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ces objets absurdes confisqués aux antibassines


24 juillet 2024 à 16h06

Durée de lecture : 4 minutes

Sauzais-Vaussais (Deux-Sèvres), reportage

« Un couteau à beurre, des écussons, une bouteille de sirop, un imperméable kaki… » Sur l’air de La Complainte du progrès de Boris Vian, le porte-parole de Bassines non merci, Julien Le Guet, égraine la liste best-of des objets les plus absurdes confisqués durant la semaine d’action antibassines du 16 au 21 juillet. Son public ? Des dizaines de militantes et militants en file indienne devant la gendarmerie de Sauzais-Vaussais, à côté de Melle, venus récupérer leurs effets personnels lundi 22 juillet.

De nombreux médias avaient relayé les stupéfiantes statistiques tambourinées par le ministère de l’Intérieur : 5 000 contrôles, plus de 400 « objets dangereux » confisqués en deux jours à peine… Mais sur le parking visiteur de cette gendarmerie giflée par les passages de poids lourds, la glorieuse lutte contre l’écoterrorisme prend des airs de brocante d’accessoires de camping.

Des serviettes hygiéniques « pouvant faire office de masque »

Entre les portes vitrées surgit un officier essoufflé avec deux bonbonnes de gaz Elfi d’un rouge pétant. « J’avais pris des oignons, des carottes, des aubergines, du riz… Je n’ai rien pu cuire, j’ai tout filé à la cantine ! », rigole le propriétaire. Comme beaucoup de personnes venues camper, ce cuistot d’une vingtaine d’années a été délesté du gros de son équipement de plein air. Des sacs surgissent maillets, sardines de tente, Opinel, fourchettes, couteaux à bouts rond par services entiers… « Armes par destination », était le refrain de ces saisies. Même sort pour tous les matériels de protection : masques, lunettes, bouchons d’oreille, parapluies ont fini confisqués par centaines. Des vêtements noirs, aussi, assez pour vêtir un escadron. La gendarmerie a joué la fashion police.

Casque d’équitation, sérum physiologique, fourchettes… ont été confisqués à cette personne.
© Sylvain Lapoix / Reporterre

Une quadragénaire scanne son procès-verbal d’un index rageur pour vérifier que la restitution est complète : « Ils ont passé quarante minutes à fouiller mon camion, ils ont tout tout tout tout vidé, jusqu’à dérouler mes chaussettes et ouvrir les boîtes de médoc ! » Contrairement à l’usage, les réquisitions de la préfecture n’ont pas été présentées pour justifier la fouille des véhicules. « Ce genre de fouille doit être appréciée par un officier de police judiciaire, souligne une membre de la legal team (l’équipe juridique) du Village de l’eau. Or ici, elle a été systématique. »

Privés de justifications légales, les citoyens partagent les interprétations hasardeuses des gendarmes. Un feutre Posca noir ? « Lancé assez fort au visage, cela peut blesser un agent », aurait-on répondu à une jeune femme. Quant aux serviettes hygiéniques, elles « peuvent faire office de masque ».

« Sans ça, je ne peux pas bosser »

Si l’on peut en rire, le mélange d’arbitraire et d’amateurisme ronge les nerfs des militants. Dans les éboulements de sacs-poubelles qui dégueulent des garages à l’arrière de la gendarmerie, des agents pataugent, désemparés, à la recherche d’un numéro de dossier. Des dizaines de scellés ont été perdus, des objets cassés. « Vous m’écrivez et je l’enverrai à mes frais à la gendarmerie la plus proche du domicile », tente de concilier le colonel de gendarmerie à une femme qui brandit par-dessus la grille son passeport sur lequel il a appliqué un post-it avec une adresse mail. « On n’a aucune garantie ! », tempête-t-elle en retour avant de demander un procès-verbal jamais remis.

5 000 contrôles, plus de 400 « objets dangereux » confisqués… Telle a été la communication tapageuse du gouvernement.
© Sylvain Lapoix / Reporterre

Certains sont là depuis deux ou trois heures, jouent aux cartes, grignotent des chips en attendant leur jeu de molky, leur cadenas de vélo, leur cric… Un équipement de secours requis dont la confiscation met, de fait, les personnes hors la loi. « Je suis naturaliste, je viens récupérer mes wadders, des bottes de pêche : sans ça, je ne peux pas aller bosser », s’impatiente Pisidie (un prénom d’emprunt).

La legal team, dont le numéro a été largement partagé, a vécu une journée de désespoir. « Nous avons imprimé un millier de procurations pour les gens déjà partis, déprime une juriste. Beaucoup de gens voudraient une action collective, mais est-ce que notre énergie est mieux employée à lutter contre la répression ou contre les bassines ? » Avant de trancher : « De toute façon, après ça, beaucoup de gens n’ont plus envie d’entendre parler de la police. »



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