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Edouard Philippe : la girouette en costard qui veut toujours plus de mousse au chocolat

ByVeritatis

Juin 22, 2024


PORTRAIT CRACHE – De l’École nationale d’administration (ENA) à l’Hôtel de Matignon, en passant par le lobby nucléaire, le parcours d’Édouard Philippe est aussi changeant que celui d’une girouette dans le vent. Du scandale de la mousse au chocolat aux controverses financières, le potentiel successeur de Macron à l’Élysée et relais de la Macronie n’a jamais été avare en polémiques. De parti en parti, son parcours est jalonné de fidélités bien fluctuantes comme d’ambitions persistantes.   

Édouard Philippe passe son baccalauréat en 1988 à Bonn. Pendant ses études à la section Service public de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), il est militant au sein du Parti socialiste pour soutenir Michel Rocard mais finit par rendre sa carte pour se rapprocher de la droite. Il obtient son diplôme en 1992 et effectue son service militaire comme officier d’artillerie, avec le grade d’aspirant. Il rejoint en 1995 l’École nationale d’administration (ENA) et en sort diplômé en 1997.  

Comme ses jeunes prédécesseurs à Matignon avant lui, il rejoint, à sa sortie de l’ENA la même année, le Conseil d’état où il est nommé comme spécialiste dans le droit des marchés publics. Sa carrière politique débute au Rassemblement pour la République (RPR), co-fondé 25 ans plus tôt par Jacques Chirac et dissous un an plus tard. Edouard Philippe rejoint l’équipe municipale du maire du Havre, Antoine Rufenacht, dont il est l’adjoint chargé des affaires juridiques. Il se porte candidat aux élections législatives dans la 8e circonscription de la Seine-Maritime mais ne parvient pas à se faire élire, malgré 42,5% des voix. Cette même année-là de 2002, Alain Juppé, ancien président du RPR, lui propose de prendre part à la fondation de l’UMP (Union pour un mouvement populaire), rassemblant plusieurs partis de droite.  

Une taupe atomique au Parlement 

Edouard Philippe y est directeur général des services jusqu’à la démission de Juppé, en 2004. L’énarque fait son retour à la politique élective et ne cesse, à partir de cette année-là, de cumuler les mandats, tout aussi bien dans la fonction publique que dans le privé. Le voici alors conseiller régional de la Haute-Normandie et devient, par la même occasion, avocat au sein du cabinet Debevoise & Plimpton. En 2007, outre ces deux postes, il se voit offrir le poste de directeur des affaires publiques dans la multinationale française Areva. 

La même année, il est également le suppléant de Jean-Yves Besselat, député de la circonscription de la Seine-Maritime dans laquelle il n’a pas réussi cinq ans auparavant à se faire élire. Son activité principale n’est autre que “de s’assurer de la collaboration de parlementaires tout acquis au lobby de l’atome”. Une tâche indélébile sur son CV.  

En 2008, il n’est plus conseiller régional de Normandie et quitte le puissant cabinet américain. Il est toujours suppléant au Parlement et se fait élire, en 2010, maire du Havre. Il succède à Antoine Rufenacht, celui-là même dont il était adjoint en 2001. Edouard Philippe est dans la foulée président de la communauté de l’agglomération havraise et reprend le cumul des postes, exerçant comme avocat jusqu’à 2012. La première controverse était aussi douce qu’amère : le maire jette plus de 8 000 portions de mousse au chocolat destinées aux cantines scolaires, en raison de la présence de gélatine de porc dans sa composition, dont la consommation est interdite dans plusieurs religions.  

La même année, il devient député suite au décès de Besselat mais Edouard Philippe ne siège pas. Les travaux de l’Assemblée sont suspendus en raison de la campagne présidentielle de 2012. Il se fait quand même élire lors des législatives qui suivent mais demeure aussi peu actif que présent dans l’hémicycle.  

Mais pourquoi donc a-t-il quitté Areva ? Peut-être pour protéger cette belle gamelle que le cumul de mandats lui génère  ? 
Young Leader, membre de la French-American Foundation mais aussi de la France China Foundation, figure en 2014 parmi les parlementaires à s’opposer aux lois sur la transparence de la vie publique, adoptées suite à l’affaire Cahuzac. Avec 22 autres députés et sénateurs il est épinglé par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour des déclarations de patrimoine aux “manquements d’une certaine gravité”.  

Edouard Philippe dit n’avoir “aucune idée” de la valeur de ses biens immobiliers et ne renseigne pas le montant, ni de ses rémunérations d’avocat ni de ses émoluments chez Areva. Cela lui vaudra un blâme. Il est quand même réélu en 2014 maire avec 52% des suffrages et qui plus est, président de la communauté de l’agglomération havraise.  

Lobbyiste un jour, lobbyiste toujours ?  

Chemin faisant, il fait de plus en plus parler de lui. Prenant la parole à point nommé, il s’oppose à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 et à la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016. Il est étiqueté “anti-écologiste” et, outre son passage chez Areva, son soutien, révélé en 2020, au maintien d’une centrale à charbon au Havre renforce cette réputation… qui lui vaudra des soupçons de favoritisme dans le cadre d’un appel d’offres de chauffage urbain.  

Déjà convié aux réunions du groupe Bilderberg, Edouard Philippe, girouette politique, devient, à partir de 2016, porte-parole d’Alain Juppé pour la primaire des Républicains de 2016 mais finit par soutenir François Fillon. Ce dernier est vite embourbé dans une affaire d’emplois fictifs et le maire du Havre quitte la campagne mais la commente comme chroniqueur pour Libération, tout est bon.  

