• lun. Sep 23rd, 2024

Avec le RN au pouvoir, la fin de l’activisme écolo ?


L’arrivée du Rassemblement national (RN) à Matignon musellerait-elle l’activisme écologique ? C’est ce que craignent de nombreuses associations environnementales, à une poignée de jours des élections législatives anticipées. La France est aujourd’hui « le pire pays d’Europe » en matière de répression des militants environnementaux, selon le rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations unies, Michel Forst. Une majorité d’extrême droite à l’Assemblée nationale pourrait empirer la situation, estiment plusieurs militants.

France Nature Environnement (FNE), qui fédère plus de 6 000 associations de protection de la nature à travers le territoire, a exprimé ces inquiétudes sans ambages dans une motion adoptée le 15 juin. L’accession au pouvoir du parti fondé par Jean-Marie Le Pen et le Waffen-SS Pierre Bousquet mettrait « notre modèle démocratique et notre capacité à réussir la transition écologique en jeu », écrivent les membres de son bureau.

Cette prise de position relevait de l’évidence pour la structure, explique son vice-président, Arnaud Schwartz : « On rencontre des difficultés partout où il y a des élus d’extrême droite en place, à tous les échelons territoriaux. Ils nous qualifient de manière irrespectueuse, nous interdisent de nous réunir, d’accéder à des locaux, d’être aidés par des fonds publics pour les missions d’intérêt général que l’on réalise… » L’accession au pouvoir du parti de Jordan Bardella constituerait selon lui un « danger » pour les associations écologistes, et plus globalement « toutes celles qui tentent de faire progresser nos sociétés ».

Une « attaque frontale » aux subventions

Il en veut pour preuve les prises de position des élus RN au cours de la précédente législature. À l’automne 2023, lors de l’examen du projet de loi de finances, des députés du parti d’extrême droite avaient proposé de « supprimer l’aide budgétaire » accordée à France Nature Environnement et deux autres associations reconnues, Les Amis de la Terre et le Réseau Action Climat (RAC). La raison évoquée ? L’opposition de ces associations à l’énergie nucléaire, ainsi que leur défense des actions de désobéissance civile.

« C’était une attaque frontale », se souvient Anne Bringault, directrice des programmes du RAC. L’experte des politiques de transition énergétique juge « effrayante » l’idée de priver de subventions les associations qui expriment un avis différent de celui du pouvoir. « Le Réseau Action Climat a souvent eu des désaccords avec des gouvernements. Mais jusqu’à présent, nous n’avions jamais été menacés parce que nous n’étions pas d’accord. Le rôle des subventions, c’est justement de permettre à la société civile de s’exprimer, et d’émettre parfois des avis divergents. » Refuser le pluralisme, « c’est une drôle de conception de la démocratie », pointe-t-elle.

« En tant que militant de la cause écologiste, on ne peut que se sentir mis en danger »

À la même période, le RN a ciblé les lanceurs d’alerte, en proposant (aux côtés de membres de la majorité et des Républicains) de priver de leurs avantages fiscaux les associations dont des membres s’introduisent sur le domicile d’agriculteurs ou filment des exploitations sans consentement (comme par exemple L214). Si cet amendement avait été adopté, elles n’auraient plus pu délivrer de reçus fiscaux, et ainsi faire bénéficier leurs donateurs de réduction d’impôts.

Le député RN de la quatrième circonscription de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, avait suggéré d’étendre cette mesure aux associations « dont les adhérents sont reconnus coupables d’actes d’intrusion ou de dégradations sur les installations nucléaires », à l’instar de militants de Greenpeace. « Nous sommes financés à 100 % par des dons de particuliers, réagit Hélène Bourges, responsable de la campagne énergies fossiles et climat chez Greenpeace. Ça aurait porté un coup très fort à notre capacité d’action. »

« Écolos dingos », « mouvance rétrograde »…

Hors des murs de l’Assemblée, les déclarations des représentants du RN font craindre un renforcement de la criminalisation du mouvement écolo, « qu’ils assimilent à de la délinquance », analyse Chloé Gerbier, juriste et cofondatrice du collectif Terres de luttes. En mars 2023, le président du groupe, Jordan Bardella, avait applaudi la dissolution des Soulèvements de la Terre, mouvement qu’il définit comme « écoterroriste » — une expression sans fondement juridique ni sémantique, dont la finalité semble être de justifier la mise en place d’une guerre de basse intensité contre les militants environnementaux.

