• ven. Sep 20th, 2024

les alertes de l’Autorité environnementale


Relance du nucléaire, déploiement des énergies renouvelables… Les installations liées à la production électrique ne sont pas neutres pour l’environnement. Tel est l’un des messages délivrés par le rapport annuel 2023 de l’Autorité environnementale (AE) et la synthèse annuelle 2023 de ses antennes régionales (missions régionales de l’autorité environnementale, MRAE), rendus publics le 9 juillet.

Ces instances sont chargées de rendre des avis sur l’aspect environnemental de nombreux projets — routiers, nucléaires, éoliens… Ils ne sont pas contraignants mais peuvent, notamment, amener les préfets à demander des évolutions des projets, ou servir en cas de contestation en justice.

Parmi les 141 avis que l’AE a rendus en 2023, 6 concernent des installations nucléaires [1], dont le démantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim ou la construction de deux EPR2 à Penly (Seine-Maritime). Les conséquences environnementales de ce dernier projet s’annoncent massives, avec le déroctage de 5 millions de m3 de falaise et une emprise de 20 hectares sur le fond marin.

Plus globalement, l’Autorité environnementale alerte sur le problème des rejets non radioactifs de ces installations. « Pour ces installations, on pense immédiatement aux effets liés à la radioactivité, mais il y a aussi des effets liés à la taille des projets, avec des rejets importants dans les milieux aquatiques », alerte Marc Laurent, membre de l’AE. Les rejets autorisés sont calculés en fonction de la capacité d’absorption maximale de l’environnement, ce qui invite à mettre des plafonds élevés plutôt que de chercher à réduire le plus possible les émissions de l’installation, déplore-t-il également. Enfin, des pans entiers des projets échappent au périmètre de l’évaluation environnementale : « Par exemple, dans le cadre des démantèlements, l’évacuation des matières radioactives n’est pas prise en compte », explique M. Laurent.

« Attention aux autres enjeux environnementaux en présence »

L’AE et les MRAE — qui ont rendu pas moins de 4 374 avis cette année-là — ont aussi constaté une multiplication des projets d’énergies renouvelables. Cette année-là, l’Autorité environnementale a dû plancher sur le parc éolien en mer de Dunkerque. La région Nouvelle-Aquitaine a concentré les parcs photovoltaïques, la région Grand Est les projets éoliens.

Avec des conséquences environnementales pas toujours très maîtrisées. « La palme va au photovoltaïque au sol, qui se développe sur des milieux naturels et agricoles et pas sur des surfaces déjà artificialisées comme on s’y attendrait », constate Véronique Wormser, présidente de la MRAE Auvergne-Rhône-Alpes et membre de l’AE. Elle alerte sur la difficulté à concilier l’ensemble des enjeux environnementaux : « Produire de l’énergie à partir de ressources renouvelables, c’est très positif. Mais attention aux autres enjeux environnementaux en présence, en particulier la biodiversité, les sols et les paysages. »

Imprécisions, angles morts…

Plus généralement, l’AE attire l’attention sur le fait que les inventaires de la biodiversité à l’état zéro (avant le projet) et états des lieux sont souvent de bonne facture, mais pas toujours suivis de mesures visant à réduire les conséquences des projets. Exemple avec les émissions de gaz à effet de serre : « Il serait intéressant de définir des mesures pour réduire les émissions des projets en phase chantier », préconise Laurent Michel, président de l’AE. Idem pour la biodiversité, avec des mesures compensatoires « parfois pas très précises » avec des interrogations sur « leur solidité dans le temps et même sur leur impact intrinsèque ».

L’objectif de zéro artificialisation nette commence à être intégré, notamment dans les documents d’urbanisme, mais de manière parfois poussive. « On constate que le premier critère d’implantation d’un projet reste la disponibilité foncière, observe Véronique Wormser. Tant qu’on sera encore sur ce système-là, on va avoir du mal à intégrer les objectifs de zéro artificialisation nette pour 2050. »

La question de l’eau devient aussi de plus en plus prégnante, avec des angles morts dans l’évaluation des impacts des projets sur les eaux souterraines. Quant aux plans d’action régionaux nitrates, ils sont largement insuffisants : « Les mesures proposées par ces plans d’action sont très stables, alors que la pollution aux nitrates ne baisse pas, voire s’aggrave. Donc à mesure stable, on risque de ne pas beaucoup l’améliorer », s’inquiète Laurent Michel.

De manière originale, l’AE a aussi mis l’accent sur le problème du bruit. « C’est une nuisance ressentie extrêmement douloureusement. Le grand public dit que c’est ce qu’il a le plus de mal à supporter », rapporte Sylvie Banoun, membre de l’AE. Elle provoque de graves problèmes de santé : des troubles auditifs évidemment, mais aussi des maladies cardiovasculaires, des troubles du sommeil et des retards dans les apprentissages.

« Selon un rapport de l’Ademe de 2021, 9,8 millions de personnes sont exposées aux nuisances sonores. Le coût social annuel du bruit s’élève à 110 milliards d’euros par an et à pas moins de 196 000 années de vie perdues. On n’est pas sur un problème de santé ridicule », s’alarme Sylvie Banoun, qui déplore « un écart extrêmement préoccupant » entre la réglementation française en matière de nuisances sonores et les seuils d’exposition recommandés par l’Organisation mondiale de la santé.



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