• ven. Sep 20th, 2024

Philippe Descola, Claire Nouvian, Malcom Ferdinand… « L’écologie est contre l’extrême droite »


Bloom, Attac, Terres de luttes, Greenpeace France, Philippe Descola, Malcom Ferdinand… Tout le mouvement écologiste s’est retrouvé le 24 juin, à l’invitation de Reporterre, pour manifester que « l’écologie est contre l’extrême droite ». Alors que le Ressemblement national (RN) pourrait sortir vainqueur des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, ils et elles ont appelé à faire barrage à l’extrême droite.

Voici quelques-unes des interventions de cette soirée, que vous pouvez aussi écouter sur une plateforme d’écoute de votre choix et voir en vidéo.

• Claire Nouvian (Bloom) : « La dictature nous pend au nez »

Claire Nouvian, de Bloom.

« Un gouvernement d’extrême droite pire que le gouvernement Macron, ce serait catastrophique. Le sujet est l’effondrement simultané de la démocratie et de l’écologie. Je suis très en colère contre le gouvernement Macron et contre l’ensemble du personnel politique qui gère ses rentes et ses sièges alors qu’il s’agit de démocratie, de libertés et de lutte pour que la planète soit vivable. Nous n’y sommes pas du tout en termes de hauteur de vue, de dignité, de courage. En 2024, alors que le climat s’effondre, que les animaux disparaissent, que la biodiversité est mal en point, nous vivons une situation où ceux qui se battent pour la planète sont traités non plus seulement d’écoterroristes, mais de terroristes ! Et ça pourrait être pire encore avec l’extrême droite [au pouvoir], parce que les garde-fous démocratiques risquent de sauter. Les Soulèvements de la Terre [le fer de lance des contestations écologistes en France] nous donnent un modèle de résistance et de courage dont il faut s’inspirer. Il va falloir être de plus en plus nombreux, car il n’y a que le nombre qui pourra faire reculer la dictature qui nous pend au nez. »

• Victor Vauquois (Terres de luttes) : « Il faut être présents dans les territoires ruraux »

Victor Vauquois, de Terres de luttes.

« La situation est de plus en plus dure dans la ruralité parce que les projets polluants s’y multiplient. Dans ces espaces, l’État et les promoteurs privés considèrent que les terres agricoles et les forêts peuvent être sacrifiées, comme l’État y a déjà sacrifié de nombreux services publics. Le sentiment légitime d’abandon et de mépris qu’éprouvent beaucoup de gens est alimenté par le Rassemblement national [RN]. Aujourd’hui la peur, la honte ont changé de camp. Des camarades n’osent plus parler d’écologie dans les campagnes car ils subissent trop de violence, d’insultes, de diffamation et parfois des menaces physiques. À l’inverse, la parole raciste et xénophobe du RN est de plus en plus décomplexée et libérée. Face à cette situation, il faut résister. Le 7 juillet, le RN ne va pas disparaître. Il faudra revenir dans ces territoires délaissés par la gauche et les écolos. Il faudra faire de l’éducation populaire et se soutenir, construire un front uni. La solution est simple et compliquée à la fois : être présent dans les territoires ruraux pour revenir convaincre et se battre. »

• Jean-François Julliard (Greenpeace France) : « Bardella Premier ministre, c’est la politique du pire »

Jean-François Julliard, de Greenpeace France.

« La première raison qui me fait dire que Jordan Bardella, c’est la politique du pire touche, aux valeurs. Le mouvement écologiste porte des valeurs de solidarité, de dignité humaine, d’ouverture des frontières, d’accueil des uns et des autres. Le RN est à l’opposé de tout ça. Ensuite, le RN n’a aucune compréhension des enjeux environnementaux, étant parfois même dans la négation de leur intensité et de leur amplitude. Quand il n’est pas dans le climatoscepticisme, il n’a aucune vision de la lutte contre le dérèglement climatique. La troisième raison concerne ses mesures. Ses quelques éléments sur les questions écologiques nous feraient retourner des années en arrière. Le RN, c’est davantage de centrales nucléaires avec un déni de la réalité du temps qu’il faut pour les construire, c’est un arrêt total du développement des énergies renouvelables, c’est plus de pesticides et d’investissements dans les énergies fossiles, c’est le retour des néonicotinoïdes, la réautorisation permanente du glyphosate. »

• Juliette Renaud (Les Amis de la Terre) : « Les expériences de gouvernements d’extrême droite dans le monde sont effrayantes »

Juliette Renaud, des Amis de la Terre.