Comme Marine Le Pen en son temps, Jordan Bardella use volontiers de termes caricaturaux et injurieux pour décrire les activistes, participant ainsi à leur diabolisation. La première qualifiait les zadistes de Notre-Dame-des-Landes de « crasseux » marginaux, et les écolos d’« idéologues anti-tout » ; son héritier parle des Soulèvements de la Terre comme une « mouvance rétrograde et décroissante »« adepte des sabotages, des destructions et des violences anti-flics ».

Près de 60 opposants à Green Dock ont été, après avoir été gazés, forcés de s’allonger par terre les mains dans le dos par la police avant d’être arrêtés.
© Nnoman Cadoret / Reporterre

Le reste du groupe n’est pas en reste. En 2023, Laurent Jacobelli, député sortant de la huitième circonscription de Moselle — récemment mis en examen pour « injures et diffamation envers un membre du Parlement » —, se moquait des « écolos dingos », des « agités », et ressuscitait le cliché des « Khmers verts » en évoquant des « milices vertes ».

Cette vision des militants pourrait-elle avoir des répercussions sur leur traitement judiciaire et policier ? Dans son livret « Sécurité », le parti d’extrême droite pourfend les adaptations de peine, les travaux d’intérêt général et les amendes. Or, ces sanctions sont souvent prononcées à l’encontre des personnes menant des actions de désobéissance civile, signale Chloé Gerbier. « Le RN veut faire sauter cette case pour aller directement vers des peines d’emprisonnement courtes », explique la juriste.

Surveillance, répression par la force

Les velléités de « renforcement de l’appareil de renseignement national » l’inquiètent tout autant. Des dispositifs de surveillance massifs ont déjà été utilisés, sous le gouvernement Macron, contre les opposants aux mégabassines et les militants antinucléaires de Bure (entre autres). « Ça pourrait s’aggraver », pense-t-elle.

Le RN défend également la mise en place d’une « présomption de légitime défense » pour les policiers. Cette mesure pourrait les mener à se sentir « davantage légitimés à utiliser leurs armes », explique la politiste Vanessa Codaccioni dans les colonnes du Monde. « C’est monstrueux ce que ça peut permettre, en termes de répression physique », juge Chloé Gerbier.

Cette disposition inquiète d’autant plus que la violence des forces de l’État à l’encontre des militants est déjà « hors catégorie », selon le rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations unies. La répression d’une marche contre l’autoroute A69, le 8 juin dernier, a fait une vingtaine de victimes légères et trois blessés graves — un gendarme et un policier ont également été touchés par un cocktail Molotov et un tir de mortier, d’après la préfecture du Tarn. 150 blessures avaient également été recensées suite à la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline, en mars 2023 (au cours de laquelle 47 gendarmes ont été blessés, selon les autorités).

« En tant que militant de la cause écologiste — ou de n’importe quelle autre cause —, on ne peut que se sentir mis en danger par l’arrivée de ces personnes au pouvoir », confie Hélène Bourges. « Il y a une tendance autoritaire chez le RN qui est encore plus marquée que celle que l’on connaît avec la macronie », abonde Swann Bommier, responsable de plaidoyer au sein de l’association de défense des océans Bloom. Selon le docteur en sciences politiques, il n’y a « aucune surprise » à attendre d’un gouvernement RN : « Ce sera un gouvernement contre les minorités, contre les droits des femmes, contre l’environnement, contre les libertés, et pour le capitalisme le plus violent. »





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