Un journalisme de guerre froide, par Serge Halimi & Pierre Rimbert (Le Monde diplomatique, février 2025)


JPEG - 58.4 ko

Eduardo Arroyo. – « J’avoue », 2009

© ADAGP, Paris, 2025 – Photographie : Adam Rzepka – Galerie Louis Carré & Cie, Paris

Dans l’ombre, ils influencent les esprits, infiltrent les services secrets, inspirent les décideurs européens. Ils manipulent les réseaux sociaux, propagent le mensonge, propulsent des inconnus à la magistrature suprême. Ils sèment la discorde, empoisonnent des innocents, sabotent des installations. Et ils sont partout : à la tête des médias, dans les corridors de Buckingham Palace, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche. Qui sait, dans ces colonnes aussi ? Les Illuminati ? Non, plus fort encore : les espions russes ! Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, des centaines d’articles, des documentaires, des émissions de radio et de télévision, et déjà près d’une dizaine d’ouvrages, alertent en France sur la puissance des agents de renseignement du Kremlin, si infaillibles qu’ils furent incapables de prévoir la déroute de l’Armée rouge en Afghanistan, la fin de l’Union soviétique, la résistance ukrainienne à l’invasion russe.

L’hiver a démarré en fanfare. Le 19 décembre dernier, un dossier de vingt-quatre pages dans L’Express claironne : « Les espions russes au cœur de l’Élysée. Du général de Gaulle à Emmanuel Macron, nos révélations ». Quelques jours plus tard, Le Monde publie une série de cinq fois deux pages, « Guerre froide : au temps des “taupes” du KGB ». L’un et l’autre dressent leur liste de suspects de collaboration active ou passive avec Moscou : les sommités socialistes Charles Hernu et Claude Estier, André Fontaine, ancien directeur du Monde, Claude Julien, ancien directeur du Monde diplomatique, des ministres centristes comme Pierre Sudreau ou radicaux comme Pierre Cot, un dirigeant de l’Agence France-Presse (AFP), un ancien présentateur du journal télévisé, un député gaulliste, le conseiller diplomatique de de Gaulle dans les années 1960, etc. Le paysage d’une France gangrenée depuis des décennies par les sbires du Kremlin se découvre sous nos yeux.

Dans la plupart des cas, les enquêtes insinuent sans prouver. Éric Rouleau est soupçonné d’avoir été (…)

Taille de l’article complet : 1 960 mots.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *