• ven. Sep 20th, 2024

Les feux de forêt extrêmes ont doublé depuis 20 ans


Seules quelques silhouettes se déchirent au cœur des tourbillons de fumée impénétrable. Les casques couverts de suie, 1 150 pompiers affrontent jour et nuit le plus grand incendie qu’ait subi la Californie cette année. Inarrêtables depuis la mi-juin, les flammes ont réduit en cendres plus de 6 000 hectares de broussailles et de prairies. Et ce feu, baptisé « Post Fire », résonne déjà comme le prélude d’une saison à haut risque.

Qualifier les incendies de forêt de « plus en plus dangereux » pourrait paraître comme une évidence. Pourtant, jusqu’à présent, aucune preuve statistique ne le démontrait. Le 24 juin, trois scientifiques de l’Université de Tasmanie (Australie) ont publié leurs travaux dans la revue Nature Ecology & Evolution. En deux décennies, les feux extrêmes auraient plus que doublé, à en croire leur analyse des données satellitaires de la Nasa.

Plus précisément, entre janvier 2003 et novembre 2023, la fréquence des incendies énergétiquement extrêmes a bondi de 120 %. Et l’évolution de leur ampleur suit la même courbe : « En sélectionnant les vingt événements les plus extrêmes de chaque année, on s’aperçoit que la puissance radiative du feu a aussi été multipliée par 2,3 », détaillent les auteurs.

Lire aussi : « Les mégafeux deviennent de plus en plus intenses, fréquents et redoutables »

Ces tendances semblent par ailleurs s’accélérer au fil du temps. Les six années les plus extrêmes, en termes de fréquence comme de magnitude, se sont toutes produites depuis 2017. Entrée dans les annales pour avoir décroché le triste record de température planétaire la plus élevée, 2023 peut ajouter à son palmarès celui des plus grandes intensités de feux de forêt jamais enregistrées.

Au-delà des chiffres, Calum Cunningham, Grant Williamson et David Bowman insistent sur les répercussions destructrices des 2 913 incendies extrêmes étudiés. En Australie, les feux de brousse des étés noirs, en 2019 et 2020, « ont libéré des quantités extraordinaires d’émissions de carbone et de fumées, tuant 2,8 millions de vertébrés et brûlant l’ensemble de l’aire de répartition géographique de 116 espèces végétales ».

Aux ravages d’écosystèmes s’additionnent les victimes humaines et les dégâts matériels. En 2015, les incendies survenus en Indonésie ont couvert de smog les villes densément peuplées d’Asie du Sud-Est : « Cela a entraîné près de 100 000 décès supplémentaires dus à des problèmes respiratoires liés à la fumée, et des pertes économiques estimées à 16 milliards de dollars américains. »

Le poids disproportionné de l’Afrique

L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies extrêmes a bien failli esquiver les radars. Pour cause, grand nombre d’études ont démontré une diminution de la superficie globale des zones brûlées sur Terre au XXIe siècle. « Cela a conduit les commentateurs politiques à s’interroger sur la réalité de l’aggravation de ces catastrophes », notent les chercheurs.

Alors d’où provient cette apparente contradiction ? En Afrique, une pratique agricole dénommée « culture sur brûlis » consiste notamment à fertiliser les sols en y mettant le feu. Déclenchés volontairement et maîtrisés, ces incendies confèrent au continent un poids disproportionné (67 %) dans la surface planétaire brûlée, et faussent ainsi les calculs, noyant dans la masse la quantité et l’évolution des feux de forêt extrêmes.

Pour contourner ce mirage, Calum Cunningham et ses collègues ont découpé leurs analyses par biomes. Autrement dit, des zones géographiques homogènes soumises à un climat précis. Résultat ? Les forêts tempérées de conifères, notamment dans l’ouest américain, ainsi que la taïga et les forêts boréales d’Amérique du Nord et de Russie, dopent largement l’augmentation des incendies extrêmes à l’échelle planétaire. La fréquence des événements extrêmes dans ces deux biomes ayant respectivement été multipliée par 11,1 et 7,3 en deux décennies.

Un feu de forêt dans la réserve naturelle de Yugansky, en Russie, en 2012.
Wikimedia Commons/CC BYSA 2.0/Tatiana Bulyonkova

À l’inverse, du côté des forêts et broussailles méditerranéennes, des déserts et maquis arides, des prairies et savanes tropicales et subtropicales, les courbes n’affichent pas pareille augmentation exponentielle. Certaines stagnent, d’autres évoluent ou diminuent très légèrement. « Aucune tendance significative n’est apparue dans les autres biomes », confirme l’étude.

De l’Amazonie à l’Australie, en passant par le Canada, le Chili, le Portugal, l’Indonésie, la Sibérie ou encore l’ouest des États-Unis, les saisons destructrices d’incendies frappent toutefois aux quatre coins du globe. De tous les continents, seul l’Antarctique y échappe. Le Néarctique — zone géographique couvrant l’essentiel de l’Amérique du Nord et le Groenland — et l’Océanie sont les régions les plus impactées.

Parmi les mécanismes participant à la multiplication de ces phénomènes extrêmes, les universitaires évoquent l’augmentation de l’aridité des forêts, associée au changement climatique. « [Celle-ci] est à l’origine de plus de la moitié de l’élargissement de l’étendue des incendies de forêt dans l’ouest des États-Unis entre 1979 et 2015. » Et, ajoutent les auteurs, des tendances similaires ont été observées dans le sud-est de l’Australie. Face à cet emballement, le trio scientifique appelle à « s’adapter à ce climat propice aux événements extrêmes ».



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *