Guerre, entre États…
Parmi les conséquences géopolitiques du dérèglement climatique, on cite souvent l’hypothèse d’un conflit armé entre deux ou plusieurs pays pour le contrôle de ressources hydriques de plus en plus rares. Déjà, en juin 1972 à Stockholm, des militants écologistes interrompirent brièvement les travaux du premier sommet de la Terre, organisé sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU), afin d’alerter contre ce risque. Mais la guerre pour l’eau est-elle inéluctable ? On relèvera que la planète n’a pas connu pareil cas au cours des dernières décennies. Certes, des tensions persistantes existent sur tous les continents et sont susceptibles de se transformer en conflits ouverts. L’un des exemples emblématiques se situe en Afrique, l’Égypte n’écartant pas l’usage de la force, notamment aérienne, contre le grand barrage de la Renaissance que construit l’Éthiopie sur le cours du Nil Bleu. Ce principal affluent du Nil assure 97 % de la consommation égyptienne d’eau douce, et Le Caire estime avoir un droit de regard sur tout ce qui passe en amont de sa frontière. Mais, derrière les discours bellicistes, c’est toujours la négociation et la diplomatie qui priment. Les États-Unis, la Russie et les monarchies du Golfe tentent de convaincre les deux parties, auxquelles il faut ajouter le Soudan, qu’elles ont tout intérêt à s’entendre autour de cette ressource commune. On retrouve cette approche conciliatrice dans de nombreux autres différends, comme, par exemple, celui qui oppose la Turquie à l’Irak et à la Syrie à propos de l’Euphrate et du Tigre. La guerre de l’eau n’aura peut-être pas lieu…
… mainmise des multinationales
On ne compte plus les initiatives multilatérales pour que le monde se dirige vers une gestion plus concertée des ressources hydriques. En mars, l’ONU a ainsi organisé une conférence mondiale dédiée à l’eau douce. Un événement qui a réuni cent cinquante États et une dizaine de milliers de participants dans le cadre, pour qui l’ignorerait, de la décennie internationale d’action « L’eau et le développement durable (2018-2028) ». Contrairement aux océans, qui font l’objet d’un accord mondial de protection, adopté aussi en mars, l’eau douce, soit à peine 2,5 % de l’hydrosphère, ne bénéficie d’aucun texte majeur encadrant à la fois son usage, son partage et sa préservation, même si l’ONU a entériné en 2010 le fait que l’accès à l’eau potable fait partie des droits humains. L’urgence climatique et la multiplication des sécheresses, y compris dans les zones tempérées, poussent les États à l’adoption d’un document plus ambitieux. Mais le chemin pour y parvenir est semé d’embûches. Les multinationales de l’eau sont présentes à tous les niveaux de discussion, de manière directe ou par le biais de lobbyistes et d’organisations non gouvernementales de façade. L’objectif de cet entrisme est simple : empêcher qu’un texte international bride la marchandisation de l’eau et des réserves aquifères.