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Comment la surveillance d’État fut combattue, par Félix Tréguer (Le Monde diplomatique, juin 2024)

ByVeritatis

Juin 17, 2024


Le renseignement américain, les Black Panthers et la Nouvelle Gauche

Les poursuites judiciaires récurrentes engagées en France contre les mouvements sociaux reposent bien souvent sur l’activité de services de renseignement. Au tournant des années 1960, la surveillance policière de la Nouvelle Gauche faisait aux États-Unis l’objet d’une vive contestation qui obtint des résultats appréciables. Depuis, cet enjeu a été largement dépolitisé.

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Faith Ringgold. – « People’s Flag Show » (L’exposition du drapeau du peuple), 1970

© ADAGP, Paris, 2024 – Faith Ringgold / Artists Rights Society (ARS), New York

En ce 29 septembre 1968, à deux pas du campus de l’université du Michigan dans la petite ville d’Ann Arbor, une détonation déchire le silence de la nuit. Cinq bâtons de dynamite viennent de pulvériser le centre de recrutement clandestin de la toute-puissante Central Intelligence Agency (CIA). Quinze jours plus tard, c’est au tour du bâtiment de l’Institut des sciences et des technologies d’être visé.

La police fait alors rapidement le lien entre les deux événements : l’institut est connu pour ses activités classées secret-défense et met au point des capteurs infrarouges utilisés par l’armée américaine pour traquer les guérilleros au Vietnam ou en Amérique latine. Les responsables ? « Des militants anti-establishment », assure alors le chef de la police locale.

Voisine de Detroit, grande ville industrielle du Michigan, Ann Arbor est alors l’un des principaux foyers de contre-culture aux États-Unis. C’est là qu’en 1962 M. Tom Hayden, alors étudiant à l’université, rédige le manifeste fondateur du Students for a Democratic Society (Étudiants pour une société démocratique, SDS), l’organisation-phare de la Nouvelle Gauche, mouvance hétéroclite érigée contre l’ordre capitaliste, raciste et autoritaire qu’incarnent les États-Unis aux yeux d’une grande partie de la jeunesse. Au printemps 1968, après l’assassinat du pasteur Martin Luther King et d’un jeune dirigeant des Black Panthers, Bobby Hutton, le SDS devient un soutien actif du Black Panthers Party (BPP), assumant sans fard sa visée révolutionnaire. Le SDS comptera en 1969 près de cent mille membres. M. Bill Ayers, une autre figure de proue de l’organisation à Ann Arbor, se remémore : « Certains d’entre nous militaient dans les quartiers pauvres et ouvriers, d’autres mettaient sur pied des contre-institutions (écoles, cliniques, coopératives de travail)… d’autres encore se battaient pour l’inscription libre et gratuite des étudiants noirs. »

Pour les élites dirigeantes, après le conformisme et le verrouillage idéologique (…)

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Félix Tréguer

Chercheur, membre de La Quadrature du Net. Auteur de Contre-histoire d’Internet. Du XVe siècle à nos jours, Agone, Marseille, 2023.



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