• ven. Sep 20th, 2024

Joe Biden, le président le plus vert de l’histoire des États-Unis


Dès les premiers jours de son mandat, Joe Biden a voulu imprimer l’image d’un président qui ne laisse pas la planète surchauffer sans rien faire. Première étape ? Retricoter rapidement ce que Donald Trump avait détruit.

Symboliquement, dès son premier jour en poste, il a acté le retour des États-Unis dans l’accord de Paris. Il a aussi annulé le permis du pipeline Keystone XL, corridor pétrolier de près de 2 000 kilomètres entre le Canada et le Nebraska. Donald Trump avait ressuscité ce projet, massivement dénoncé pendant plus d’une décennie par les associations écologistes.

À la fin de sa première année dans le bureau ovale, Joe Biden a restauré les protections des monuments nationaux Bears Ears et Grand Staircase-Escalante, dans l’Utah, balayées par l’ex-président républicain. En tout, son administration a déjà renversé une centaine de mesures en environnement prises par le locataire précédent de la Maison Blanche, et le compteur tourne toujours.

369 milliards d’investissements

À l’heure du bilan vert de Joe Biden, trois lettres éclipsent tout le reste : IRA. « L’Inflation Reduction Act », signée en 2022 : « Sa mesure signature », dit Stephen Ansolabehere, professeur en gouvernement à l’université Harvard. Cette loi mammouth autorise 369 milliards de dollars d’investissements — son coût pourrait plus que doubler, à long terme — dans la transition énergétique et la lutte contre les changements climatiques.

Pour Stephen Ansolabehere, le montant pharaonique « est à la mesure des changements », et les effets du texte se manifestent déjà. En se promenant sur les routes de la Nouvelle-Angleterre, les panneaux solaires pullulent désormais sur les toits. Les bornes de recharge de véhicules électriques, elles, ont plus que doublé en quatre ans et plus de 118 milliards de capitaux ont convergé aux États-Unis dans des nouveaux projets de batteries et de véhicules électriques depuis que l’IRA a été signée.

« Biden a fait ce qu’aucun président avant lui n’avait osé : il a changé le modèle énergétique des États-Unis. Et il a su embarquer les travailleurs de l’automobile pour prendre le virage électrique », soutient Stephen Ansolabehere.

Soigner sa sortie

Dans la dernière année de son mandat, Joe Biden a tenté d’asseoir son image verte, avec une flopée de règlements menée à toute berzingue par l’Agence de protection de l’environnement (EPA). Un véritable « blitz vert », d’après le groupe militant Evergreen Action. La mesure la plus marquante est peut-être celle qui force les centrales électriques au charbon à capter 90 % de leurs émissions de CO2 d’ici 2039 ou à fermer. In extremis, il a aussi rétabli en mars des règles de protection des espèces en péril, en partie dézinguées par Donald Trump. Désormais l’appellation d’espèce « menacée » se décide sans avoir à considérer l’impact économique qui en découle.

« Je pense que Joe Biden est un pragmatique qui a surfé dans la bonne direction sur la vague de la lutte contre le changement climatique », expose Ann Bostrom, professeure en politique environnementale à l’université de Washington. Elle pointe le fait qu’il y a deux ans, le World Resources Institute a attribué au président, bon élève, la note de A- pour sa performance climatique.

Faux écolo, vrai accro aux fossiles ?

En s’arrêtant ici, le tableau serait cependant trop vert pour être vrai. On ne traverse pas plus d’un demi-siècle de politique chez le premier producteur mondial de pétrole sans courbette, compromis, voire soumission aux compagnies fossiles : Joe Biden ne fait pas exception.

Tout en prônant des objectifs ambitieux de réduction des gaz à effets de serre, c’est bien sous le mandat Biden que la production nationale de pétrole brut a battu des records l’année dernière. Celle-ci n’a d’ailleurs pas à trop s’inquiéter : avec l’approbation du Willow project, en Alaska, la multinationale ConocoPhillips pourra extraire en tout jusqu’à 600 millions de barils de pétrole pendant son exploitation.

« Drill, baby, drill ! » (« Fore, bébé, fore ! ») a beau être un slogan chéri de Donald Trump, Joe Biden pourrait le faire sien : les deux premières années de son mandat, il a accordé davantage de permis d’extraction de gaz et de pétrole que l’administration Trump sur la même période, d’après le New York Times.

L’IRA, bien qu’ambitieuse, a aussi fait quelques cadeaux aux géants du fossile. Elle garantit des forages dans le golfe du Mexique et inclut des subventions pour la capture et le stockage du carbone, un appui implicite à la survie des hydrocarbures.

Face à l’inflation, Joe Biden a par ailleurs libéré des réserves stratégiques d’or noir et fait du pied à l’Arabie Saoudite en 2022 pour que la production pétrolière augmente, afin d’influer sur les prix. Toujours écolo, Joe ?

« Il a lancé quelque chose, il faudra voir en 2035 »

Les États-Unis, malgré une baisse des émissions de GES l’année dernière et une tendance qui semble bien enclenchée, ne devraient pas respecter les cibles de l’Accord de Paris en 2030, d’après le Rhodium Group. Joe Biden a-t-il été trop lent dans ses changements ou trop contradictoire dans ses signaux ? Le contexte politique actuel, un Congrès divisé — le Sénat est à majorité démocrate, mais la Chambre des représentants est républicaine — n’a certes pas joué en sa faveur pour accélérer les réformes.

Est-ce encore trop tôt, tout simplement, pour trancher définitivement sur son héritage pour l’environnement ? C’est l’avis d’Henrik Selin, professeur à la Boston University, spécialisé dans la coopération internationale en environnement. « Si Kamala Harris — l’actuelle vice-présidente et très probable future candidate démocrate en novembre — prend la suite de Biden, il faudra s’assurer que les échéances entourant les objectifs climatiques sont bien respectées. Mais c’est difficile d’observer dès aujourd’hui le réel impact des politiques de Biden. Il a lancé quelque chose, il faudra voir en 2035 : là, on se rendra davantage compte de ce qu’il a fait pour la planète. »



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