• sam. Sep 21st, 2024

Pourquoi nos factures d’électricité pourraient baisser


Au fil des crises, l’électricité est devenue, au même titre que le prix du ticket de métro ou de la baguette de pain en leur temps, un marqueur du pouvoir d’achat. Et c’est ainsi que, dans le contexte inflammable actuel, le gouvernement renonce à appliquer la hausse de 1 % du prix de l’électricité au 1ᵉʳ août. En revanche, le gaz, lui, a bien pris 12 % d’augmentation le 1er juillet.

Si le prix de l’électricité demeure stable pour le moment, il pourrait baisser en 2025. Il n’y avait pour le savoir qu’à écouter les candidats lors de la campagne des législatives, où chaque camp y est allé de sa promesse : Gabriel Attal a annoncé une réduction des factures de 20 % ; Jordan Bardella a dit vouloir abaisser la TVA sur le kilowattheure à 5,5 % tandis que le Nouveau Front populaire (NFP) a promis la gratuité des premiers KWh et de bloquer les prix des biens de première nécessité — dont l’énergie.

Un sujet qui ferait consensus au sein de la nouvelle Assemblée nationale ? Il y a encore quelques années, l’électricité n’aurait guère fait vibrer les candidats à des élections en France. Mais depuis la crise de 2022 suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la crainte de pénuries et les appels à la sobriété, elle est devenue un argument électoral majeur.

Réduire les taxes

Quatre éléments composent les prix de l’électricité : la production du kilowattheure, sa distribution, les coûts commerciaux et les taxes. Si le prix de la production dépend entièrement en France des investissements dans le nucléaire d’EDF, il existe des marges de manœuvre du côté des taxes. Or, début juillet, une commission d’enquête du Sénat a rendu les conclusions de six mois de travaux sur la production, la consommation et le prix de l’électricité. Au-delà d’un parti-pris favorable à l’énergie nucléaire, cette commission élabore plusieurs pistes pour réduire le prix de l’électricité d’environ… 40 % !

Avec les pompes à chaleur et les véhicules électriques, et en l’absence de tout programme de sobriété énergétique, les consommations vont continuer à augmenter. Et avec elles, nos factures. Voilà pourquoi l’une des propositions de la commission consiste à moduler les tarifs d’accise sur l’électricité en fonction des volumes de consommation, afin que chacun paye en fonction de ce qu’il consomme.

Cela implique de définir une « consommation de base », c’est-à-dire l’équivalent de la consommation d’un ménage vivant dans un logement de 80 m2, soit 4,5 MWh/an sans chauffage électrique et 6 MWh/an avec. Pour cette consommation de base, la TVA serait abaissée de 20 % à 5,5 %, et l’accise sur l’électricité passerait de 21 euros actuellement à 9,5 euros le MWh. L’une des taxes, la contribution tarifaire d’acheminement, serait alors supprimée. « Ces propositions entraîneraient à elles seules une baisse de 18 % du prix », indique le rapport. Si les ménages se situent au-dessus de la consommation de base, alors la TVA est maintenue à 20 %.

Prix plancher et prix plafond

La commission d’enquête propose également de mettre en place un contrat pour différence (CFD) entre EDF et l’État pour éviter les fluctuations de prix constatées en 2022. « Cela permettra de corréler les prix de l’électricité aux coûts de production et les détacher de ceux du gaz », peut-on lire dans le rapport. Le CFD — préconisé par la réforme du marché européen de l’électricité qui entre en vigueur ce mardi 16 juillet — offre aux producteurs d’énergie un prix plancher pour leur production à long terme et un prix plafond pour les consommateurs.

C’est à l’État de fixer cet entre-deux, « entre 60 et 65 €/MWh » toujours selon le rapport. Avec cette proposition, c’est une baisse supplémentaire du prix de 22 % qui est attendue. « Ces mesures permettraient des baisses de prix structurelles équivalentes à près de 7 000 euros sur la facture annuelle d’un boulanger qui consomme en moyenne 99 MWh par an ou à plus de 600 euros sur la facture annuelle d’un ménage qui consomme en moyenne 6 MWh par an », selon les sénateurs.

« Plutôt que baisser la TVA, mieux vaut isoler les passoires thermiques »

Un seul membre de la commission n’a pas voté le rapport : Daniel Salmon, sénateur d’Ille-et-Vilaine, issu des rangs écologistes. « Le rapporteur, Vincent Delahaye, ne dit pas comment il budgétise ces propositions, dit-il. Il manque cruellement la notion de tarification sociale : quid des petits consommateurs qui ne dépassent pas les 2 MWh par an ? » Motus également sur les foyers précaires énergétiques, vivant dans des passoires thermiques : du fait de leurs logements mal isolés et chauffés avec des convecteurs inefficaces, ils peuvent avoir des consommations disproportionnément grandes.

Daniel Salmon insiste sur le choix de société qui sous-tend la régulation des prix de l’électricité. « Ce rapport part d’un postulat de croissance et de développement de notre demande en électricité avec la réindustrialisation ou l’électrification de la société. Avec un tel postulat, il est évident qu’on a besoin de nucléaire pour tenir le choc. Or, la place des énergies renouvelables ou de la sobriété n’a pas été traitée à la hauteur des enjeux », déplore-t-il.

« Plutôt que baisser la TVA, mieux vaut isoler les passoires thermiques, tempête Daniel Salmon, partisan de mettre d’abord l’effort sur la sobriété et l’efficacité énergétique des bâtiments. Il existe 5 millions de passoires thermiques en France. Une fois isolés, ces logements consommeront moins. L’argent qu’on souhaite consacrer à une baisse de TVA devrait aller en priorité à la rénovation. »

Un pari sur un nucléaire incertain

Ce qui se profile en France est corrélé au marché européen de l’électricité, dont la réforme entre en vigueur aujourd’hui après d’âpres négociations depuis la crise de 2022. Elle donne aux États membres les moyens d’une plus grande protection de leurs consommateurs en leur autorisant de fixer temporairement les prix de l’électricité en cas de crise. Enfin, l’accord renforce les droits des personnes les plus vulnérables : les pays de l’UE peuvent interdire aux fournisseurs de couper l’approvisionnement de ceux qui n’auront pas pu régler leur facture.

Les travaux du Sénat prennent pour postulat une augmentation radicale de la consommation électrique à cause de l’électrification des usages dans la mobilité ou le chauffage. Les travaux se sont basés sur une consommation annuelle de 615 TWh en 2035, soit 38 % d’augmentation, puis environ 700 TWh en 2050, soit 57 % d’augmentation par rapport à la situation actuelle. Pour y pourvoir, la commission mise sur l’allongement de la durée de vie du parc nucléaire pour accompagner un « essor raisonnable » des renouvelables. Et revendique un mix énergétique composé à 60 % par la filière nucléaire avec la construction à venir de plusieurs EPR2. Un programme dont on ne sait ni comment on le financera, ni comment on le réalisera.



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