« Mes camarades au Brésil, en Russie, en Hongrie, aux États-Unis ou en Argentine témoignent d’une violence permanente : des discours de haine contre les minorités, la communauté LGBT+, les étrangers, les peuples autochtones. L’extrême droite, ce sont des lois pour réduire nos libertés individuelles et associatives, pour démanteler les législations sociales et environnementales. En Hongrie, le ministère de l’Environnement a été supprimé et les grands médias sont aux mains des amis de [Viktor] Orbán. En France, certains disent que si l’extrême droite gagne, on va rentrer en résistance. Mais il faut avoir l’espace pour résister. Or, l’extrême droite au pouvoir, c’est une plus grande criminalisation et répression des luttes sociales et environnementales. Pour conclure, je citerai un camarade russe : “Je comprends que vous n’aimiez pas l’état actuel des choses, mais laisser l’extrême droite arriver au pouvoir amènerait une situation sans retour en arrière possible. S’il vous plaît, allez voter.” »

• Lou Chesné (Attac) : « L’extrême droite aggraverait les inégalités sociales et climatiques »

Lou Chesné, d’Attac.

« La semaine dernière, les 30 hectares de la forêt de l’île d’Hydra, en Grèce, ont été brûlés. L’incendie a été causé par des tirs d’artifice tirés depuis un yacht. L’équipage est aujourd’hui en procès alors que les riches passagers se sont envolés. Cette histoire illustre le double paradoxe qui lie injustice sociale et injustice climatique. Ceux qui sont le plus responsables de l’aggravation du changement climatique sont ceux qui en subiront le moins les conséquences. Et ce sont ceux qui en ont le plus les moyens qui contribuent proportionnellement le moins financièrement à la transition écologique. Attac porte des mesures pour réduire ces injustices : limiter l’impact environnemental des ultrariches et des multinationales en interdisant leurs activités climaticides. Il faut réorienter notre fiscalité pour que les riches et les multinationales contribuent aux efforts financiers de la transition écologique. Et enfin, il faut renforcer nos services publics. Mais le programme raciste et libéral de l’extrême droite est à l’encontre de tout ceci : il aggraverait les inégalités sociales et donc les inégalités climatiques. »

• Martin Kopp (GreenFaith) : « Nous appelons les chrétiens et les croyants juifs, musulmans, bouddhistes à battre l’extrême droite dans les urnes »

Martin Kopp, de GreenFaith.

« Il faut reconnaître que des gens pétris d’Évangile qui connaissent la parabole du bon Samaritain votent extrême droite. C’est un échec spirituel et pastoral. Simultanément, il y a l’évidence que l’extrême droite est antisémite, islamophobe et plus largement raciste. La menace est celle de l’arrivée au pouvoir d’un suprémacisme blanc qui sépare, hiérarchise et mène aux agressions verbales, symboliques et physiques. Ma parole est avant tout écologique. L’écologie, c’est la science de la Terre comme maison commune. C’est la conscience que tout est lié, que je suis parce que nous sommes, que mon bien dépend du tien et du nôtre. L’extrême droite qui catégorise et exclut ne veut pas faire maison partagée. Elle veut faire maison isolée. En ce sens, elle est antiécologique. Nous appelons donc les chrétiens, les personnes de confession juive, musulmane, bouddhiste et spirituelle à battre l’extrême droite dans les urnes. Parce que nous le savons et nous le professons hors du soleil et de la pluie, hors de la fougère et de la fourmi, hors de l’étranger et du plus proche ami. En un mot, hors d’autrui, point de salut. »

• Malcom Ferdinand (chercheur) : « Combien de fois vais-je me retrouver l’un des seuls Noirs de la salle ? »

Malcom Ferdinand, chercheur en écologie décoloniale.

« Aux Antilles comme ailleurs, l’extrême droite progresse. Mais cela n’est pas uniquement une question des fautes du gouvernement Macron. C’est aussi le fait d’une vision du monde sur laquelle l’extrême droite peut s’accrocher. Mon adresse ce soir, sincère et amicale, est aux amis écologistes. Nous avons un problème qui ne sera pas résolu le 30 juin ou le 7 juillet, quand bien même le Front populaire gagnerait. Quel est ce problème ? Combien de fois vais-je arriver dans un meeting comme celui-là et me retrouver l’un des seuls Noirs de la salle ? Comment faire pour que la pratique écologiste ne ressemble pas à un meeting de l’extrême droite ? Des actions fortes devront être menées, y compris dans nos rangs : actions décoloniales de lutte contre les violences policières, de quotas dans les recherches et dans l’accès à l’université, de l’abrogation de la loi Cazeneuve qui est un blanc-seing pour tuer nos proches. Quel que soit le résultat des élections, les choses doivent changer. Il faudra lutter et cela passe d’abord par notre organisation. »

• Tiphaine Lagarde (269 Libération animale) : « Notre vote est la promesse d’un embrasement à venir »

Tiphaine Lagarde, de 269 Libération animale.