Si son patrimoine se porte bien compte tenu des emplois cumulés, la caisse de la mairie du Havre s’amincit. La chambre régionale des comptes de Normandie évoque un endettement de plus en plus lourd, conséquence d’une gestion “proche du seuil d’alerte”. Les élections de 2017 approchent et le Républicain se montre très hostile face au candidat Macron, qu’il a côtoyé comme Young Leader de la France China Foundation. L’ancien avocat chez Debevoise & Plimpton et lobbyiste chez Areva critique “l’ancien banquier de chez Rothschild”, “qui n’assume rien mais promet tout”.  

Est-ce si grave ? Le candidat est élu président et nomme Edouard Philippe au poste de Premier ministre… une certaine forme d’humiliation comme pour d’autres ministres en vue. Macron est devenu maître dans l’emploi de ceux qui l’ont le plus critiqué ouvertement. Cette fois-ci, ce sont les Républicains qui froncent les sourcils et actent le départ, de facto, du maire du Havre. Il quitte cette fonction en 2017 mais restera conseiller municipal. Non sans amertume, lui qui s’était opposé à la loi sur le non-cumul des mandats.  

A Matignon, la relation mi-figue mi-raisin entre l’ex-lobbyiste et l’ancien banquier en dit long sur leurs désaccords, mais aussi sur leurs accords et ceci laisse entrevoir chez beaucoup cette possibilité pour Edouard Philippe de remplacer Emmanuel Macron en fin de mandats (WEF très compatible). Durant ses premiers mois, les deux hommes souhaitent inscrire l’état d’urgence dans le droit commun et tentent de profiter de chaque crise, sociale ou sanitaire, pour le faire. 

Les premiers désaccords surviennent avec le mouvement des Gilets jaunes en 2018, lorsque le Premier ministre annonce un moratoire de six mois sur la hausse des taxes. Mais l’Elysée le reprend dès le lendemain et annule la mesure pour l’ensemble de l’année 2019.  

Bien avant une Elisabeth Borne qui raffole des passages en force, Edouard Philippe recourt à l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter la réforme des retraites. La pandémie de COVID-19 met un coup d’arrêt à la procédure. Accompagné par Olivier Véran, le chef du gouvernement multiplie alors les voltes-faces, accentuant les tensions avec le Young Leader de président.  

De retour à son Havre … de magouilles, pour perdurer la Macronie ? 

Port du masque “inutile”, confinement, déconfinement … les deux hommes ne s’entendent plus et la gestion de Philippe lui vaut une poursuite par la Cour de justice de la République (CJR) pour “abstention de combattre un sinistre” aux côtés d’Olivier Véran, ministre de la Santé et son prédécesseur, Agnès Buzyn. Des perquisitions sont menées à leur domicile et Édouard Philippe devient le quatrième Premier ministre de la Ve République à être mis en cause devant la Cour de justice de la République après Laurent Fabius, Édith Cresson et Dominique de Villepin. 

Il démissionne en juillet 2020 et cède Matignon à Jean Castex. Il récupère immédiatement son poste de maire du Havre. Cette fois-ci, Edouard Philippe ne rejoint aucun autre parti et fait son retour sur le devant de la scène en fondant Horizons. Il exprime son soutien à Macron, et sa manœuvre le place parmi les candidats potentiels pour la présidentielle de 2027.  

Mais en attendant 2027, les scandales dans la gestion de la mairie le rattrapent. En avril 2024, le Parquet national financier (PNF) ouvre une enquête préliminaire contre lui pour prise illégale d’intérêt. Quelques mois plus tôt, il est accusé de détournements de biens, de favoritisme et d’harcèlement moral.  

C’est l’ancienne directrice générale adjointe de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole qui porte plainte contre lui en septembre 2023. Elle dénonce un contournement des règles de passation des marchés publics lors de la signature en juillet 2020 d’une convention d’objectifs pluriannuels pour l’exploitation et l’animation de la Cité numérique. La plainte cible aussi Stéphanie de Bazelaire, adjointe d’Edouard Philippe et chargée de l’innovation et du numérique et conseillère communautaire, ainsi que la directrice générale des services de la communauté urbaine, Claire-Sophie Tasias. 

Des perquisitions sont menées dans les locaux de la mairie ainsi qu’au siège de la communauté urbaine. Ironie du sort, la plainte de son ancienne directrice générale adjointe intervient au moment où il se montrait opposé à la limitation du non-cumul des mandats ou surtout à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, qui “affaiblit le pouvoir exécutif” et “limite [sa] capacité à faire venir au gouvernement et aux cabinets des gens qui ont l’expérience du privé”. C’est tout ?  

Si ses désaccords avec Emmanuel Macron sont nombreux, Edouard Philippe est tout de même perçu comme son successeur à l’Elysée. Pour le moment, Marine Le Pen devance les candidats potentiels de la majorité, selon de récents sondages. Logique ? Peut-être. Après dix ans de Macronie, les Français seront-il tentés d’élire une girouette politique opposée à la transparence, associé à la réforme des retraites et à l’inscription de l’état d’urgence dans le droit commun… rien n’est moins sûr, par les temps qui courent. Son changement physique aidant le chaland à oublier les turpitudes du passé. 





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