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Ce qu’on appelle génocide, par Razmig Keucheyan (Le Monde diplomatique, juillet 2024)

ByVeritatis

Juil 2, 2024


Arméniens, Palestiniens, peut-on comparer ?

De la République démocratique du Congo (RDC) à la Syrie, en passant par Gaza, les accusations de « génocide » se multiplient avec les conflits et la dérive autoritaire de certains régimes. Ces polémiques, aussi anciennes que le mot créé en 1944, intéressent les juristes comme les historiens, dont l’expertise éclaire les tragédies du présent et du passé, en particulier celle des Arméniens de l’Empire ottoman.

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Muriel Ahmarani Jaouich. – « Puppets (Tiknikner) » (Marionnettes), 2021

© Muriel Ahmarani Jaouich, Galerie Patel Brown, Montréal

Avec celui des Hereros et des Namas à partir de 1904, le génocide des Arméniens de 1915 est l’un des premiers du XXe siècle. Depuis la fin de l’année 2023, nous assistons à ce qui pourrait être le premier génocide reconnu du XXIe siècle : la destruction des Palestiniens de Gaza.

Ainsi, la qualification de génocide se révèle complexe : en droit, la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par les Nations unies en 1948 désigne tout acte « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux » (lire « Origines d’un crime contre l’humanité »). C’est aussi une controverse à laquelle peuvent prendre part l’histoire et les sciences sociales. Au point qu’un champ de recherche interdisciplinaire a émergé dans la seconde moitié du XXe siècle : les genocide studies, dont l’une des activités consiste à comparer ces crimes contre l’humanité afin d’affiner leur compréhension. Chaque génocide est singulier, mais des similarités s’observent, en particulier le contexte de guerre dans lequel ils tendent à prendre place.

Si la qualification juridique repose sur des critères objectifs, elle comporte également une dimension politique. Comme le rappelle l’historien Perry Anderson, le droit international est un « droit du plus fort » : en tension avec les juristes ou les historiens, des acteurs étatiques et non étatiques participent au processus de qualification dès lors qu’ils ont intérêt à ce qu’un crime de masse soit ou non présenté comme un génocide — sachant que la convention de 1948 contient une visée performative : empêcher qu’il se produise ou se poursuive.

Chaque nouveau cas potentiel étend l’espace des comparaisons. Ainsi de Gaza aujourd’hui. Comparer permet de comprendre un événement en cours, par définition difficile à saisir. Mais cela n’implique pas nécessairement que les termes employés soient de même nature.

Le génocide des Arméniens a occasionné environ un million et demi de morts. Entre 1915 et 1923, les deux tiers de (…)

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