28 janvier 2025 à 15h11
Mis à jour le 28 janvier 2025 à 17h37
Durée de lecture : 4 minutes
Lyon, correspondance
Il n’y a pas qu’aux États-Unis qu’Elon Musk fascine les décideurs politiques. Il y a plus de dix ans, le patron de Tesla avait charmé des pouvoirs publics du monde entier en présentant un prétendu « train du futur ». Nommé « Hyperloop », ce système prévoyait de propulser des capsules à 1 200 km/h dans des tubes à basse pression. Un concept pour lequel le magnat de la tech n’a jamais déposé de brevet, préférant inciter d’autres entreprises à essuyer les plâtres.
Ce rêve américain a su séduire plusieurs collectivités françaises. Ingénieurs et politiciens s’imaginaient ainsi relier Lyon à Saint-Étienne en huit minutes et Paris à Limoges en moins d’une demi-heure.
Trois projets en France
En 2017, l’État et Toulouse Métropole avaient mis l’ancienne base militaire de Francazal à disposition de la société étasunienne Hyperloop Transportation Technologies pour y implanter un centre de recherche et de développement, avec la promesse de relier Toulouse à Montpellier en 24 minutes. 15 millions de crédit d’impôt recherche y ont été engagés et la région Occitanie a promis 450 000 euros de subventions.
En Haute-Vienne, le village de Droux a accueilli en 2018 le site expérimental de la startup canadienne TransPod. Celle-ci a bénéficié de l’appui du conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine qui lui a accordé deux millions d’euros du Fonds européen de développement régional. Quant à la région Auvergne-Rhône-Alpes, elle a consacré un groupe de travail au train subsonique et la SNCF a participé à une levée de fonds d’un montant total de 80 millions, sans jamais révéler la somme qu’elle a investie.
Mais le « train du futur » s’est révélé un gouffre financier n’aboutissant qu’à des technologies inadaptées. Ses tubes requièrent une infrastructure linéaire pour conserver la vitesse promise. Ce qui impose d’artificialiser un tracé équivalent à une autoroute sur des centaines de kilomètres et à creuser des passages dans les zones dénivelées. Un fonctionnement plus adapté aux grands espaces américains qu’aux vallons entre Saint-Étienne et Lyon. Le maintien sous vide de ses tubes nécessite également une énergie considérable.
« Non seulement c’est un désastre environnemental, mais cette organisation de l’espace qui relie les métropoles les unes aux autres participe à la désertification des villes moyennes et des campagnes », fustige Jean-Louis Pagès, conseiller régional écologiste de Nouvelle-Aquitaine. La vitesse promise génère aussi des problèmes de confort et surtout de sécurité en cas de dépressurisation.
Des travaux abandonnés ou toujours pas entamés
Près de Toulouse, le bail accordé sur le site de Francazal a été résilié en 2021, et seuls 89 000 euros de subventions ont été versés par la région Occitanie. À Droux, la piste d’essai qui devait être livrée en 2019 a essuyé plusieurs années de retard et a été réduite à 1 km, au lieu des 3 km annoncés initialement. Ses travaux auraient dû débuter « en janvier 2024 », promettait son dirigeant Sébastien Gendron. En janvier 2025, les travaux n’avaient toujours pas commencé, a déclaré la mairie de Droux, contactée par Reporterre.
Malgré une décennie de recherche et des millions d’euros d’investissements dont de l’argent public, l’Hyperloop reste encore aujourd’hui un fantasme. Et pour cause : selon Ashlee Vance, le biographe d’Elon Musk, le « train du futur » n’a jamais été pensé pour arriver à quai. Son véritable objectif était de saborder le projet du California High-Speed Rail (CAHSR), un train à grande vitesse californien.
« Il n’avait pas l’intention de le construire »
Ce que lui aurait confié le technofasciste lors d’une série d’emails et d’appels téléphonique précédant la présentation de l’Hyperloop en 2013 : « Musk m’a expliqué que l’idée est née de sa haine pour le projet de train à grande vitesse californien, a écrit Ashlee Vance dans le livre Elon Musk : Tesla, SpaceX, and the Quest for a Fantastic Future (2015). À l’époque, il apparaissait que Musk avait présenté la proposition Hyperloop dans le seul but d’inciter le public et les législateurs à remettre en question le train à grande vitesse. Il n’avait pas l’intention de le construire. »
Aujourd’hui encore, les travaux du TGV californien sont menacés par l’homme le plus riche du monde. Désormais à la tête du ministère de l’Efficacité gouvernementale (Doge), il prévoit des coupes budgétaires massives. Le compte X du Doge a déjà dressé un constat sec du projet ferroviaire californien : « Aucun passager n’a été transporté et la majorité [du CAHSR] n’a même pas été entièrement conçue. » Un point commun avec l’Hyperloop.
legende