Bakou (Azerbaïdjan), reportage
« Je veux le répéter ici devant cette audience : c’est un don de Dieu. » Le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, répète son mantra au sujet du pétrole et du gaz. Le 12 novembre, au deuxième jour de la COP29 à Bakou, l’allocution de l’indétrônable autocrate s’est traduite par une défense acharnée — et transparente — de l’extraction de combustibles fossiles. Sans la moindre retenue à l’égard de ses détracteurs, le moustachu a taillé « la politique du deux poids, deux mesures, la manie de donner des leçons et l’hypocrisie » des dirigeants, activistes et médias de certains pays occidentaux.
Quittant la tribune sous les applaudissements nourris de la plénière « Nizami », le dictateur aux commandes du pays hôte depuis 2003 a échangé une chaleureuse poignée de mains avec le secrétaire général des Nations unies, António Guterres. Celui-ci n’a pas corrigé la teneur de son laïus, mais était sans doute médusé par ces propos d’une férocité quasi-inédite en diplomatie internationale. Toujours est-il que le patron de l’ONU a commencé par remercier « l’accueil et l’hospitalité » de l’homme venant de jeter un froid à l’hémicycle.
« Nous sommes dans le compte à rebours final »
« Le son que vous entendez est celui du tic-tac de l’horloge. Nous sommes dans le compte à rebours final pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C, a toutefois clamé le Portugais. Et le temps ne joue pas en notre faveur. » Dénonçant l’absurdité de poursuivre l’investissement dans les hydrocarbures, il a appelé à réduire de 30 % leur production d’ici 2030.
Un vœu aux antipodes des projections de l’État accueillant la COP, tablant plutôt sur une hausse de +14 % à l’horizon 2035.
Champ libre aux nationalistes européens
Jusqu’au crépuscule du 13 novembre, un bataillon de 82 chefs d’État et de gouvernement, vice-présidents et princes héritiers doit défiler au pupitre de l’Assemblée. Une grand-messe protocolaire, baptisée « Sommet des leaders » et boudée par tous les dirigeants des pays les plus émetteurs de dioxyde de carbone. Le président des États-Unis, Joe Biden, à la légitimité terriblement fragilisée par l’élection de Donald Trump, sèche l’exercice pour la deuxième année consécutive. Les leaders du Japon, de l’Australie, de la Chine, de l’Inde, du Canada, de l’Afrique du Sud ou encore du Mexique brillent aussi par leur absentéisme. Au même titre que le dictateur Vladimir Poutine, le roi Charles et le président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, pourtant hôte de la prochaine COP.
Et le tableau n’est guère plus garni du côté de l’Union européenne. Emmanuel Macron, lui aussi, a refusé de se déplacer. Une première depuis 2019, justifiée par les fortes tensions diplomatiques entretenues avec l’Azerbaïdjan depuis la condamnation par la France de l’invasion du Haut-Karabagh par l’armée d’Ilham Aliyev, en 2023. Une fenêtre de tir idéale, dont Alexandre Loukachenko, autocrate biélorusse et proche allié de Vladimir Poutine, s’est aussitôt saisi : « Quelle est l’efficacité de nos négociations sur le climat si le président français n’est même pas présent ? »
Le chancelier allemand Olaf Scholz et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen ne participent pas non plus au grand raout. Une aubaine pour le nationaliste hongrois, Viktor Orban, ayant pu dérouler des ambitions climatiques bien différentes de celles défendues par l’Union européenne : « Nous devons poursuivre la transition verte tout en maintenant notre usage du gaz, du pétrole et du nucléaire », a-t-il notamment déclaré à la barre. Attendue ce jour devant la plénière, son homologue italienne d’extrême droite, Giorgia Meloni, risque d’adopter pareille posture.
Les pays pauvres vont-ils « quitter Bakou les mains vides » ?
Visiblement plus enclins à partager le sentiment d’urgence devant « le tic-tac de l’horloge », plus d’une vingtaine d’intervenants africains ont décrit les tragiques répercussions du changement climatique que leur pays affronte au quotidien. Au même titre que le président du Népal, endeuillé par une mousson et des glissements de terrain meurtriers, ainsi que les figures d’une flopée de nations insulaires : « Tout est menacé, a déploré Ahmed Abdullah Afif Didi, vice-président des Seychelles. Nous devons déménager nos maisons. »
Hilda Heine, l’une des neuf femmes parmi les 82 leaders présents à la COP29, a fustigé la démobilisation des pays riches à l’heure de mettre la main à la poche. La présidente des Îles Marshall, un État insulaire que le Pacifique pourrait un jour engloutir, a toutefois harangué l’hémicycle : « Nous savons reconnaître le moment où la tendance s’inverse. Et en ce qui concerne le climat, la tendance s’inverse maintenant. »
Jusqu’au 22 novembre prochain, une enveloppe annuelle allant de 100 à 1 300 milliards de dollars (1 225 milliards d’euros) doit être débattue pour financer la transition des pays vulnérables au changement climatique. « [Ils] ne doivent pas quitter Bakou les mains vides », a insisté António Guterres.
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