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Nouvelle-Calédonie, une histoire de la colère, par Marie Salaün & Benoît Trépied (Le Monde diplomatique, juillet 2024)

ByVeritatis

Juil 3, 2024


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Jim Skull. – « Le Deuilleur Apuema », 1995

© Jim Skull

La Nouvelle-Calédonie est-elle encore dans une situation coloniale aujourd’hui ? Alors que l’archipel du Pacifique sud traverse une grave crise insurrectionnelle depuis le 13 mai dernier, avec plus de dix morts et de nombreux blessés, des centaines de maisons et d’entreprises incendiées, une économie locale à terre et de grandes difficultés d’approvisionnement ou d’accès aux soins, cette question pourrait paraître assez rhétorique. Elle ne l’est pas. Le premier des désaccords entre ceux qui s’affrontent dans les rues de la capitale Nouméa et sur les réseaux sociaux porte précisément sur la réponse à y apporter.

Pour les uns, partisans du maintien du territoire dans la République, la page coloniale serait bel et bien tournée. Les accords politiques qui se sont succédé depuis 1988 auraient non seulement ramené la paix civile — qui s’est révélée fragile — mais aussi parachevé une décolonisation d’un genre nouveau, débouchant sur la réaffirmation du lien indissoluble entre la Nouvelle-Calédonie et la France. Pour les autres, c’est précisément parce que la dette coloniale n’a pas été apurée qu’il faut continuer à penser les moyens de l’autodétermination de l’archipel, car tel serait, pour eux, le sens de l’histoire.

Dans un célèbre texte de 1951, l’anthropologue Georges Balandier considérait qu’une situation coloniale se définit par « la base raciale des groupes, leur hétérogénéité radicale, les relations antagonistes qu’ils entretiennent et l’obligation où ils se trouvent de coexister dans les limites d’un cadre politique unique ». Toute tentative d’explication du chaos actuel suppose effectivement d’interroger le poids des héritages coloniaux ou, pour le dire autrement, la « colonialité » du moment présent.

En 1853, les autorités françaises ont pris possession de la Nouvelle-Calédonie pour en faire une colonie de peuplement. Outre la soumission des autochtones (les Kanaks) et l’exploitation des ressources, il s’agissait de favoriser l’implantation de colons, libres ou « pénaux » (des bagnards, (…)

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Marie Salaün &

Benoît Trépied

Respectivement professeure à l’université Paris Cité et chargé de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).



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