le tribunal se donne 15 jours pour décider de l’annulation


Toulouse (Haute-Garonne), reportage

« Il n’y a nul doute que cette autoroute présente un intérêt public, mais il n’est ni impératif ni majeur. » Dans une salle d’audience bondée, lundi 25 novembre, la conclusion de la rapporteuse publique Mona Rousseau est sans appel. L’avis de la magistrate, chargée d’examiner le dossier et les requêtes pour éclairer le tribunal sur l’autoroute A69, entre Toulouse et Castres, est « un coup de théâtre », selon l’avocate des requérants, Me Alice Terrasse. Cet avis avait déjà été rendu public dans la presse, les conclusions de la magistrate ayant été transmises aux parties le 20 novembre en vue de ce procès.

Cette audience intervient après que plusieurs associations, notamment France Nature Environnement (FNE), Les Amis de la Terre ou la Confédération paysanne, ont déposé une requête pour annuler l’autorisation environnementale accordée en mars 2023 au concessionnaire Atosca pour entamer les travaux de l’A69. Cette requête, si elle est acceptée, pourrait conduire à suspendre les travaux et à abandonner le projet.


Le jour du procès au tribunal administratif de Toulouse, les militants opposés à la construction se mobilisent.
© Antoine Berlioz / Hans Lucas / Reporterre

La rapporteuse publique, qui a regretté que l’étude sur le fond du dossier intervienne si tard, a rappelé que, pour déroger à la destruction d’espèces protégées sur le chantier (on dénombre 162 espèces animales ou végétales protégées sur le tracé de l’A69), il faut une raison impérative d’intérêt public majeur.

Cette notion, au cœur de l’autorisation environnementale et donc du projet d’autoroute A69, « est très exigeante », selon la magistrate. Elle s’est attachée à examiner tous les arguments de l’État et du concessionnaire NGE-Atosca pour justifier ce projet, notamment le désenclavement de Castres ou le caractère social de cette infrastructure. « Les arguments présentés peinent à convaincre », a-t-elle conclu, préconisant une annulation de l’autorisation environnementale.


Des opposants à l’A69 devant le tribunal administratif de Toulouse.
© Antoine Berlioz / Hans Lucas / Reporterre

« La justice arrive et le chantier va s’arrêter »

Sur le pas de la porte de la salle d’audience, des opposants et des journalistes, qui n’ont pas obtenu de place assise, tentaient d’écouter les interventions. Invitée à s’exprimer par la présidente, Me Alice Terrasse s’est attardée elle aussi sur la notion de raison impérative d’intérêt public majeur, qui pourrait faire basculer ce dossier. « Tous les voyants étaient au rouge. Tout le monde savait que la raison impérative d’intérêt public majeur n’existait pas. Mais le chantier a débuté et les machines sont arrivées, comme si le concessionnaire voulait marquer son territoire », a-t-elle argué.

L’avocate s’est également attachée à contredire les arguments du concessionnaire, avançant « qu’il n’existe aucun projet de territoire structurant autour de cette autoroute », ou encore que ce sera « l’une [des] plus chères de France, qui ne profitera pas à tout le monde ».

Me Alice Terrasse a conclu son intervention en s’adressant à la présidente : « Vous avez en main l’essentiel. Il reste plus de la moitié des terrassements à effectuer, et on peut démonter les ouvrages d’art déjà réalisés. Il est encore temps de stopper ce chantier. » Selon le concessionnaire, 45 % des terrassements seraient déjà effectués et 70 % des ouvrages d’art seraient construits.


Les citoyens et militants qui dénoncent ce projet depuis des années attendent enfin que justice soit faite.
© Antoine Berlioz / Hans Lucas / Reporterre

Pour contredire les arguments des requérants, Me Carl Enckell, qui représente la société Atosca, a repris les raisons ayant poussé l’État à reconnaître l’autoroute A69 comme un projet d’intérêt public majeur en 2018 : redynamiser le territoire, désenclaver l’agglomération Castres-Mazamet et œuvrer pour la sécurité routière via une autoroute moins accidentogène que la route nationale existante.

Pour la défense, il n’existe aucune solution alternative à cette autoroute et la justice a déjà rejeté de nombreux référés demandant la suspension des travaux. « Contester ces éléments serait du relativisme juridique. S’il fallait arrêter le chantier, on aurait dû le faire il y a un an », a déclaré Me Carl Enckell. Sans réellement apporter de nouveaux éléments pour justifier une raison impérative d’intérêt public majeur, l’avocat a conclu : « Annuler ce projet, ce serait enterrer un projet de territoire et d’amélioration pour l’agglomération de Castres-Mazamet. »

Après plus de trois heures d’audience, la présidente a annoncé un délibéré dans les quinze prochains jours. Les opposants à l’A69 sont sortis de la salle d’audience avec le sourire aux lèvres et beaucoup d’espoir. Ils ont rapidement été rejoints par une centaine de leurs camarades qui n’ont pas pu entrer dans la salle. Pour un membre du collectif La Voie est libre, « la justice a tardé, mais elle arrive et le chantier va s’arrêter ».


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