« Pour les animaux, comme pour tous les corps dominés, le rapport politique est intime. C’est une question de vie ou de mort qui les impacte dans leur chair. Des milliards de vies sont vouées à disparaître sans une riposte antifasciste à la hauteur. Oui, la question animale est politique. L’antispécisme est un mouvement égalitaire qui porte un projet de transformation sociale et qui s’inscrit dans une lutte contre les systèmes de domination. Là où le fascisme estime que seules certaines vies sont dignes d’être vécues, hurlons que toutes les vies comptent. Redonnons à la gauche son côté révolutionnaire. Le militantisme de posture ne suffira pas. L’antifascisme ne doit pas rester un slogan, il est une injonction pratique. Notre vote n’est que la promesse d’un embrasement à venir. On nous exhorte d’attendre le compromis, de favoriser l’absence de tension. Mais le conflit est aussi un accélérateur de l’histoire. Nous n’attendrons pas, et dans cette construction d’une Internationale des opprimés, les animaux seront là, on leur en fait la promesse. »

• Marion Rivet (Réseau Sortir du nucléaire) : « Le programme nucléaire du RN s’attaque aux plus pauvres et contamine les campagnes »

Marion Rivet, du Réseau Sortir du nucléaire.

« Le projet du RN de construire rapidement vingt EPR n’est pas réaliste. D’abord parce que construire rapidement vingt réacteurs nucléaires coûterait environ 224 milliards d’euros d’argent public. Le PDG d’EDF a lui-même estimé que la date de 2035 pour la mise en service d’un premier réacteur nucléaire était un objectif exigeant. Accélérer de tels chantiers revient à augmenter le risque d’accident. Par ailleurs, le prix de l’électricité d’origine nucléaire est plus élevé que celui de l’électricité d’origine renouvelable. En parallèle, le RN souhaite permettre la location de logements très consommateurs en énergie. Mais ce sont des passoires pour le portefeuille des locataires qui y vivent. Alors que rénover ces logements diminuerait nos besoins énergétiques et les factures. L’énergie nucléaire produit par ailleurs des déchets radioactifs dangereux qui ont une durée de vie de plusieurs millions d’années. La transition énergétique peut et doit se passer du nucléaire. Le programme nucléaire du RN, mais aussi celui des Républicains et de Renaissance, s’attaque donc aux plus pauvres et contamine nos campagnes. »

• Amine Messal (La Voie est libre) : « Un gouvernement d’extrême droite intensifierait une répression déjà très brutale »

Amine Messal, du collectif La Voie est libre.

« Je tiens à rappeler à quel point on a été réprimés en Occitanie par les forces de l’ordre pendant la mobilisation contre l’A69. Ce collectif pacifique et légaliste est composé d’une grande majorité de néomilitants, de gens qui trouvaient les jeunes trop radicaux quand ils disaient que les policiers étaient violents. En voyant comment la répression d’État peut s’abattre sur eux, ils sont en train de changer d’avis. La répression politique s’est exercée sur nous à divers niveaux. Le premier niveau, c’est sur le terrain. Des militants s’accrochaient pacifiquement aux arbres pour manifester contre des coupes d’arbres illégales. Nous avons réussi à faire reculer le chantier de six mois. Mais pour cela, les militants ont souffert de privation d’eau, de nourriture et de sommeil exercée par les forces de l’ordre. Le deuxième niveau, c’est la violence des procédures. Le troisième niveau, ce sont les peines hallucinantes prononcées par des juges des libertés de plus en plus enclins à écouter les procureurs qui sont sous l’autorité du garde des Sceaux. Avec un gouvernement d’extrême droite, cette non-indépendance entre l’exécutif et la justice s’intensifiera. »

• Philippe Descola (anthropologue) : « Nous portons l’idée du territoire comme milieu de vie débarrassé du racisme et de la discrimination »

Philippe Descola, anthropologue.

« Il y a plusieurs façons d’habiter des territoires. La première, la plus commune, celle du libéralisme économique, voit la Terre comme une marchandise et tout ce qu’elle contient comme une occasion de faire des profits. Une autre façon d’habiter des territoires, celle que nous propose l’extrême droite, est pire que la première, même si elle partage avec elle bien des points communs. Pire, parce qu’elle prétend fonder une légitimité de cette appropriation utilitariste par des rapports réputés historiquement fusionnels entre une population humaine et un espace caractérisé par l’exclusion. Il est enfin une autre façon d’habiter des territoires, celle qu’illustrent des populations autochtones ou des collectifs alternatifs dans le Nord global. Elle consiste à traiter un territoire comme un milieu de vie qui nous fait la grâce de nous accueillir et où s’épanouissent des manières de vivre qui nous permettent d’imaginer un monde débarrassé du racisme, de l’exploitation, de la discrimination. C’est celle que nous portons ce soir et qu’il nous revient de faire partager par l’exemple, par la persuasion et, dans quelques jours, par le vote. »



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