023 à 09h35
Mis à jour le 8 avril 2023 à 08h54

Durée de lecture : 5 minutes

Politique
Climat

Avoir la main sur l’ordre du jour ne suffit pas toujours. Le 6 avril, profitant de leur « niche parlementaire », les députés écologistes devaient soumettre au vote de l’Assemblée nationale cinq propositions de loi. Face au manque de temps et à une majorité présidentielle réfractaire au compromis, presque toutes sont passées à l’as. L’alternative végétarienne quotidienne dans les cantines ? Rejetée. L’interdiction des jets privés ? Passée à l’as, l’heure tournant. L’interdiction de la chasse le dimanche et l’ouverture du RSA aux moins de 25 ans n’ont même pas pu être étudiées. Une proposition a tout de même emporté l’adhésion des parlementaires — sauf ceux de la majorité.

Porté par la députée de Paris, Sandrine Rousseau, le texte soutenant une meilleure indemnisation des dégâts sur les maisons fissurées a été adopté en première lecture. « Alors que le vent du réchauffement climatique éloigne les nuages chargés de pluie, le sol se dessèche et dessus, les maisons souffrent, a-t-elle déclaré à la tribune. Les habitants décrivent des bruits impressionnants de cassures la nuit. Certaines se coupent littéralement en deux. »

« Broyés par les procédures administratives »

Parmi les 19,4 millions de maisons recensées en France, 10,5 millions sont en effet exposées au risque argileux, d’après le ministère de la Transition écologique. Que cela signifie-t-il ? En cas de forte pluviométrie, les argiles sur lesquelles sont bâties les maisons gonflent sous l’effet de l’accumulation d’eau. À l’inverse, lorsque frappe la sécheresse, celles-ci se rétractent. On appelle ce phénomène le retrait-gonflement des argiles (RGA), susceptible de faire varier l’amplitude de leur volume de -10 à +10 %.

Exacerbés par le réchauffement climatique, ces mouvements de sols fragilisent les bâtisses aux fondations peu profondes et occasionnent des fissures sur les murs. L’heure est alors à la bataille administrative pour obtenir réparation. Le circuit classique commence dans les mairies. Les édiles recensent les phénomènes de RGA et déposent un dossier auprès de la préfecture. Dès lors, une commission interministérielle choisit de reconnaître ou non l’état de catastrophe naturelle, dit « Cat Nat », sur les communes concernées. Si tel est le cas, le propriétaire doit encore prouver à l’assureur que le RGA est bel et bien le facteur principal du dommage. Or, seul un sur deux y parvient, d’après la rapporteuse écologiste, les autres étant « broyés par les procédures administratives qu’ils ne maîtrisent pas ».

Alors qu’entend bouleverser la proposition d’Europe Écologie-Les Verts ? En modifiant le code des assurances, ce texte va déjà élargir et faciliter les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe. Chaque année, la commission interministérielle rejette près de la moitié des requêtes. Désormais, celles-ci seront automatiquement validées dès lors que l’année considérée est l’une des cinq (et non deux, comme actuellement) plus sèches depuis cinquante ans. La durée de ces arrêtés sera par ailleurs étendue à un an fixe, « les fissures pouvant apparaître plusieurs mois après l’épisode de sécheresse », a justifié Sandrine Rousseau.

En outre, une présomption d’origine du dommage sera instaurée : autrement dit, dès lors qu’une reconnaissance sera décrétée sur la commune, ce sera désormais à l’assurance de prouver que les dommages ne proviennent pas de la sécheresse… et non l’inverse, comme actuellement. Deux labels seront enfin créés pour garantir « que les experts et les entreprises chargées des travaux de remise en état du bâti ont bien suivi une formation spécifique relative aux risques de RGA », a conclu la députée de Paris.

115 voix « pour », 9 « contre »

Porte-voix désigné du gouvernement, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, ne partage pas les critiques formulées à l’encontre du régime de « Cat Nat » : « Il est l’un des plus généreux et protecteur au monde et peut être considéré comme une fierté nationale, un modèle pour la résilience de notre société face aux conséquences du changement climatique. » S’il reconnaît qu’il demeure « perfectible », il assure « deux décrets d’application en Conseil d’État sont en ce moment en préparation » pour réviser les critères de reconnaissance. Traduction : on s’en occupe, laissez-nous travailler.

« En définitive, le seul argument du gouvernement et du groupe Renaissance, c’est que cela va coûter trop cher aux assureurs et à l’État », a dénoncé la députée écologiste, Éva Sas. « Où que nous soyons, nous rencontrons des gens qui souffrent de ces phénomènes et qui se retrouvent sans solution, parfois avec des maisons en ruine, a alors enchéri le député Les Républicains, Pierre Vatin. Bien entendu, notre groupe votera cette proposition de loi. »

Au bout du suspens, le texte a finalement convaincu tous les partis de l’hémicycle, excepté les députés de la majorité. Il a été adopté avec 115 voix, contre 9 et doit désormais être examiné au Sénat.

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