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Aux JO, les timides avancées contre la maltraitance des chevaux


31 juillet 2024 à 15h50
Mis à jour le 31 juillet 2024 à 16h43

Durée de lecture : 5 minutes

C’est un petit séisme dans le monde du cheval. Le 23 juillet, la cavalière britannique Charlotte Dujardin, star de l’équitation, a annoncé sur Instagram renoncer aux Jeux olympiques (JO) de Paris 2024. La quintuple médaillée olympique est sous le coup d’une enquête de la Fédération équestre internationale (FEI) après la diffusion d’une vidéo la montrant maltraitant son cheval lors d’un entraînement.

Les cas de maltraitance équine pendant les Olympiades ne sont pas nouveaux. À Tokyo aux Jeux olympiques de 2020, décalés en 2021 en raison du Covid-19, des images de chevaux en souffrance ont marqué les spectateurs. Jet Set a été euthanasié après s’être blessé un membre sur l’épreuve du concours complet, consistant à enchaîner le dressage, le cross et le saut d’obstacles. Kilkenny a eu le nez en sang sur un parcours d’obstacles. Saint Boy a été cravaché à plusieurs reprises par l’Allemande Annika Schleu lors de l’épreuve de pentathlon moderne, et frappé du poing par sa coach. Après cette compétition, plusieurs associations de protection animale — Peta, la Fondation 30 Millions d’amis, Projet Animaux Zoopolis — ont demandé la suppression de certaines épreuves d’équitation aux JO.

Dans un mail adressé à la mairie de Paris le 12 août 2021, cette dernière association écrivait : « Forcer et blesser voire tuer des animaux n’est pas amusant et n’a pas sa place aux JO. Certains humains choisissent de s’entraîner intensément pour un sport qu’ils ont choisi. Les animaux, eux, ne choisissent pas les JO. »

Ces associations ont remporté une première victoire. En novembre 2022, l’Union internationale de pentathlon moderne (UIPM) a voté le remplacement de l’équitation par une épreuve de course à pied à obstacles. Les JO 2024 seront donc les derniers où les pentathlètes — ces sportifs qui font aussi de la natation, de l’escrime, du tir au pistolet et de la course à pied — monteront à cheval.

Du mieux, mais insuffisant

Autre nouveauté : la nomination de Richard Corde en tant que coordinateur du bien-être équin. L’homme, actuellement président de la Ligue française pour la protection du cheval et vétérinaire de concours, sera chargé de veiller au bien-être des animaux. Mais il n’aura qu’un rôle d’observateur et ne pourra pas sanctionner d’éventuelles infractions. « C’est utile, sans révolutionner le système », estime Déborah Bardou, éthologue et membre du comité bien-être équin créé en janvier 2024 par un prestataire des JO, GL Events Equestrian Sport.

Utile parce que les chevaux seront suivis avant, pendant et après les épreuves par une même personne. Pas révolutionnaire parce que, comme le rappelle Luc Mounier, professeur et responsable de la chaire bien-être animal à VetAgro Sup, il y a déjà des réglementations en termes de bien-être équin. Pour les compétitions régies par la Fédération équestre internationale (FEI), les box doivent par exemple faire au minimum 9 m2 et 12 m2 pour les montures plus imposantes, et les chevaux doivent toujours avoir à disposition du foin, des rations et de l’eau de bonne qualité.

D’autres nouveautés ont été mises en place pour ces JO 2024. Pour sa dernière édition, l’épreuve du pentathlon moderne a été simplifiée. Les obstacles que devront franchir les chevaux seront moins nombreux et moins hauts. Durant les épreuves de dressage, l’obligation de porter des éperons qui piquent le flanc des animaux a été supprimée. Enfin, sur le parcours de cross, il n’y aura que des obstacles dits de sécurité, c’est-à-dire qu’ils pourront tomber si les membres du cheval les touchent. « Nous ne devrions plus avoir de chute en rotation [lorsque le cheval se retourne], ce qui est la principale cause de traumatologie pour les chevaux et pour les cavaliers », estime Thierry Grisard, président de la commission vétérinaire de la FEI.

« Les vraies mesures à prendre sont des contrôles extrêmement stricts et inopinés »

Les épreuves d’équitation ont lieu au château de Versailles, où seront installés 220 box de 12 m2 chacun, pour un minimum réglementaire de 9 m2. Sur son site, l’organisation promet qu’elle respectera les besoins fondamentaux des animaux : alimentation riche en fibres à disposition ; déplacements sans cavalier sur le dos ; contacts avec d’autres chevaux, cette espèce étant grégaire. Une aire de détente permettra aux grooms chargés de faire marcher et brouter les animaux entre les épreuves.

Mais tout cela n’est pas nouveau. Déjà aux Jeux de Londres en 2012, des aires de broutage avaient été mises en place. « La vie des chevaux entre les épreuves [quand ils sont dans leur box] est peu évoquée », note Martine Hausberger, directrice de recherche au CNRS en éthologie et étude du comportement, qui travaille sur le bien-être équin dans le sport depuis la fin des années 1990. Elle souligne malgré tout un aspect intéressant : « La mesure essentielle est d’éviter de déranger les chevaux la nuit, et ça c’est bien. »

De manière générale, les JO ne sont pas représentatifs de la manière dont vivent et travaillent les équidés, rappelle Loïc Dombreval, un ancien député (LREM) qui a mené les travaux parlementaires autour du bien-être équin aux JO 2024. « Que les chevaux n’aient jamais été aussi bien traités pendant des épreuves olympiques ne veut pas dire qu’ils le sont tout le temps », explique celui qui est aujourd’hui président du conseil national de la protection animale.

Il se dit d’ailleurs très dubitatif quant à une prise en compte suffisante du bien-être animal durant toutes les compétitions. « Les vraies mesures à prendre sont des contrôles extrêmement stricts et inopinés avec des sanctions strictes, il faut faire du flicage, on en est là malheureusement. »





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