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Dans le Gard, les écolos en lutte face à « une libération de la parole raciste »


1er juillet 2024 à 10h16
Mis à jour le 1er juillet 2024 à 10h45

Durée de lecture : 4 minutes

Nîmes (Gard), reportage

À 20 heures, le silence est soudain quand apparaissent les résultats nationaux des législatives anticipées sur l’écran de la terrasse du Bar du Midi, l’un des seuls de Nîmes à ne pas diffuser le match Espagne-Georgie de l’Euro de football. Ici, tout le monde parlait union de la gauche, donnait son avis sur Mélenchon ou encore sur la candidature aux législatives de François Hollande, lorsque le couperet est tombé : selon les premières estimations, le Rassemblement national a obtenu 34 % des voix, devant le Nouveau Front populaire, à 28,1 %.

L’équipe du candidat écologiste Nicolas Cadène investi par le Nouveau Front populaire dans la 6ᵉ circonscription du Gard, reçoit au compte-goutte les résultats locaux. La circonscription, mi-rurale mi-urbaine, comprend la moitié de Nîmes et une vingtaine de communes rurales.

La terrasse du Bar du Midi était pleine au moment de l’annonce des premiers résultats.
© Estelle Pereira / Reporterre

Contrairement aux législatives de 2022, c’est la candidate RN, Sylvie Josserand, qui est arrivée en tête avec 42,07 % des voix. Nicolas Cadène, lui, obtient la deuxième place avec 28,77 %. Quant au candidat Ensemble, Aurélien Colson, bien que qualifié pour le second tour dans le cadre d’une triangulaire, il a annoncé se retirer : « Je ne veux pas contribuer, par une dispersion des voix à faire élire le RN », a-t-il dit.

« Nous avons assisté à une libération de la parole raciste et xénophobe »

Il faut dire que le parti d’extrême droite est en force dans le Gard — quatre députés sortants sur les six que compte le département étaient RN. Pas seulement en nombre de voix, mais aussi dans ses idées. « Nous avons assisté tout au long de la campagne à une libération de la parole raciste et xénophobe. Ce n’était pas le cas il y a deux ans », témoigne avec inquiétude Nicolas Cadène.

Nicolas Cadène, candidat Nouveau Front populaire de la 6e circonscription du Gard entouré de Béatrice Leccia, suppléante, et de Corinne Giacometti, militante du PS gardois.
© Estelle Pereira / Reporterre

Le haut fonctionnaire, connu nationalement pour ses travaux pour l’Observatoire de la laïcité, pointe du doigt responsables politiques et médias mainstream dans cette banalisation de la haine et à la diabolisation de la gauche : « Si les personnes racistes libèrent leur parole, c’est parce qu’elles pensent être majoritaires. Parce que des éditorialistes, des politiques, normalisent les idées du Rassemblement national à longueur de journée sur les plateaux de télévision. »

« On m’a traitée de nazie et d’antisémite ! Non mais vous imaginez ce que c’est pour une militante de gauche », s’exaspère Laurence, une militante PS. « Le bazooka contre les étrangers, la France aux Français, on aura tout entendu », désespère également Corinne Giacometti, élue municipale d’opposition de gauche à la ville de Nîmes.

« C’est comme si l’agressivité des réseaux sociaux était descendue sur le trottoir »

« C’est la campagne la plus difficile que j’ai eue à faire depuis que j’ai commencé à militer en 1995 », ajoute Béatrice Leccia, suppléante, membre du parti Les Écologistes. Elle décrit : « C’est comme si l’agressivité des réseaux sociaux était descendue sur le trottoir. Les résultats des Européennes ont donné de l’assurance à ceux qui jettent leur haine au visage. Il faut rappeler que le racisme n’est pas une opinion mais un délit ! »

Avec 28,77 % des voix, le Nouveau Front populaire est arrivé loin derrière le RN et ses 42,07 %, mais pourrait bénéficier d’un report des voix centristes au second tour.
© Estelle Pereira / Reporterre

Cette hostilité patente n’a pas empêché Nicolas Cadène et ses équipes de faire campagne partout, y compris dans les villages de Manduel, Marguerittes et Poulx qui lui sont peu favorables — les voix RN y ont représenté respectivement 48,97 %, 48,74 % et 42,19 % des voix lors des dernières Européennes.

Arnaque sociale

Sur les marchés, ou encore lors de la fête votive, à chaque fois qu’il capte un échange, il emboîte le pas des personnes qu’il accoste : « Le RN est une arnaque sociale », essaie-t-il de démontrer en citant les votes du parti d’extrême droite, notamment contre l’augmentation du Smic. Autour de lui, la gauche locale unie et une centaine de personnes qui multiplient tractage et porte-à-porte.

Malgré cette ferveur militante, dans un tel contexte, difficile de parler d’écologie, déplore Béatrice Leccia : « Le pouvoir d’achat est une préoccupation majeure. D’autres partis veulent faire croire que l’écologie et le pouvoir d’achat ne sont pas compatibles. Nous, on dit qu’on ne peut pas dissocier les deux. Et surtout ne pas mettre un parti climatosceptique au pouvoir ! » Reste à convaincre les électeurs centristes et macronistes au second tour.



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